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Le bruit des éoliennes

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2012
  • N° : 27 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 26/11/2012
    • de EERDEKENS Claude
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des Chances

    La multiplication des éoliennes en Région wallonne a suscité une véritable levée de boucliers d'associations de riverains regroupées autour de «Vent de Raison».

    Près de 70 comités de riverains se plaignent du développement anarchique de l'éolien et des nuisances environnementales considérables pouvant affecter les riverains tant en termes de qualité de vie, de respect de l'environnement ou de dépréciation immobilière.

    Plus précisément, il apparaît d'études réalisées au Canada, mais aussi en Australie, que la principale nuisance éolienne est une nuisance liée au bruit.

    Toute une série de nuisances sonores ont, et cela a été reconnu dans les pays voisins ou éloignés, des conséquences pour la santé des riverains,

    Nous apprenons par la presse (ABC News)(1) que le 1eraoût dernier, dans la région d'Adélaïde (Australie du Sud), un Conseil régional, au terme d'une séance de 6 heures, a rejeté un projet de centrale éolienne au lieu-dit Stony Gap.

    La raison invoquée est le risque prévisible pour la santé des riverains.

    « The panel made its decision based on noise-related health concerns. "

    L'annexe 5 au rapport du Conseil (ci-jointe) contient un « Peer Review of Noise Impact Assessment » qui mérite d'être analysé car il confronte deux rapports acoustiques souvent contradictoires. Il en résulte :

    - que le bruit d'une centrale éolienne proche (Mount Bryan) a été identifié comme ayant une caractéristique tonale(2) impliquant que le niveau autorisé ne peut pas dépasser 35dB;

    - qu'en matière d'émergence le niveau marginal de 5dB a un effet bien plus important que la simple «nuisance» lorsque le bruit de fond est bas comme c'est le cas à la campagne
    "Further, if as identified in the Marshall Day Acoustic report there are background levels at say eut in speed significantly less than 30 dB( A), then it is an undeniable fact that a wind farm generating say 38 dB( A) will be clearly audible at a dwelling. This noise will be significantly greater than the general concept for an annoyance of marginal significance being background + 5 dB(A).";

    - que le bruit éolien est caractérisé par des fréquences qui ne sont pas correctement appréhendées par la pondération «A» comme le signale également la norme IEC 61400-1
    "In addition to low frequency noise, the operation of wind farms produces noise characteristics that do not get picked up in an average A-weighted measurement. For example there are modulations in the noise signature, tonal characteristies and infrasound. »;

    - que l'étude d'incidences a omis de signaler qu'en cas d'inversion de température les niveaux sonores peuvent être plus élevés que ceux de la prévision
    "The assessment does not specifieally address the influence or effect of winds and temperature inversions which have the potential to result in higher noise levels than have been predicted. »;

    - qu'une étude d'incidences qui ignore les basses fréquences et les infrasons esquive sa responsabilité vis-à-vis de la communauté
    « A proper assessment of community impact (either pursuant to the Development Plan or generally) cannot ignore low frequency noise and "infrasound." To the extent that it does, when these have been issues of specifie complaint with other wind farms, the Marshall Day report falls short of its responsibility to the community »;

    - que la centrale de Stone Gap, pourtant située à plus de 1000 mètres des habitations, aura un impact négatif pour la communauté,
    "As a result of the various matters raised and outlined above, there can be no confidence that the community will not be adversely impacted by the proposed Stony Gap Wind Farm" .
    Dans ce contexte il convient de signaler qu'un parc éolien similaire est en service à une dizaine de km de là, et les conséquences sur la santé de la population ont déjà fait la une. Comme à Waubra, des riverains ont été obligés de quitter leur maison. Au début de cette année, une étude sous contrôle de l'Université d'Adélaïde a établi que 70% de la population vivant dans un rayon de 5 km autour de cet autre parc se déclare gênée - à des degrés divers - par la pollution acoustique des éoliennes.

    Madame la Ministre n'estime-t-elle pas qu'à la lumière de ces faits l'application du principe de précaution s'impose, plus particulièrement en ce qui concerne la nécessité d'une réglementation spécifique pour le bruit éolien et qui tienne compte
    - de la nécessité de prendre en considération l'aspect émergence de 5dB, spécialement pour le bruit nocturne(3) ;
    - de mesures conformes à la norme IEC 61400-1 permettant de mieux tenir compte des basses fréquences que la pondération « A » ;
    - de la reconnaissance de la caractéristique tonale, impulsionnelle et de modulation d'amplitude du bruit éolien;
    - d'une distance aux habitations d'au moins 1500m, autrement plus responsable que celle prévue par le nouveau cadre de référence ?

