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Le tracé du tram à Liège

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 228 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 24/11/2011
    • de de LAMOTTE Michel
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Le futur tracé du tram à Liège fait déjà l’objet de diverses remarques voire objections.

    L’ASBL urbAgora et son président ont ainsi critiqué les études techniques sur lesquelles se sont basés tant la SRWT que le cabinet de Monsieur le Ministre pour définir ce futur tracé.

    Selon eux, le projet de tram dessert bien trop de peu de logements alors qu’un tracé alternatif, avec une même longueur de lignes, présente un potentiel beaucoup plus important. Les chiffres énoncés sont de 13416 logements pour le projet proposé par les services de Monsieur le Ministre et de 30466 logements pour le tracé défendu par l’asbl. Selon eux, le succès de ce nouveau mode de transport est donc déjà hypothéqué avant même d’être opérationnel.

    Ces remarques étonnent et méritent, il me semble, de s’y attarder et d’y apporter une réponse. En effet, le projet du tram à Liège est non seulement important en termes financiers, pour rappel c’est un chantier de 500 millions d’euros, mais surtout pour la mobilité à Liège. Ce projet doit dès lors être réfléchi et nous devons mettre en avant tous les éléments assurant la réussite de ce projet.

    Le Gouvernement devait se prononcer jeudi dernier sur le tracé du tram tel que présenté par le cabinet de Monsieur le Ministre.

    Pour rappel, l’objectif est d’avoir une première ligne de fond de vallée opérationnelle en 2017.

    Monsieur le Ministre a-t-il pris en considération les remarques formulées par l’asbl ?

    Si oui, quelles sont les réponses apportées par son cabinet quant à celles-ci ?

    Quelle est la position du Gouvernement quant au futur tracé du tram ?
  • Réponse du 06/12/2011
    • de HENRY Philippe

    L’objection soulevée par l’ASBL en question à laquelle l'honorable membre fait écho se rapporte à un nombre de logements desservis par la proposition de ladite ASBL (axe 1 limité à un tronçon Herstal-Licour – st-Lambert – Val-Benoît, et recyclage des budgets « épargnés » pour amorcer un axe 2 de Fontainebleau au Longdoz vie st-Lambert, avec en outre un « bouclage » entre le Longdoz et les Guillemins via Fétinne) supérieur au nombre de logements desservis par le tracé Jemeppe – st-Lambert – Basse-Campagne + antenne de Droixhe résultant des études techniques.

    Je note, en préambule, que ni le mode de calcul du nombre de logements « impactés » ni la source de ces évaluations n’est indiquée, ce qui rend difficile d’en vérifier la véracité.

    Ceci appelle trois commentaires :
    1° La génération de déplacements est la résultante de facteurs bien plus complexes que le seul volume de la population résidente (qui est un facteur statique) faisant intervenir par exemple la localisation d’équipements générateurs de mobilité (activités polarisantes comme les entreprises, les écoles, les gares,…). Témoignent de la différence entre « localisation de la population » et « flux de mobilité » les chiffres collectés en 2007 – 2008 par la SRWT dans le cadre de l’étude « Transports structurants » qui montrent que les flux « transport en commun » observés schématiquement sur les axes perpendiculaires à l’axe 1 du tram (déplacements transversaux à l’axe de la vallée) sont moitié moins importants sur ces axes perpendiculaires que sur l’axe de rive gauche. Quant à l’axe de rive droite parallèle au fleuve (tronçon de la ligne 4 actuelle en rive droite), les flux qu’on y observe sont 10 fois moins forts que les flux observés sur l’axe de rive gauche.

    2° Une offre de transport en commun attractive et de qualité : une des conditions de succès est que le tram permette au plus grand nombre une qualité accrue de déplacements, ce qui passe par le confort, la fréquence, la vitesse. Ce confort impose de réduire au strict minimum les trajets nécessitant plus d’une correspondance. Or, le parti-pris de cette ASBL en faveur d’axes de tram courts multiplie les correspondances. C’est particulièrement manifeste lorsqu’elle propose un terminus tram à Fontainebleau, situé à un km à peine du pivot du réseau qu’est la place st-Lambert. Vous remarquerez qu’en outre, il est impossible à un coût raisonnable d’aménager sur ce site des terminus bus et, a fortiori, un P+R. Il en serait de même au Longdoz. Il est aussi particulièrement curieux de voir le tram ne pas aller au-delà du Val-Benoît, ignorant un équipement majeur tel que le stade du Standard ainsi que la connexion à organiser sur ce site avec les lignes de bus venant du Condroz et de la rive droite. La gare routière de Jemeppe est un nœud important du réseau (12 000 voyageurs par jour), qui a été totalement reconstruit il y a quelques années par la Région pour un coût de 7 millions. Il serait donc de mauvaise gestion de le condamner ou d’en reconstruire un quelques kilomètres plus loin, imposant une seconde correspondance à bon nombre de clients. Par ailleurs, ce projet ayant été cofinancé par le Feder, son abandon imposerait à la Wallonie d’en rembourser la moitié du coût à l’Europe ! Enfin, à l’autre extrémité, « tirer » l’axe du tram jusque Basse-Campagne trouve sa justification dans la possibilité d’aménager un P+R directement branché sur l’autoroute, mais aussi d’y organiser dans de bonnes conditions physiques l’intermodalité avec les bus desservant la Basse-Meuse et de mieux desservir les écoles de Herstal.
    Au motif très théorique de « desservir la zone dense de la ville » (mais qui nous dit que les habitants de ces quartiers sont tous intéressés par des déplacements le long de l’axe ?) on aboutirait à une offre de qualité nettement dégradée, incapable de fournir une alternative crédible faute de desservir la proche périphérie et faute de P+R aux navetteurs extérieurs au centre, qui continueraient à se rendre dans le centre en voiture.

