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La discrimination existant entre les électriciens et ArcelorMitall quant aux quotas de CO2

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 643 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 28/03/2012
    • de EERDEKENS Claude
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    « Quotas CO2 : ArcelorMittal se taille la part du lion », ainsi titrait « L'Echo » dans son édition du 21 mars 2012 en page 15.

    Sous la signature de M. Philippe Lawson, l'article ajoute: « Le géant de l'acier reçoit environ 20 % de l'enveloppe provisoire sur 2013-2020. Interpellant, des sites à l'arrêt sont couverts par des quotas. Les électriciens par contre ne reçoivent rien. ».

    Selon cet article, les cimentiers sont gâtés et les électriciens boudés.

    Le porte-parole de Monsieur le Ministre, M. Pierre Castelain a déclaré « Nous ne faisons qu'appliquer strictement la directive européenne en la matière. Mais il n'y a aura aucun euro déboursé pour les sites à l'arrêt . ».

    Tout cela paraît très surprenant.

    J'adresse donc à Monsieur le Ministre les questions suivantes.

    Est-il exact qu'en matière de quotas C02, Arcelor Mittal, qui semble vouloir déserter la Wallonie se taille la part du lion ?

    Dans l'affirmative, pour quelles raisons, Monsieur le Ministre privilégie-t-il une entreprise qui ferme des sites, notamment à Liège ?

    Pour quelles raisons, Monsieur le Ministre a-t-il décidé de gâter les cimentiers ?

    Pour quelles raisons, des entreprises à l'arrêt reçoivent-elles des quotas C02, ce qui de prime abord apparaît comme complètement aberrant? Quelle est la logique d'une telle politique apparemment incompréhensible?

    Le porte-parole de Monsieur le Ministre a expliqué qu'il avait appliqué la directive européenne en la matière. Que dit effectivement la directive et celle-ci prévoit-elle la possibilité de subventionner en quotas C02 des sites d'activités économiques à l'arrêt ?

    Le porte-parole de Monsieur le Ministre exprime qu'il n'y aura aucun euro déboursé pour les sites à l'arrêt, alors que l'article de M. Lawson dit exactement le contraire. Qui dit vrai ?

    Pour quelles raisons, les électriciens, Electrabel et la SPE, sont-ils boudés et n'ont-ils droit à aucun quota de C02 dans la liste provisoire établie par le Gouvernement wallon ? Quelles sont les raisons
    objectives justifiant une telle discrimination contraire aux principes d'égalité et de non discrimination garantis par la Constitution belge?

    Monsieur le Ministre a-t-il la volonté de faire du tort financièrement aux producteurs d'électricité en vue de faire à nouveau hausser le prix de l'énergie en Wallonie au préjudice des ménages et des entreprises pour les culpabiliser de consommer de l'électricité, produite à près de 50 % par le nucléaire ?

    Est-ce là la vraie raison de cette politique discriminatoire que rien ne semble justifier ?

    Monsieur le Ministre est-il conscient qu'en discriminant volontairement un secteur, celui de l'électricité, il commet une faute obligeant celui qui la commet à la réparer sur base des principes de la responsabilité aquilienne ?
  • Réponse du 19/06/2012
    • de HENRY Philippe

    Suite à la nature des questions posées, il semble important de faire un rappel historique pour bien comprendre le nouveau contexte européen. Le 12 décembre 2008, le Conseil européen approuvait le paquet énergie climat. Cet accord avait pour but entre autre chose d’atteindre un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de 20% à l’horizon 2020. Pour atteindre cet objectif, la directive instaurant un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre allait être sensiblement modifiée. La conséquence de cette modification est la fin des plans nationaux d’allocation à partir de la période 2013-20 et l’harmonisation totale des règles d’allocation.
    Ces nouvelles règles d’allocation peuvent s’énoncer d’une manière relativement simple :
    - l’article 10 bis stipule : « Aucun quota n’est délivré à titre gratuit pour la production d’électricité » ;
    - pour les autres secteurs, l’allocation est calculée sur la base de référentiels ex-ante (benchmarks) pour la communauté.

    La décision européenne 2011/278/EU définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit finalise la détermination des benchmarks européens et clarifie les règles d’allocation et cela pour l’ensemble des installations européennes.

    En fonction de ces éléments, les allocations provisoires proposées pour les installations wallonnes n’ont absolument rien de surprenant.

