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Le cri d'alarme de l'AIE sur la chute du nucléaire dans le monde

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 235 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 06/12/2011
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Dans son édition des 10 et 11 novembre 2011, « Les Echos » a fait état d'un avis de l'Agence internationale de l'énergie selon lequel l'abandon du nucléaire dans le monde se traduirait pas une « nouvelle pression haussière sur les prix de l'énergie, des craintes accrues pour la sécurité énergétique et une lutte contre le changement climatique plus difficile et plus coûteuse ».

    Quelle est la position du Gouvernement wallon face à l'avis exprimé très abruptement par cette institution internationale ?

    Dans son édition du 10 novembre 2011, « L'Echo » faisait aussi référence à ce rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie s'inquiétant des conséquences de Fukushima sur le climat.

    En clair, et compte tenu de l'accroissement de la production d'énergie inévitable dans les décennies à venir, l'abandon du nucléaire ne va-t-il pas, quand bien même il y aurait l'impact positif du développement de l'éolien et du photovoltaïque, alourdir les émissions de CO2 par la mise en place de nouvelles centrales à charbon ou au gaz naturel qui produisent du CO2, contrairement aux centrales nucléaires ?
  • Réponse du 21/12/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    En novembre dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié la version 2011 de son « World Energy Outlook ». Le message principal convoyé par ce rapport n’a pas trait au nucléaire. Il souligne au contraire qu’une limitation de la hausse de la température moyenne dans le monde à deux degrés, qui est l’objectif de l’Union européenne et de la communauté internationale pour limiter les conséquences du réchauffement climatique, sera impossible à respecter si les gouvernements n’engagent pas de nouvelles actions d’ici 2017. En effet, l’AIE prévoit sans cela une hausse de 20% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) d’ici 2035, ce qui porterait l’augmentation de la température de la planète sur une trajectoire de plus de 3,5°C. Et si les Etats ne mettaient pas en œuvre les actions déjà promises, la planète suivrait une trajectoire de hausse de la température de 6°C, ajoute l’AIE. Face à ce constat, l’Agence invite les Etats à investir « sans tarder » sachant que, pour 1 dollar d’investissement dans les technologies « propres » qui ne sera pas dépensé avant 2020, il en coûtera 4,30 dollars supplémentaires pour compenser l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Parallèlement, l’Agence rappelle qu’un autre moyen de réduire les émissions est de consommer moins d’énergie.

    Dans son rapport, l’AIE analyse - outre son scénario « nouvelles politiques », dans lequel la production nucléaire s’accroît de plus de 70 % au cours de la période allant jusqu’à 2035 - les répercussions de la catastrophe de Fukushima en matière de construction de réacteurs. Ce scénario dit « nucléaire faible » postule qu’aucun nouveau réacteur n’est construit dans la zone OCDE, que les pays hors OCDE ne procèdent qu’à la moitié des accroissements de puissance installée prévus dans le scénario « nouvelles politiques » et que la durée de vie des centrales nucléaires existantes n’est pas allongée. Il est intéressant que l’AIE ouvre ainsi la porte à un monde moins nucléarisé, à la suite des difficultés intrinsèques à l’énergie nucléaire que la catastrophe de Fukushima a remis en lumière.

    Il y a actuellement un peu moins de 440 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde, le pic ayant été atteint en 2002. Dans l’Union européenne, on dénombre 143 réacteurs en fonctionnement, un chiffre en-deçà du pic historique de 177 unités atteint en 1989. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) recense 64 réacteurs « en construction » dans quatorze pays, mais la plupart subissent des retards souvent importants (12 réacteurs sont « en construction » depuis plus de vingt ans). A titre de comparaison, en 1979, il y avait 233 réacteurs en construction.

    Le nucléaire représente actuellement environ 13% de la production d’électricité et 5,5% de l’énergie primaire mondiale. Le nombre de réacteurs en opération devrait décliner au cours des prochaines années vu l’âge de certaines installations. Un des impacts prévisibles de la catastrophe de Fukushima est en effet que l’âge des installations nucléaires devrait être considéré avec plus de prudence, comme l’illustre la décision allemande de fermer sept réacteurs de plus de 30 ans immédiatement après le 11 mars dernier.

    Les réacteurs nucléaires qui seront construits dans les années à venir ne suffiront donc pas à remplacer les réacteurs en fin de vie ou voués à être fermés dans les prochaines décennies. La catastrophe de Fukushima ne fait donc qu’accélérer un processus de déclin déjà évident. Cela fait une quinzaine d’années déjà que les renouvelables ont dépassé le nucléaire en termes de capacités de production nouvelles annuellement installées. Un scénario maximaliste de relance du nucléaire à l’horizon 2030 présenterait de plus un coût astronomique en termes d’investissement, largement supérieur au coût de déploiement des renouvelables.

    En ce qui concerne les émissions de CO2, affirmer que le nucléaire ne produit pas de CO2 peut sembler plausible parce que le réacteur lui-même n’émet pas de dioxyde de carbone. Mais s’arrêter à cette constatation serait trahir la vérité. Le nucléaire recèle en effet d’importants coûts énergétiques cachés, et les émissions de CO2 de l’ensemble de la filière, en amont et en aval de la centrale, sont loin d’être négligeables.

    Enfin, concernant le rapport de l’AIE publié en novembre dernier, une variante, le scénario « nucléaire faible 450 », montre qu’il est possible de réduire globalement le recours au nucléaire tout en rencontrant l’objectif climatique de 2°C d’augmentation maximale de température moyenne. Y arriver nécessite de réduire plus fortement la demande en énergie primaire et de donner plus de place aux énergies renouvelables. C’est exactement ce que nous sommes en train de nous efforcer de faire en Wallonie.