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Le choix entre éolien et biomasse

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 611 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 24/05/2011
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Monsieur le Ministre souhaite-t-il, en matière de sources énergétiques renouvelables, privilégier l'éolien au détriment de la biomasse ?

    Est-il exact que le Gouvernement wallon et Monsieur le Ministre en particulier entendent privilégier le développement de l'éolien on-shore par rapport à la biomasse ?

    Si tel est le cas, quels sont les éléments permettant de justifier une telle décision ou une telle orientation ?

    Il est en effet de prime abord difficile de comprendre cette prise de position.

    Le plan d'action nationale en matière d'énergie renouvelable (novembre 2010) comprend comme composantes « biomasse» pour 2020 :
    - biomasse chaleur : 2.034 Ktep
    - biomasse électricité : 11 039 Gwh = 949 Ktep
    - bioéthanol transport : 91,23 Ktep
    - biodiesel transport : 698 Ktep
    Total (2020) = 3.772 Ktep/an + 0,38 tep par habitant belge.

    En 2020, on sera donc très loin de la limite de 0,75 tep/hab.

    Ne perdons pas de vue que l'utilisation de biomasse « durable » est essentielle pour des pays comme la Belgique (densité de population élevée, peu de ressources naturelles disponibles sur le territoire en regard des besoins de la population) !

    Dans le cadre du projet européen Eubionet 2 (« Efficient trading of biomass fuels and analysis of fuel supply chains and business models for market actors by networking », programme « Intelligent Energy Europe » (EIE/04/065/S07.38628) le potentiel annuel techno-économique, a été évalué à 143 Mtep, dont plus de la moitié est déjà exploitée. L'Agence Internationale de l'Energie (Potential contribution of bioenergy to the world's future energy demand. IEA Bioenergy Executive Committee.2007), quant à elle, estime que l'on pourrait exploiter de 4.800 à 9.600 Mtep de biomasse par an d'ici la fin de ce siècle. Selon l'efficacité des processus de transformation, cela correspondrait de 3.100 à 6.200 Mtep de biocarburants ou 28.000 à 56.000 TWh d'électricité. Au niveau de l'agriculture en Europe (EU-25/, on estime que le potentiel « environnemental compatible » pourrait atteindre 100 à 140 Mtep à l'horizon 2030 (European Environment Agency, 2007).

    Vouloir développer l'éolien au détriment de la biomasse comporte un autre inconvénient stratégique majeur au niveau de la dépendance des combustibles fossiles. Monsieur le Ministre n'ignore pas que l'éolien ne peut pas vivre sans le gaz. A ce propos, je dois le renvoyer à la réponse qui m'a été adressée par le Ministre de l'Energie en réponse à la question écrite n°254 que j'avais déposée le 7 février 2011.

    Une éolienne fonctionne quasi tout le temps fournissant à tout moment une puissance comprise entre OMW et sa puissance nominale. Sa production (plutôt erratique) se répartit donc sur les 8.760 heures de l'année. C'est donc pendant 8.760 heures que doit opérer le mécanisme de backdown et de backup de l'une ou l'autre TGV correctrice.

    Cette dépendance de l'éolien en surconsommation de gaz et de standby en « spining reserve » est évidemment inexistante pour la biomasse qui. par-dessus le marché. est caractérisée par un productible, à puissance égale, cinq fois aussi important, que l'éolien.

    Un autre aspect stratégique est la réduction des GES.

    Lorsque l'on analyse le bilan global des émissions de CO2 fossile dans les filières de production et de transport des pellets. on constate que les résultats sont tout à fait satisfaisants (cfr Damen K. & Faaij A., A life cycle inventorv of existing biomass import chains for «green» electrictv production. Utrecht, The Netherlands: Copernicus Institute. Utrecht University 2003),ce qui n'est pas le cas pour l'éolien. Rappelons que pour chaque MW éolien une TGV se trouve en surconsommation pendant les 8.760 heures de l'année aussi bien pour injecter immédiatement de l'électricité en cas de chute brutale du vent, qu'en retrait soudain en cas d'augmentation brutale. Toute puissance éolienne unitaire de 1MW provoque donc des émissions à raison de 8.760h x 456kg/MWh x HRp% où HRP% (heat rate penalty) varie de 17 à 35 % selon le calculateur de Hawkins (« Wind Integration : Incrementai Emissions from Back-Up Generation Cycling ». Nov 2009. See : http://www.masterresource.org/2009/11/wind-integration-incremental-emissions-from-back-up-generation-cycling-part-i-a-framework-and-calculator).

    Prenons, à titre d'exemple la moyenne HRP = 26%.

