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La situation financière préoccupante des casinos et le taux de taxation des jeux de hasard

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 194 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 27/12/2011
    • de PREVOT Maxime
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    En juillet 2010, nous votions un décret sur la taxation des jeux et paris en ligne. Selon l’exposé des motifs, ce dispositif prévu pour les jeux et paris en ligne permet de veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeux, tant réels que virtuels et évite toute déstabilisation économiques des filières concernées. De cette façon, l’emploi dans le secteur des jeux réels (environ 15000 personnes) sera préservé, voire amélioré.

    Aussi, le décret de 2010 fixe, pour les paris en ligne, le taux de taxation à 11% de la marge brute réelle réalisée par l’exploitant lorsque le pari est reçu à l’intermédiaire d’un serveur localisé ou exploité en Région wallonne. Rappelons que la marge brute correspond au montant brut des sommes ou mises engagées diminué des gains effectivement distribués.

    Il ne faut pas perdre de vue qu’en novembre 2009 en réformant la législation des jeux et paris, la Région wallonne est passée d’un système de taxation sur le chiffres d’affaires à un système sur la marge brute, système qui faisait l’objet d’une demande du secteur qui n’acceptait plus la référence au chiffres d’affaires qu’ils estimaient injuste. Le taux de 32% avait été fixé de manière à assurer la neutralité sur le plan budgétaire. Sauf erreur de ma part, pour les jeux de casinos, en lieu et place du montant brut des sommes engagées, c'est le gain des banquiers qui sont retenus.

    Dès l’instant où les paris en ligne sont légalisés et où ceux-ci font l’objet d’une taxation au même titre que les paris réels, l’argument de concurrence déloyale tombe.

    Toutefois, les opérateurs s’interrogent sur l’opportunité d’un tel différentiel de taux : 11% pour les paris virtuels et 32% pour les paris réels. Deux arguments sont évoqués en réponse :
    - d’une part, l’exposé des motifs du décret de 2010 souligne que ce taux permet d’éviter de dissuader les exploitants de jeux virtuels de localiser leur serveur en Région wallonne ;
    - d’autre part, Monsieur le Ministre avait évoqué, qu’il convenait de concurrencer d’autres pays européens où les jeux en ligne sont très peu taxés. Il avait en outre proposé qu’un an après l’entrée en vigueur du dispositif, on procédera à son évaluation pour, le cas échéant, corriger le tir.

    Je pense que le moment est venu de procéder à cette évaluation. En effet, le secteur rencontre beaucoup de difficultés et notamment celui des casinos. Plusieurs facteurs expliquent ces difficultés :
    - la concurrence effrénée des jeux illégaux en ligne. Selon certaines estimations, ceux-ci représenteraient une manne annuelle de 100 à 500 millions d’euros;
    - la loi anti-tabac qui impose l’interdiction de fumer. Sachant que 50% des clients des casinos sont fumeurs, cette loi implique immanquablement une perte de recettes estimée par le secteur à 15%;
    - la crise également qui a un impact aussi bien sur la fréquentation que sur la mise moyenne par personne;
    - les modifications opérées dans le marché du jeu. Il y a 30 ans, les casinos avaient le monopole des tables de jeu, alors qu’à présent on joue à la roulette dans toutes les salles de jeux;
    - le coût du travail qui a augmenté. Auparavant, le pourboire suffisait à payer le personnel. Ce type de rémunération n’est plus tenable dans la mesure où la culture des pourboires disparaît. Notons à cet égard que c’est cette pratique des pourboires qui justifiait le taux de taxation important imposé au secteur du jeu;
    - pour les jeux de casinos, la taxation s’applique sur le produit brut des jeux (et donc pas sur la marge brute) avec un taux variant de 33% à 44%.

    Aussi, d’aucuns estiment que le taux de taxation de 32% pour les jeux « réels » est trop élevé (ils plaident en effet pour ramener ce taux à 25%) et constitue des menaces en termes d’emplois. Nous savons que ce taux de taxation à 32% a été guidé par la volonté d’assurer la neutralité budgétaire.

    Toutefois, il serait également opportun de procéder, comme prévu, à une évaluation du mécanisme de taxation des jeux réels, tant au niveau des recettes qu’en termes d’emplois.

