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La prise en compte de la biodiversité dans les évaluations de politiques et la prospective politique réalisée par l'IWEPS

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 33 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 23/11/2010
    • de DUPRIEZ Patrick
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    L’année internationale qui lui est consacrée et singulièrement le récent Sommet international de Nagoya invitent les Etats à prendre en considération cette préoccupation de la biodiversité au sein de toutes les politiques.

    Toutes les politiques et nos modes de consommation sont en effet susceptibles d’avoir un impact, positif ou négatif, sur les territoires et sur la biodiversité, ici et ailleurs sur la Planète. Dans ce cadre, il est donc utile :

    - d’évaluer a priori l’apport d’une action afin de voir si elle contribue à l’objectif de conservation de la biodiversité ;
    - d’évaluer à postériori l’effet de toute politique à l’objectif de conservation de la biodiversité ;
    - de mener une réflexion prospective sur les objectifs et les méthodes pour conserver, voire augmenter la biodiversité.

    Il existe au niveau fédéral belge une évaluation a priori de toutes les politiques menée par le Gouvernement : le test de durabilité. Quand on examine ce test de plus près, on constate qu’il suit le même processus qu’au niveau européen en trois étapes : « screening », « quick scan » et « scoping + assesment » :

    - le screening permet de voir si une mesure est exemptée ;
    - si elle ne l’est pas, le quick scan permet de voir si une mesure est susceptible d’avoir des impacts significatifs. Sinon, le quick scan est néanmoins complété par des suggestions d’amélioration ;
    - si une mesure est susceptible d’avoir des effets significatifs, on réalise un test approfondi. On détermine d’abord le périmètre de l’étude (scoping) puis on réalise l’évaluation proprement dite (assesment) et on y joint les propositions d’amélioration.

    Le quick scan comporte un item sur la biodiversité, ce qui permet de juger une mesure au regard du problème le plus crucial pour la sauvegarde du capital environnemental.

    L’évaluation pratique qui peut en être faite n’est cependant guère satisfaisante :

    - aucune méthodologie ni aucun indicateur précis n’est associé à l’évaluation de la biodiversité ;
    - l’évaluation de chaque mesure se fait par des "plus" et des "moins" dans le quick scan, mais pas grand chose de plus (cfr tableau ci-joint) ;
    - ce manque d'indicateurs et de directives méthodologiques n'est pas comblé par un catalogue de bonnes pratiques disponibles pour les évaluateurs.

    Dans le manuel de « scoping et assesment », les mêmes questions fondamentales que celles qui sont posées dans le manuel européen en matière de biodiversité sont reprises : « l’option envisagée réduit-elle le nombre d’espèces, de variétés, de races, dans un secteur donné ? » Autrement dit, réduit-elle la diversité biologique? «  Ou, au contraire, augmente-t-elle le nombre d’espèces présentes en favorisant par exemple la conservation d’espèces?  A-t-elle des répercussions sur des espèces protégées ou menacées, leur habitat et les zones aux écosystèmes fragiles? Conduit-elle à un morcellement du paysage ou influe-t-elle d’une quelconque autre manière sur les voies de migrations, les couloirs écologique et les zones-tampons? Modifie-t-elle la beauté des paysages protégés ? ». Dans ce cas, des indicateurs sont mentionnés, mais de façon vague et la méthodologie à utiliser pour répondre clairement à la question « la biodiversité va-t-elle s’accroitre ou au contraire régresser ? » n’est pas présentée.

    Pourtant, des pays limitrophes et la Commission européenne proposent des méthodologies et des indicateurs.

    1° Différents indicateurs ont été développés et sont testés, p.ex. le "natural capital index" (NCI),  le "mean species abundance" (MSA) et "ecosystem extent". Ces deux derniers ont utilisé des programmes de modélisation. Voir par exemple, le modèle GLOBIO : http://www.globio.info

    2° Le Sommet de la Terre qui s’est tenu à Rio en 1992, a entraîné le développement d’un indicateur dans le domaine de la Biodiversité. Le PECBMS (Pan-European Common Bird Monitoring Scheme) a choisi des indicateurs basés sur les oiseaux pour des raisons pratiques et scientifiques : ils sont relativement faciles à observer et ils sont nombreux, leur biologie et leur comportement sont bien étudiés, et ils répondent rapidement au changement. Ces indicateurs utilisent des dizaines d’espèces d’oiseaux communs pour donner une image globale de l’environnement » (I.,NOIROT, 2010, Les oiseaux parlent à l’Europe, research*eu, Cion Européenne, n° 62, 38-39.).