    Madame la Ministre a-t-elle la volonté de réaliser, indépendamment des études réalisées par les ministres de l'énergie et de l'aménagement du territoire, une étude sur les effets négatifs sur la santé publique des Wallons de l'implantation anarchique des éoliennes sur le sol wallon?

    ____________________________________

    (1) http://www.abc.net.au/news/2012-08-02/stony-point-wind-farm-plan-rejected-by-council/4171300
    (2) En vertu des règles normatives wallonnes (AGW du 4 juillet 2002 fixant les conditions générales d'exploitation des établissements visés par le décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement) cet aspect nécessite une analyse en 1/3 d'octave et un facteur correctif de 3 à 6dB, redéfinissant le seuil nocturne de 37dB à 34dB au Iieu de 40dB.
    (3) Comme le fait déjà la législation actuelle de l'arrêté royal du 24 février 1977 fixant les normes acoustiques pour la musique dans les établissements publics et privés.
  • Réponse du 19/12/2012 | Annexe [PDF]
    • de TILLIEUX Eliane

    Il peut être tentant d’appliquer à un projet les conclusions tirées d’une autre situation. Cependant, d’un point de vue purement technique, considérant tous les facteurs qui influencent l’émission du bruit par une éolienne, sa propagation et sa perception par la population, les comparaisons et extrapolations doivent être effectuées avec beaucoup de prudence.

    A ce jour, les données scientifiques consultées par la Cellule permanente environnement-santé ne permettent pas de conclure que l’exposition au bruit et infrasons des éoliennes représenterait un risque pour la santé humaine. Les experts de l’Afsset estiment que les émissions sonores des éoliennes ne génèrent pas de conséquences sanitaires directes sur l’appareil auditif. S’agissant des expositions extérieures, ces bruits peuvent, selon les circonstances, être à l’origine d’une gêne, parfois exacerbée par des facteurs autres que sonores influant sur la perception des éoliennes. Divers effets extra auditifs, quoique difficilement quantifiables ou attribuables de façon non univoque à une source de bruit unique, peuvent être associés à ce type d’exposition (exemple : stress ou trouble du sommeil). A l’intérieur des habitations, fenêtres fermées, on ne recense pas de nuisances. Concernant l’exposition à long terme aux basses fréquences et aux infrasons, aucune donnée sanitaire actuellement disponible ne permet d’observer des effets liés à cette exposition.

    Face à ces questions émergentes, les scientifiques de divers pays s’accordent sur la nécessité de poursuivre la recherche. Le Canada se lance dans une étude d’envergure (2 000 habitations) couplant des mesures environnementales avec des mesures concernant l’impact sanitaire. Avant de déterminer si la Wallonie doit se lancer ou non dans une étude similaire ou simplement rester attentive aux résultats des études menées à l’étranger, il serait utile de disposer des résultats de l’étude sur le bruit des éoliennes commandée par mon collègue le Ministre Philippe Henry au bureau ICA.

    L’OMS préconise, dans la lutte générale contre le bruit, que soit menée une étude d’impact du bruit environnemental pour tout projet susceptible d’augmenter de manière significative -de plus de 5 dB- le niveau de bruit environnemental dans une collectivité. L'étude doit, selon lui, inclure une description de l'environnement bruyant existant, le niveau prévu du bruit de la nouvelle source, une évaluation des effets défavorables sur la santé, une évaluation de la population en danger, le calcul des rapports d'exposition-réponse, une évaluation des risques et de leur acceptabilité et une analyse coûts-avantages. Il recommande par ailleurs, dans la gestion du bruit, d’introduire notamment des systèmes de surveillance des effets nocifs du bruit.

    L’évaluation des incidences sur environnement est réglementairement prévue pour les éoliennes ou parcs d’éoliennes de classe 1, c’est-à-dire dont la puissance totale est égale ou supérieure à 3 MW électriques. Selon le cadre de référence éolien approuvé par le Gouvernement wallon le 18 juillet 2002, le système d’évaluation des incidences sur l’environnement doit permettre à l’autorité compétente d’apprécier tous les impacts environnementaux du projet. J'invite l'honorable membre à questionner mes collègues en charge de la délivrance des permis sur la manière dont l’évaluation des incidences sur l’environnement répond aux recommandations de l’OMS en matière de santé.

    A toutes fins utiles enfin, vous trouverez ci-joint la contribution que la Cellule permanente environnement-santé a adressée au Parlement wallon dans le cadre de la réflexion menée par le parlement.