/

L'exploration du sous-sol de la Wallonie à la recherche de gaz de schiste

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 437 (2010-2011) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 11/03/2011
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Dans son édition du 28 et 29 janvier 2011, le quotidien économique français « Les Echos » exprimait que Total était en quête de partenaires pour explorer la France à la recherche de gaz de schiste.

    Selon cet article, le sud de la France ouvrirait de réelles perspectives en la matière permettant de pouvoir représenter 10 % de la consommation de gaz de la France en cas de succès de l'opération.

    Pour quelles raisons la Région wallonne n'entame-t-elle pas une recherche équivalente sur le territoire wallon à l'effet de vérifier s'il y a ou non du gaz de schiste exploitable en Région wallonne ?
  • Réponse du 01/04/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    La notion de "shale gas" est improprement traduite par "gaz de schiste" . Cette dénomination anglo-saxonne recouvre en fait une série de gisements de gaz naturel non conventionnels, et en particulier les gisements de roches à grains fins à très fins, relativement imperméables (shales, siltites, voire certains grès et calcaires, ... ) et riches en matières organiques. Ces roches sont du type de celles qui ont servi de matrice originelle aux hydrocarbures liquides et gazeux. Ceux-ci, après avoir migré, au cours des temps géologiques, vers des roches réservoirs poreuses sous couverture étanche, s'y sont concentrés et ont ainsi constitué les gisements de gaz et de pétrole classiques.

    A part dans quelques cas favorables exploités depuis la première moitié du XIXème siècle (Etats-Unis, Canada), ces réservoirs non conventionnels n'ont jamais été exploités à grande échelle jusqu'à ces vingt dernières années pour des questions de coût de production. En effet, ces roches sont trop imperméables pour que les fluides puissent migrer vers les puits d'extraction et nécessitent des techniques spéciales de forage horizontal et de stimulation des couches. Actuellement, la production de « shale gas » aux USA représente environ 10% de leur consommation et est appelée à augmenter (jusqu'à 50% de la production d'ici 2020).

    L'exploitation de ces gisements implique de fracturer artificiellement la roche à partir de puits forés, verticaux, inclinés ou horizontaux, dans un certain volume autour du forage, puis de pomper le gaz. le rayon d'action limité de ce type de puits nécessite d'en creuser en grand nombre à très peu de distance les uns des autres (quelques centaines de mètres), sur de grandes surfaces, pour obtenir une production suffisante et durable. Ces puits doivent être reliés par un réseau de pipe-lines aux installations de purification et au réseau de distribution. la technique est donc adaptée aux grands espaces peu densément peuplés et peu morcelés. Certains champs d'exploitation aux Etats-Unis comptent des centaines de forages (jusqu'à 2.500).

    Par ailleurs, la technique est lourde sur le plan environnemental. En effet, chaque opération de fracturation nécessite 10.000 à 20.000 m3 d'eau mélangée de sable et d'adjuvants chimiques. l'eau injectée sous très forte pression est récupérée via un second forage et doit être traitée avant rejet dans les eaux de surface ou le réseau d'égouttage.

    Les couches géologiques en Wallonie se présentent en général selon des structures plissées, voire chiffonnées, et affectées de failles, avec des zones d'affleurement souvent étroites. Des formations de shales sont fréquemment intercalées entre des formations gréseuses ou calcaires, renfermant souvent des aquifères exploités, pouvant compliquer l'implantation des forages. En principe, ces forages sont rebouchés après pose d'un bouchon profond et cimentation de la colonne supérieure.

    En Wallonie, en dehors des formations houillères, les niveaux de shales ou de siltites qui pourraient renfermer des gisements de gaz naturel de ce type sont rares et très peu épais. Ils sont principalement localisés dans le Massif de Stavelot (notamment les "schistes noirs" de la Formation de la Gleize et d'autres niveaux interstratifiés dans le calédonien) et dans le Cambro-Silurien du Massif du Brabant. leur contenu potentiel en gaz reste inconnu, même s'ils sont connus pour être riches en matières organiques.

    Nous ne connaissons aucune étude ou indication récentes qu'un tel gîte ait été reconnu chez nous. Le Service géologique de Belgique s'étant replié depuis une bonne vingtaine d'années sur des missions purement scientifiques (à l'exclusion des missions de nature économique) et en l'absence de service wallon équivalent ou de géologues de la Région wallonne affectés à l'étude et au recensement des ressources minérales et énergétiques du sous-sol, il n'est pas possible d'être plus précis à ce propos.

    Quant à savoir pourquoi la Région wallonne n'effectue pas de recherches, la réponse est simple: comme tout opérateur, elle doit demander un permis de recherches, forer de nombreux puits d'essais dans chaque zone potentiellement intéressante et ce, à ses frais (c'est-à-dire, avec de très gros montants). II n'est pas du ressort d'un Etat ni d'une Région d'effectuer de telles recherches avec les essais de captage qui suivent : le territoire wallon est d'ores et déjà disponible pour les opérateurs privés. Ceux-ci sont très bien informés et disposent d'experts en la matière qui cherchent des gisements potentiels partout en Europe. Si la Wallonie a un potentiel avéré, il se trouvera rapidement un opérateur ou l'autre pour venir demander un permis de recherches.

    Cependant, la très forte empreinte environnementale des centaines ou milliers de forages, distants de quelques centaines de mètres, avec fracturation hydraulique (forte consommation d'eau mélangée de sable et d'adjuvants chimiques), rejetée ensuite vers les stations d'épuration en surface, induite par ce type d'exploitation ne nous incite certainement pas à préconiser le recours aux gaz de schiste.

    En outre, une récente étude québécoise sur le sujet a souligné les conséquences du recours au gaz de schiste : impact climatique élevé, forte hausse des émissions de GES, rendement énergétique très faible, quantité démesurée d'eaux usées à épurer, risques pour la santé publique, impact négatif sur les budgets publics. Au vu de cette publication, le recours au gaz de schiste n'est pas soutenable.