    L'éolienne de puissance unitaire de 1MW réduit les GES à raison de 456 kg/MWh pour toute sa production de TDC x 8 760h, où TDC est le taux de charge.

    Bilan de la réduction des GES :
    (TDC x 8 760 x 456) - HRP x 8 760 x 456 = (8 760h x 456kg/MWh) x (TDC-HRP)

    Pour un TDC = 17,4% (Le dernier rapport de la CWAPE, RAPPORT ANNUEL SPECIFIQUE 2009CD-10j19-CWaPE montre une production de 496.410 MWh (annexe 2) et une puissance de 325 MW (annexe 1, p. 36) donnant, 17,4%) et un HRP moyen de 26% la contribution à la réduction de GES du MW éolien est donc de: (17,4%-26%) x 456kg/MWh=-8,6% x 456kg/MWh = 39kgCO2/MWh.

    En revanche, un MW éolien offshore à TDC = 35% réduit les GES à raison de : (35% - 26%) x 456kg.MWh = 9% x 456kg/MWh = 41kg CO2/MWh.

    Une analyse du tableau du plan national (novembre 2010), p. 92, nous permet de voir que le TDC belge estimé pour 2011 est de 1.745,5.103/(8.760 x 1.016,2)= 19,6%. On est donc bien dans la situation où l'éolien ne permet pas de réduire les GES et où les 1.746 MWh de 2011 émettront un supplément de : 1.746 x (0,26-0,19,6) x 456 = 50.955 tonnes de CO2.

    La biomasse-électricité, devant produire en 2020, 11.039 GWh/an est la grande richesse de la Wallonie et sera stratégiquement importante lorsque les prix du bois importé du Canada ou d'ailleurs pour les pellets flamberont à la suite du « demand-pull ».

    Dans ces conditions, est-il raisonnable de continuer à privilégier l'éolien on-shore au détriment de la biomasse ?
  • Réponse du 17/06/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Contrairement à ce que suggère l'honorable membre, il n'y a pas à choisir entre la biomasse et l'éolien pour le développement de l'électricité verte. De manière générale, je rappelle que la Wallonie devra développer toutes les filières renouvelables afin d'être en mesure d'atteindre nos objectifs. Le recours à la biomasse à des fins énergétiques doit cependant se' faire de manière raisonnée, afin de garantir la pérennité des sources biomasse potentielles, de poursuivre les utilisations matière et alimentaire de la biomasse, et de viser les meilleurs rendements énergétiques.

    Concernant le plan d'action national en matière d'énergies renouvelables, les chiffres cités par l'honorable membre sont conformes au plan rendu à la Commission européenne, à l'exception de la limite de 0,75 tep/habitant qui ne s'y retrouve pas.

    De manière générale, la biomasse - durable au sens de la directive 2009/28 - est effectivement considérée comme une composante essentielle du bouquet énergétique renouvelable futur. Ses principaux avantages résident dans son caractère renouvelable, un cycle neutre en CO2 et ses possibilités de stockage. Néanmoins, il est sans doute utile de rappeler que la filière biomasse électricité présente aussi des obstacles. En effet, la ressource biomasse, bien que renouvelable, est loin d'être illimitée. Les études mentionnées par l'honorable membre à cet égard sont intéressantes et bien connues de mes services. Remarquons toutefois qu'elles ne portent ni sur la même zone géographique, ni sur le même scope en biomasse.

    Je ne reviendrai pas sur la réponse à la question écrite n°254 évoquée par l'honorable membre. Je tiens juste à rappeler qu'une éolienne en fonctionnement substitue sa production d'électricité à la centrale thermique en fonctionnement à ce moment, qui n'est pas toujours celle qui a le meilleur rendement. Par principe de précaution, la CWaPE a pris comme référence, pour le calcul du CO2 évité, les émissions de CO2 de la meilleure technologie à combustible fossile disponible, la centrale turbine-gaz-vapeur.

    Dans ces conditions, on considère que pour chaque MWh produit à partir d'une éolienne, une réduction de CO2 équivalent à 456 kg est réalisée, celle-ci constituant un minimum des émissions évitées. Sur base du plan national, pour 2011, ce seront donc bien 1745,5 GWh x 456 kg de CO2/MWh, soit 795.948 tonnes de CO2 qui seront au minimum économisées.

    Quoi qu'il en soit, tant les objectifs en matière de CO2 qu'en matière de pourcentage de renouvelables pourront être atteints grâce à un mix des différentes filières dans lequel l'éolien on-shore jouera un rôle primordial et la biomasse aussi, que ce soit pour la production d'électricité ou de chaleur, de même que la production combinée de celles-ci au moyen de cogénérations.