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La dépollution du sol par les plantes

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 702 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 20/04/2012
    • de PECRIAUX Sophie
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    La presse de ces dernières semaines relatait des expériences menées par le laboratoire de toxicologie environnementale de l’ULg – Gembloux Agro-Bio Tech sur la dépollution des sols contaminés par des métaux lourds par la phytoremédiation.

    Il existerait plusieurs techniques en fonction des besoins, de la nature des sols et du type de pollution. Une de ces méthodes consisterait à utiliser les capacités de certaines plantes à pomper les polluants pour les stocker dans leurs tiges et dans leurs feuilles, une autre résiderait dans le fait que les plantes vont accumuler les contaminants au niveau de leur système racinaire. Dans les deux cas, une plantation évite la diffusion des polluants dans l'environnement.

    Ce type de dépollution paraît moins coûteux et plus respectueux de la structure des sols et pourrait être un moyen alternatif à long terme aux techniques classiques sur des sites moyennement contaminés.

    En Wallonie, les sites à dépolluer sont nombreux et apparemment nous ne manquerions pas de candidats potentiels pour l'application de ces techniques mais nous serions néanmoins en retard dans ce domaine par rapport aux pays voisins.

    Monsieur le Ministre a-t-il connaissance de ces recherches et expérimentations ?

    Dans l’affirmative, compte-t-il les appliquer dans des sites moyennement pollués?
  • Réponse du 07/06/2012
    • de HENRY Philippe

    Comme je l’ai déjà mentionné dans la réponse que j’ai adressée à la question écrite n°603 de M. Daniel Senesael concernant « Le rôle du miscanthus dans le traitement des boues polluées », les possibilités offertes par la phytoremédiation méritent d'être investiguées à plusieurs niveaux.
    La phytoremédiation repose essentiellement sur les interactions plantes-sol-microorganismes. Il existe différentes formes de phytoremédiation :
    * Phytoextraction, ou phyto-accumulation : les plantes absorbent et concentrent les polluants métalliques dans leurs parties récoltables (feuilles, tiges, etc.).
    Se pose alors la question du devenir de ces plantes « contaminées ». Le plus souvent les plantes sont récoltées et incinérées; il est également possible de récupérer les métaux accumulés par ces plantes (on parle alors de phytominage).

    * Phytotransformation, ou phytodégradation : certaines plantes produisent des enzymes qui catalysent la dégradation des substances absorbées ou adsorbées; celles-ci sont transformées en substances moins toxiques ou non-toxiques par la métabolisation des contaminants dans les tissus des plantes et/ou par les organismes de la rhizosphère maintenue par la plante. Ça concerne les polluants organiques.

    * Phytostabilisation : réduit simplement la mobilité des contaminants. Il s'agit d'utiliser des plantes pour réduire le mouvement des polluants par les écoulements. Une autre pratique consiste à immobiliser les composés polluants en les liant chimiquement. Les plantes adsorbent les polluants du sol, de l'eau ou de l'air, les retenant localement et réduisant leur biodisponibilité. Le processus est parfois rendu possible, ou amplifié et accéléré, par l'ajout de composés organiques ou minéraux, naturels ou artificiels. C'est une méthode efficace pour empêcher la dispersion des polluants dans les eaux de surface ou souterraines.

    * Phytorestauration : Cette technique implique la restauration complète de sols pollués vers un état proche du fonctionnement d'un sol naturel.
    Cette subdivision de la phytoremédiation utilise des plantes indigènes de la région où sont effectués les travaux de phytorestauration. Ceci dans le but d'atteindre la réhabilitation entière de l'écosystème naturel originel, du sol aux communautés végétales.
    En comparaison des autres techniques de phytoremédiation, la phytorestauration met en lumière la question du niveau de décontamination nécessaire et suffisant.
    Il existe une grande différence entre décontaminer un sol pour atteindre un niveau légalement satisfaisant pour qu'il soit à nouveau exploitable et restaurer totalement un espace pour qu'il revienne à des conditions pré-contamination.

    Les avantages :

    - le coût de la phytoremédiation est bien moindre que celui de procédés traditionnels. Elle permet de diviser le coût d’un traitement classique d’un facteur entre 2 et 10 ;
    - les plantes peuvent être facilement surveillées ;
    - des entreprises se spécialisent dans la récupération de métaux accumulés dans les plantes ;
    - c'est la méthode la moins destructrice car elle utilise des organismes naturels et préserve l'état naturel de l'environnement ;
    - les végétaux produits peuvent être exploités (bioénergie).


    Les limitations :

    - la phytoremédiation est limitée à la surface et la profondeur occupées par les racines ;
    - se pose toujours la question d’un possible écoulement des contaminants dans la nappe phréatique ;
    - le niveau et le type de contamination influence la phytotoxicité des polluants. Dans certains cas, la croissance et/ou la survie des plantes peut être réduite ;
    - la bio-accumulation de contaminants est possible. Il est essentiel d'utiliser ces plantes de façon responsable, et de ne pas consommer des plantes utilisées pour nettoyer un terrain.

    Le contexte actuel de la Wallonie fait apparaître deux défis importants : la nécessité d’augmenter la capacité de production d’énergie renouvelable (biomasse) et l’obligation de gérer les sites pollués. L’utilisation de sites pollués offre une opportunité de valorisation des zones marginales sans entrer en concurrence avec le secteur forestier, dont les produits de qualité peuvent trouver des débouchés plus nobles. De même, nous évitons de détourner des surfaces agricoles de leur vocation première.

    Les filières de combustion de biomasse sont centrées sur des unités de dimension industrielle, mais de plus petites structures tendent à se développer (groupements d’habitations, communes, etc.). Dans ce dernier cas, il est nécessaire de disposer d’une biomasse non contaminée et donc d’orienter le concept vers la phytostabilisation des polluants, de manière à pouvoir se passer de systèmes de traitement des fumées trop lourds.