    3° L’absence de passage au cœur des quartiers est un autre reproche. Pour me limiter au cas le plus manifeste, cette ASBL promeut un passage à travers le quartier de st-Léonard, puis au centre d’Herstal qui utiliserait successivement les axes suivants : rue Maghin, place Vivegnis, rue Dony, rue st-Léonard, rue du commandant Marchand, quais, Coronmeuse, rue Hayeneux, rue Houyoux, rue st-Lambert, Large-Voie, place Licour. Outre les courbes et contrecourbes fréquentes d’une telle proposition, qui diminuent la vitesse commerciale (et donc un surcoût d’exploitation) et provoquent une usure plus rapide de la voie, retenir un tel tracé imposerait, avec le « cahier des charges » minimum en termes d’emprises (6,5 m pour les voies + 2 x 2m pour les trottoirs, et donc sans même prendre en compte l’accessibilité riveraine, le stationnement et les livraisons) d’exproprier entièrement un des deux flancs de la rue Dony et de la portion de la rue st-Léonard empruntée par cet itinéraire. Dans l’hypothèse où on emprunterait uniquement la rue st-Léonard depuis sont début (carrefour avec la rue Mathieu Laensbergh), il faudrait également exproprier tout un flanc de la rue sur toute sa longueur jusque la rue du commandant Marchand.


    L’insertion sur le tracé proposé dans le centre de Herstal, vieille ville ouvrière, poserait lui aussi de grandes difficultés d’insertion (expropriations) et de cohabitation avec les activités riveraines. Au mieux, les mêmes causes produiraient les mêmes effets qu’à St-Léonard.

    Mutatis mutandis, le même genre de difficultés se présenterait sur le tracé en rive droite (itinéraire de la ligne 4 actuelle) défendu par cette ASBL.

    À cet égard, je m’étonne de l’attitude paradoxale de cette ASBL, qui déclare dans sa conférence de presse du 19 octobre 2011, point 4.1 : « [le passage du tram en cœur de quartier] imposera des expropriations en nombre non négligeable (…). Il obligera à des modifications conséquentes des flux automobiles, qui devront être systématiquement rabattus (…). Il modifiera significativement le fonctionnement d’un axe commercial important et suscitera donc probablement des réactions négatives importantes de la part des commerçants ».J’observe par ailleurs que cette ASBL ne défend plus, alors qu’elle l’a fait longtemps, le passage par la rue des Guillemins. Peut-être parce que les commerçants de cet axe on clairement pris position contre cette option ?

    Pour ma part, je cherche réellement à mener à bien un projet au service de la ville et de ses habitants et non un projet qui, outre le fait qu’il deviendrait budgétairement inaccessible par l’importance des expropriations qu’il nécessiterait, deviendrait, par les dégâts considérables qu’il provoquerait, un tram contre la ville.

    Le tracé actuel, construit après une phase de consultation à l’automne 2010, a réuni un véritable consensus politique liégeois. Quant à la position du gouvernement sur le tracé, je note avec satisfaction que ces aspects ont été très bien compris par l’ensemble de mes collègues, et que le débat ne porte pas sur le tracé.

    En conclusion, le tracé du tram tel que proposé au gouvernement à l’issue de l’étude technique apparaît donc comme le meilleur choix à poser aujourd’hui. Il ne trouve néanmoins son sens que dans une optique globale qui est celle qu’a retenu le Gouvernement dans sa décision du 24 mars 2010 de mise en place, progressive d’un réseau hiérarchisé axes structurants de bus prioritaires, autres axes bus partiellement priorisés (selon les possibilités offertes par la disposition des lieux), enfin offre de bus « de quartier » irriguant finement le réseau, ainsi que dans une optique multimodale de complémentarité avec le voiture (P+R) et les circulation douces.