    Sur la question de l’allocation d’Arcelor-Mittal Liège, il y a lieu de rappeler que l’on est actuellement dans la phase I de la procédure dite Renault. Cela sous-entendant donc que nous sommes pour l’instant dans une intention de fermeture.


    La décision européenne 2011/278/EU définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit pour la période 2013-20 précise ce qu’est une installation en place : « toute installation menant une ou plusieurs des activités énumérées à l’annexe I qui:
    - a obtenu une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre avant le 30 juin 2011; ou
    - a obtenu toutes les autorisations environnementales pertinentes, et notamment l’autorisation prévue par la directive 2008/1/CE, le cas échéant, au plus tard le 30 juin 2011, et remplissait à cette date tous les autres critères définis dans l’ordre juridique interne de l’État membre concerné sur la base desquels l’installation aurait été habilitée à recevoir l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre; »

    Dans le cas qui nous préoccupe, Arcelor-Mittal a encore son permis d’environnement et donc son autorisation d’émettre des gaz à effet de serre et ceux-ci étaient existants au 30 juin 2011. De ce fait, nous avons bien affaire à une installation existante au regard de la législation européenne. Par conséquent, elles pouvaient légalement prétendre à la détermination d’une allocation provisoire pour la période 2013-20.

    La suite de procédure Renault peut aboutir à 2 options extrêmes. La première consiste au maintien de l’activité ce qui serait bien entendu une bonne nouvelle pour notre région. Dans ce cas, cette installation est déjà considérée dans le système ETS et donc rien ne change.

    L’autre option est la confirmation de la fermeture. Dans cette option, des règles spécifiques existent aussi dans la décision européenne du 27 avril 2011 sous 2 formes. La première forme est l’article 22 qui concerne la cessation d’activité :
    « Une installation est réputée avoir cessé ses activités lorsque l’une quelconque des conditions suivantes est remplie:
    a) l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre, l’autorisation en vigueur conformément à la directive 2008/1/CE ou toute autre autorisation environnementale pertinente est arrivée à expiration;
    b) les autorisations visées au point a) ont été retirées;
    c) l’exploitation de l’installation est techniquement impossible;
    d) l’installation n’est pas en activité, mais l’a été précédemment, et la reprise des activités est techniquement impossible;
    e) l’installation n’est pas en activité, mais l’a été précédemment, et l’exploitant n’est pas en mesure d’établir que l’exploitation reprendra dans les six mois suivant la cessation des activités. Les États membres peuvent étendre cette période à dix-huit mois maximum si l’exploitant peut établir que l’installation n’est pas en mesure de reprendre ses activités dans les six mois en raison de circonstances exceptionnelles et imprévisibles que même le déploiement de toute la diligence requise n’aurait pas permis d’éviter et qui échappent au contrôle de l’exploitant de l’installation concernée, en raison notamment de circonstances telles que les catastrophes naturelles, les conflits armés, les menaces de conflit armé, les actes de terrorisme, les révolutions, les émeutes, les actes de sabotage ou les actes de vandalisme.

    Lorsqu’une installation a cessé ses activités, l’État membre concerné ne lui délivre plus de quotas d’émission à compter de l’année suivant la cessation des activités » 

    La seconde forme est l’article 23 qui concerne la cessation partielle des activités d’une installation qui stipule : « Si le niveau d’activité de la sous-installation visée au paragraphe 1 est réduit de 90 % ou plus par rapport au niveau d’activité initial, il ne lui est alloué aucun quota à titre gratuit ».

    En conclusion, dès que la fermeture sera officialisée, l’ensemble des allocations gratuites concernées par cette fermeture seront retirées. Par ailleurs, le gouvernement a pris un arrêté d’allocation provisoire et non définitif sur l’allocation 2013-20 qui est actuellement soumis à l’avis de la Commission européenne. Il a donc dès à présent considéré que des modifications pourraient intervenir avant le début 2013.