    3° Au niveau européen, l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) a élaboré le SEBI 2010 : Streamlining European 2010 Biodiversity Indicators qui a pour ambition de fournir un outil coordonné capable de mesurer la « santé » de la biodiversité européenne.

    4° L'Allemagne a quant à elle développé un système de comptabilité particulier : ökokonto. Dans ce système, un certain nombre de points sont attribués à une zone, en fonction de ses caractéristiques biologiques et de sa superficie (Un habitat n'est pas l'autre et les espèces réagissent différemment aux modifications du milieu). Le nombre de points caractérise donc la valeur biologique de la zone au départ et pour la situation projetée de façon théorique. Pour l'obtention du permis, l'auteur de projet doit démontrer que son action n'aura pas d'influence négative sur la biodiversité. Le système ökokonto pourrait s’avérer compliqué et ne serait pas exempt d’effets pervers dont il faut se prémunir. Cependant, il semble intéressant dans le cadre de l'évaluation nuancée de projets. .

    On constate donc que l’évaluation d’un projet a priori et a posteriori est possible, que cette évaluation peut être réalisée assez systématiquement mais que pour être efficace, il faut choisir un indicateur et une méthode.

    Ce long préambule m’amène à poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre :

    - l’IWEPS qui est chargé de l’évaluation des politiques publiques de la Région wallonne prend-il en compte l’aspect « biodiversité » lorsque les politiques sont évaluées globalement;
    - le cas échéant, l’IWEPS a-t-il défini une méthode et un indicateur phare pour l’aspect « biodiversité » de ses évaluations ?
  • Réponse du 15/12/2010 | Annexe [PDF]
    • de DEMOTTE Rudy

    Aujourd'hui, la biodiversité au même titre que d'autres aspects environnementaux est au cœur des préoccupations de nombreux citoyens. Ainsi, plus personne n'ignore l'importance et les impacts que nos activités de tous les jours ont sur l'environnement. Que cela soit par nos déplacements, nos modes de consommation, nos utilisations de l'énergie, nos comportements ont un impact sur l'environnement. Le citoyen wallon l'a d'ailleurs bien compris, preuve en est, par exemple, de son application à trier ses déchets en vue d'en recycler une partie, depuis 1997, on remarque que la proportion de déchets ménagers et assimilés collectés sélectivement en Wallonie a doublé pour tendre vers les 65% en 2010.

    La prise en compte des aspects environnementaux dans une économie développée comme la nôtre, ne concerne pas uniquement les citoyens. Le monde industriel mais aussi les pouvoirs publics se doivent également d'en tenir compte afin de réduire leur empreinte énergétique. Cela doit néanmoins se faire en tenant compte des réalités économiques et donc des impacts sur l'emploi mais aussi sur les entreprises.

    Ainsi, le Gouvernement wallon a prévu via sa Déclaration de politique régionale, une série d'actions. Parmi celles-ci :

    - les alliances «Emploi - Environnement» qui ont pour objectif de renforcer la stratégie de création d'emplois en lien avec l'environnement. A ce titre, la première alliance emploi - environnement aura pour objectif de se concentrer sur le potentiel des améliorations énergétiques et environnementales du bâti;
    - l'intégration par les pouvoirs publics de la dimension de durabilité dans l'ensemble de leurs actions via notamment l'insertion systématique dans les marchés publics régionaux de clauses environnementales, sociales et éthiques ainsi que via l'utilisation de matériaux, produits et techniques dont l'empreinte écologique est la plus limitée;
    - la fixation d'objectifs précis et ambitieux au Service public de Wallonie et aux organismes d'intérêt publics en termes d'achats durables et de gestion environnementale;
    - la valorisation d'espace disponible pour créer de l'activité économique tout en veillant à la qualité du cadre de vie et en répondant aux enjeux énergétiques et de mobilité. Exemples: l'assainissement et la réhabilitation des friches industrielles et des chancres paysagers en vue de leur reconversion ainsi que le développement d'éco-zonings;
    - la favorisation des circuits courts et des entreprises locales et régionales pour développer une économie endogène.