    Cette évaluation doit donc porter non seulement sur les jeux virtuels mais également sur les jeux réels. Il est clair que les nouvelles législations, tant fédérales que wallonnes, ont modifié le paysage.

    Ce paysage est également influencé par les difficultés citées au début de mon intervention.

    Aussi, plusieurs questions se posent :
    - avec l’instauration du décret de 2010, quel a été l’intérêt porté aux jeux en ligne et à la possibilité de les exploiter en Région wallonne; les recettes escomptées ont-elles été réalisées;
    - le taux préférentiels de ces jeux en ligne n’est-il pas de nature à porter préjudice aux jeux réels qui subissent un taux de taxation plus élevé;
    - eu égard aux difficultés que rencontrent le secteur des jeux réels, Monsieur le Ministre ne craint-il pas des pertes d’emplois dans le secteur ?

    Monsieur le Ministre est-il favorable au fait de réduire le taux de taxation pour les jeux réels et notamment pour les jeux de casinos ?
  • Réponse du 17/01/2012
    • de ANTOINE André

    Je commencerai tout d’abord par l’évaluation des modifications décrétales du 22 juillet 2010 (jeux et paris en ligne) et du 22 décembre 2010 (jeux réels sur les courses de chevaux et les paris sportifs).

    Comme j’ai eu l’occasion de le préciser à l’occasion de l’examen du budget 2012, la loi du 10 janvier 2010 portant modifications de la législation relative aux jeux de hasard est entrée en vigueur le 1er janvier 2011.

    Cette loi comporte de nombreuses habilitations au gouvernement. Elle nécessite en effet une cinquantaine d’arrêtés d’exécution.

    Selon les informations qui m’ont été communiquées par la Commission des jeux de hasard, tous les arrêtés d’exécution auraient été adoptés pour ce qui concerne les jeux dits « réels ».

    Par contre, en ce qui concerne les jeux en ligne, la situation est plus complexe. Seuls deux arrêtés auraient été adoptés à ce jour.

    La Commission des jeux de hasard procède actuellement à une phase de tests techniques avec certains opérateurs avant de délivrer les licences. En fonction de ceux-ci, les normes techniques pourront être déterminées dans les arrêtés d’exécution et les licences pourront être octroyées en principe pour le début de l’année prochaine.

    Il est donc trop tôt pour pouvoir répondre à votre question sur l’impact de la libéralisation des jeux en ligne et la réaction du marché. Il en est de même sur le monitoring de la cellule fiscale qui ne pourra pleinement s’exercer que lorsque la libéralisation des jeux en ligne sera pleinement opérationnelle.

    Pour ce qui concerne plus spécifiquement le secteur des casinos, j’ai également été informé de la situation difficile qu’ils rencontrent actuellement notamment suite à l’interdiction de la loi anti-tabac depuis le 1er juillet de cette année et de la baisse des pourboires entraînant une charge salariale supplémentaire pour l’employeur.

    Comme le sait l'honorable membre, notre situation budgétaire repose davantage sur des économies que sur de nouveaux allégements fiscaux. C’est pourquoi, la situation des casinos doit être appréhendée avec prudence.


    A cet égard, je me réjouis que la Commission des jeux de hasard ait lancé une étude sur la situation économique de ce secteur. J’ai d’ailleurs écrit à son président pour en avoir connaissance dès qu’elle sera réalisée.

    En effet, il importe de déterminer si tous les casinos belges sont impactés de la même manière et au sein de ceux-ci selon quels types de jeux. Il importe également d’analyser les effets de la loi anti-tabac sur une plus longue période car la baisse de fréquentation avait également été constatée dans les restaurants dans un premier temps pour remonter par la suite.
    Il s’indique aussi d’examiner dans quelle mesure le secteur ne doit-il pas revoir son « business model » afin de s’adapter à l’évolution des comportements.

    Je constate à cet égard que les jeux de casinos en ligne pour lesquels notre cadre fiscal est très attractif (11%) peuvent être une source de développements importants comme en atteste le partenariat entre le casino de Namur et le site Pokerstars.

    A l’heure où nous devons réduire nos dépenses et faire des économies, l'honorable membre comprendra que l’opportunité d’une baisse de la fiscalité pour le secteur des casinos doit s’apprécier avec beaucoup de prudence et nécessite une analyse détaillée pour laquelle l’étude de la Commission des jeux de hasard pourra nous aider.