    Des scientifiques, comme ceux du Laboratoire de Toxicologie Environnementale de l'ULg Agro Bio Tech Gembloux, travaillent sur la phytoremédiation de sédiments à l’échelle du laboratoire. Différentes expériences pilotes devront permettre de conduire à la mise en place de filières pérennes et économiquement soutenables. Divers projets de recherche sont en cours :
    * La phytoremédiation au niveau des berges de cours d'eau non navigables, actuellement suivi dans le cadre d’un projet Interreg :
    la renaturation des berges devra se faire de façon raisonnée sur la base de connaissances épidémiologiques qu’il convient d’enrichir au cours de ce nouveau projet. Étant donné les contraintes de plus en plus drastiques des normes de qualité des eaux de surface, l’impossibilité d’utiliser des techniques de décontamination physico-chimiques du fait de leur coût élevé et la nécessité de préserver la stabilité des berges, il s’avère important d’évaluer la tolérance du matériel végétal aux polluants inaltérables que sont les métaux lourds et d’utiliser la biomasse produite le long des cours d’eau pour l’assainissement des berges par phytoextraction.

    * Le projet ECOLIRIMED financé dans le cadre du programme Interreg IV A « Grande Région » et cofinancé par le Service Public de Wallonie :
    Les recherches actuelles menées à l'ULg Agro Bio Tech Gembloux sont axées sur la caractérisation de la tolérance d’espèces ligneuses (saule et aulne), et des espèces fongiques qui y sont associées, aux métaux lourds (cadmium, zinc, plomb, cuivre, cobalt, nickel,…).
    Certaines lignées ont la capacité d’extraire ces éléments au niveau des tiges (phytoextraction) ou les piègent au niveau des racines (phytostabilisation).
    Grâce à ces travaux, le concept de la phytoremédiation pourra être adapté au niveau de la Wallonie (berges de cours d’eau, produits de dragages).

    * Essai de culture sur un ancien site de dépôt de produits de dragage en Hainaut, soutenu financièrement par le SPW (DGO2) et l'asbl GRAPP (« Groupe de Recherches Appliquées et de Promotion du Peuplier et du Saule » ) :
    Cet essai réalisé par le Laboratoire de Toxicologie Environnementale s’inscrit dans la continuité des expérimentations menées en laboratoire avec les lignées de saule.

    * L'ASBL Valbiom a proposé un projet de produire de la biomasse sur des sites pollués qui pourrait être financé en 2013 :
    Ce projet devrait permettre d'évaluer le potentiel de production de biomasse sur des sites ou décharges présentant peu de possibilités immédiates de reconversion, d’analyser les processus de phytostabilisation.

    Une comparaison avec les possibilités similaires offertes par d’autres plantes serait utile pour optimiser les processus en fonction de divers facteurs potentiels à préciser. Pour ce qui concerne la valorisation thermique, le miscanthus (ou les autres plantes) peut poser certains problèmes lors de la combustion vu qu'il a accumulé les polluants : notamment cendres (enrichies en métaux lourds) et émissions de polluants dans l'air. Tous ces aspects doivent donc être abordés pour concrétiser une filière durable.

    A l’exemple de ce qui se fait en France et en Suède, une étape incontournable dans un avenir proche est de disposer en Wallonie de sites de démonstration montrant l’efficacité de la phytostabilisation. L’objectif à long terme est d’obtenir une conscientisation croissante des possibilités offertes par la phytostabilisation auprès d’autres acteurs et gestionnaires.

    L’ISSeP ne manquera pas d’envisager dans le cadre de sa subvention sur la gestion des boues de dragage et de curage des cours et plans d’eau, d'utiliser le miscanthus comme traitement de phytoremédiation des boues de dragage ou de curage situés le long des cours d'eau.

    Dans le cadre de ses missions, la SPAQuE maintient une veille technologique de la littérature concernant les nouvelles techniques de dépollution développées en Belgique et dans le monde et a déjà envisagé l’utilisation de la phytoremédiation. C’est une technique généralement économique par comparaison aux techniques « classiques » mais sujette à de nombreuses limitations déjà citées plus haut. De plus, la technique plus lente de dépollution, cela nécessite en effet plusieurs années.

    Au vu de ces limitations, la phytoremédiation est généralement une technique peu appropriée à la réhabilitation des sites gérés par la SPAQuE. En effet, ces sites présentent souvent des pollutions importantes et sont destinés à un redéveloppement économique rapide, ce qui ne permet pas d’envisager une technique à moyen ou long terme assortie d’une interdiction de construction dans les zones concernées.

    J'informe cependant que la SPAQuE prévoit actuellement l’utilisation de la phytoremédiation sur un site (Nouveaux Ateliers Mécaniques de Morlanwelz), comme technique d’appoint pour le traitement d’eau souterraine polluée en solvants chlorés. La combinaison des techniques de réhabilitation à employer étant spécifique à chaque site et examinée au cas par cas, il n’est pas exclu que la phytoremédiation soit proposée par SPAQuE pour d’autres sites dans le futur.

    Les chantiers auxquels l'honorable membre fait référence, tel que celui de Carcoke, sont des sites sur lesquels des cultures énergétiques sont mises en œuvre. Les plantes ont été choisies en fonction de leur potentiel énergétique et non de leur capacité d’immobilisation ou de traitement des polluants. Cependant, des échantillons seront prélevés pour examiner l’absorption éventuelle des polluants par les plantes dans le but de valider la filière de valorisation. Les résultats ne sont pas encore disponible à l’heure actuelle.