    Il y a lieu de noter que cette attitude est bien celle prise par l’ensemble des Etats membres pour cette même situation. Dans ce cadre, un article intéressant a été publié dans le journal «Le Monde » le 26 avril 2012 sur la situation de Florange qui d’une certaine manière est comparable à celle de Liège même si la fermeture est ici provisoire mais sans date connue de réouverture. Contrairement à l’article de l’Echo, Le Monde a fait une analyse plus en profondeur. On peut lire comme conclusion :
    « Consciente de ces nombreux effets d'aubaine, la Commission européenne a décidé de faire le ménage. Jusqu'ici, les règles du système d'échange de quotas ne permettaient pas de réduire l'allocation gratuite de droits à polluer en cas de baisse d'activité. Seul l'arrêt définitif d'une installation était pris en compte. L'aciérie électrique Arcelor Mittal de Gandrange a ainsi été exclue du périmètre l'an dernier, à la suite de sa fermeture en 2009.
    Pour la prochaine phase du dispositif, qui démarre en 2013 et doit durer jusqu'en 2020, les allocations de quotas pourront être cette fois diminuées en cas de baisse de production. "Une installation dont le niveau d'activité en 2012 est réduit de 90 % par rapport à la moyenne 2005-2008 ne recevra par exemple aucun quota gratuit pour 2013", précise-t-on au ministère de l'écologie. »

    Comme on peut le voir, il n’y a donc aucun privilège qui a été attribué à Arcelor Mittal Liège.

    Sur la question des cimentiers, il y a lieu de s’étonner sur l’idée que l’on puisse gâter ce secteur. Suite à l’évolution des industries intensives en énergie au niveau wallon, le secteur cimentier est devenu le secteur le plus émetteur au niveau des émissions de gaz à effet de serre. Il faut rappeler que nous disposons d’installations dont certaines sont d’une grande capacité de production comparé à d’autres Pays européen. Encore une fois, l’allocation qui a été calculée se base uniquement sur les règles harmonisées européennes et donc ces mêmes installations auraient reçus exactement le même nombre de quotas si elles se situaient dans un autre Pays européen. Par ailleurs, le concept même de générosité sera sans doute perçu d’une autre manière par le secteur qui recevra +/- 4,25 millions de quotas par an alors qu’historiquement il émet presque 5 millions de tonnes de CO2 annuellement.

    Concernant la question plus générale sur les sites à l’arrêt, il y a lieu de se référer aux éléments développés pour le cas d’Arcelor-Mittal ci-dessus. Il me parait difficile dans ce cadre de parler de subventions.

    Il est encore plus étonnant d’imaginer que l’on puisse considérer que l’allocation primaire de quotas aux installations puisse coûter de l’argent à un gouvernement. Il faut rappeler que les quotas alloués initialement aux entreprises sont générés et non achetés par les autorités. Si tel n’était pas le cas, je suis certain que l’allocation de plus de 100 millions de tonnes de quotas pour les entreprises wallonnes en septembre 2008 pour l’ensemble de la période 2008-12 aurait fait l’objet de quelques débats au parlement puisque la facture aurait atteint 2,5 milliards d’euros pour la Wallonie. D’autre part, à partir de 2013 ces quotas ne sont plus générés par les Etats membres mais par la Commission européenne. Il est donc étrange que M. Lawson puisse dire l’inverse sauf s’il ne connaît pas le fonctionnement de l’emission trading.

    Sur la question de la non allocation des électriciens, cela résulte de la mise en œuvre de l’article 10 bis de la directive comme évoqué au début de ce document. Il s’agit encore une fois d’une application stricto-sensu du prescrit européen et non d’une mesure de rétorsion du Gouvernement wallon envers ce secteur industriel. Il sera peut-être opportun que l'honorable membre questionne son groupe politique au Parlement européen pour savoir pourquoi ils ont soutenu cette proposition plutôt que de demander pourquoi les Etats membres respectent les directives européennes.

    Il paraît donc étrange dans ce cadre d’invoquer la question de la discrimination puisque d’une part l’ensemble des sites européens sont exactement dans le même cas et d’autre part le secteur n’a pas émis d’objection à cette règle car aucun recours n’a été posé au niveau européen pour cette question. Il faut rappeler que le processus a été transparent puisqu’une enquête publique a été réalisée préalablement à la publication de l’arrêté du Gouvernement wallon. A ce stade, il n’y a eu aucun commentaire de ce secteur. Par ailleurs, le dispositif de la Commission de recours prévu par le décret wallon transposant la directive n’a pas été actionné par ce secteur.

    Enfin, le fait que la production d’électricité soit produite à 50% par le nucléaire devrait favoriser ce mode de production puisque à priori il n’est pas touché par l’ETS. Il est donc étrange de sous entendre qu’il s’agirait de culpabiliser les consommateurs d’électricité produite par ce mode de production.