    Ceci ne constitue que quelques exemples de l'engagement du Gouvernement wallon en vue de mieux prendre en compte l'aspect environnemental en Wallonie.
    En effet, de façon plus spécifique et dans le cadre de la protection de la biodiversité, le Gouvernement wallon a également prévu de développer un plan régional transversal décliné à l'échelon local pour garantir la biodiversité et préserver la nature. Ce plan se base sur trois axes majeurs :

    - l'intégration de la nature dans tous les secteurs d'activités;
    - l'augmentation des zones protégées;
    - la protection des espèces menacées et contrôle des espèces dont la prolifération pose problème.

    A ce titre, depuis le début de la législature, de nouvelles réserves naturelles ou forestières ont été créées.

    De plus, dans le cadre de l'année internationale de la biodiversité, un budget a été dégagé pour une vaste campagne de communication sur la biodiversité baptisée « 52 semaines de Biodiversité ».

    Enfin, pour répondre de façon plus spécifique à la question de l'honorable membre, qu'en est-il de la prise en compte de l'aspect biodiversité lors de l'évaluation des politiques menées ?

    II faut savoir que de nombreux travaux existent au niveau européen.

    Ainsi, la Commission européenne lors de la mise en place des stratégies de Lisbonne et de Göteborg avait défini une liste de 20 indicateurs dits structurels qui devaient lui permettre de mieux suivre et évaluer les performances des Etats membres dans le domaine de l'environnement. Parmi ces indicateurs, trois étaient directement liés à la biodiversité : l'évolution des oiseaux des champs, la suffisance de sites désignés sous la directive « Habitats» et le pourcentage en termes de prises de poissons sur les stocks en dehors des limites biologiques de sécurité.

    Par la suite, en 2004, comme l'honorable membre y fait référence dans sa question, l'Agence européenne de l'environnement a initié le processus «Streamlining European Biodiversity Indicators » en vue de stopper l'érosion de la biodiversité pour 2010. A cette occasion, 26 indicateurs avaient été retenus parmi lesquels: l'abondance et la distribution d'espèces, les espèces d'intérêt communautaire, les nombres de sites protégés, le nombre d'espèces exotiques envahissantes, etc.

    Enfin, dans le cadre de la stratégie européenne en faveur du développement durable lancée en 2006 et qui devait permettre à l'UE de relever plus efficacement les défis du développement durable, ce n'est pas moins de cent indicateurs qui avaient été répertoriés au départ. Au final, seuls onze ont été retenus par Eurostat et reconnus comme des indicateurs clés. Mais parmi ces onze, une fois encore, seul un est réellement lié à la biodiversité à savoir: l'indice des oiseaux communs.

    On le voit donc, la volonté de développer des indicateurs liés à la biodiversité existe. Cependant, ces indicateurs restent essentiellement des indicateurs de suivi et non des indicateurs permettant l'évaluation d'un projet a priori. Par ailleurs, l'évaluation de la biodiversité est d'un point de vue statistique un exercice extrêmement difficile. Pour preuve, l'indicateur relatif à l'indice des oiseaux communs retenu par l'Europe dans sa stratégie développement durable qui, malgré sa reconnaissance, n'a reçu des experts qu'une note de C, sur une échelle allant de A à D, quant à sa précision et sa comparabilité.

    Face à cela, l'IWEPS ne tient actuellement, et de façon spécifique, pas compte de l'aspect « biodiversité » dans le cadre de ses évaluations qui sont principalement des évaluations in itinere ou ex-post. Cependant, l'IWEPS pourrait à l'avenir réfléchir à définir une méthodologie et à développer des indicateurs propres, et en phase avec les travaux européens et nationaux, liés à la biodiversité.