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L'impact de l'implantation des éoliennes sur la santé des riverains

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 96 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 03/04/2013
    • de EERDEKENS Claude
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des Chances

    Le Professeur Pierre Honoré de l'université de Liège s'est ému des conséquences pour la santé de projets d'implantation de parcs éoliens sur le territoire des communes du Condroz.

    Selon le Professeur Honoré, deux points apparaissent et devront être considérés à la lumière de données authentiques scientifiques (cfr annexe).

    Madame la Ministre a-t-elle été avisée des conséquences a priori très négatives que peuvent avoir les éoliennes sur la santé des habitants ?

    Quelles sont les initiatives prises par Madame la Ministre pour assurer la préservation de la santé des riverains menacés par l'implantation d'éoliennes ?
  • Réponse du 02/05/2013
    • de TILLIEUX Eliane

    Outre l’étude commandée par le Ministre de l’Environnement, aucune étude objective n’a été menée à ce jour en Wallonie à l’initiative des instances de santé publique. Les connaissances actuelles se basent sur les études publiées à l’étranger. Actuellement, la santé des riverains d’éoliennes ne serait pas menacée. Toutefois, face aux nombreuses interrogations, les scientifiques de divers pays s’accordent sur la nécessité de poursuivre la recherche. En l’occurrence, le Canada s’est lancé dans une étude d’envergure (2 000 habitations) couplant des mesures environnementales avec des mesures concernant l’impact sanitaire (1).

    Entre-temps, plusieurs réactions citoyennes indiquent une inquiétude qui influe sur la perception des éoliennes et le bien-être de nos concitoyens, auxquels nous nous devons d’être attentifs.

    Dans son annexe, l'honorable membre reprend divers points particuliers soulevés par le Professeur Pierre Honoré de l’ULg dans un courrier adressé à la commune de Tinlot :

    * Sur la mise en cause par le Professeur Honoré des « études d’incidence actuelles ».

    Les Ministres de la Santé, à quelque niveau institutionnel que ce soit, de même que leur administration, ne sont actuellement pas consultés en amont sur les projets donnant lieu à évaluation des incidences sur l’environnement. C’est vrai pour les parcs éoliens comme pour d’autres projets, d’infrastructure ou industriels notamment. Il m’est par conséquent difficile de m’exprimer sur le contenu des études d’incidence sur l’environnement préalables à certaines demandes de permis, en particulier sur le volet afférent à l’impact sur la population.

    Sur le principe néanmoins, ces études, certes financées par les promoteurs des projets, doivent être réalisées par des bureaux d’études agréés par la Région wallonne suivant des lignes directrices définies par ailleurs. Ces études font l’objet d’un examen systématique par le Conseil wallon pour le Développement durable. Cet organe de conseil des autorités publiques en matière d’environnement et de développement durable est composé de représentants de différents acteurs de la société incluant les universités, les consommateurs et les associations environnementales. Ses avis sont publiés sur son site Internet, en toute transparence.

    * Sur la distance minimale de proximité des habitations, le bruit et les infrasons.

    Les facteurs locaux influençant l’émission du bruit par une éolienne, sa propagation et sa perception par la population peuvent varier fortement en fonction du site d’implantation considéré. D’où l’importance d’analyser les particularités locales de chaque projet. C’est ainsi que l’OMS a édicté des valeurs guides en matière de bruit qui tiennent compte de différents environnements spécifiques abritant, le cas échéant, des publics vulnérables (tels que les écoles et les hôpitaux) et ce, tant pour l’extérieur que pour l’intérieur. En outre, elle recommande de réaliser une étude d’impact préalable pour tout projet susceptible d’augmenter de manière significative (plus de 5 dB) le niveau de bruit environnemental dans une collectivité. Cette étude doit inclure une évaluation des effets défavorables sur la santé potentiellement associés à cette élévation du niveau d’exposition sonore de la population concernée.

    En ce qui concerne les infrasons, ils ne peuvent être perçus par l’oreille humaine (et par le corps en général) que de manière exceptionnelle, à condition d’être produits avec une puissance très élevée. Selon les études actuelles, on ne peut établir de lien entre les infrasons non entendus et des effets néfastes pour la santé. L’affirmation selon laquelle les infrasons seraient ressentis par le corps sans être perçus par l’oreille n’est pas, à ma connaissance, confirmée au niveau scientifique.

    Les conséquences néfastes sur le sommeil des riverains, citées par le Professeur Honoré, ne font à l’heure actuelle l’objet d’aucun consensus dans la communauté scientifique. Les conclusions d’études peuvent ainsi être fortement contrastées en fonction des populations sollicitées, des caractéristiques des installations visées.

    * Sur les risques liés à l’implantation d’éoliennes sur ou proches de nappes d’eau destinée à la consommation.

    L’étude citée par le Professeur Honoré a été conduite avec des extraits ou des poussières de ciment, et pas avec du béton (2) stricto sensu. Les principaux effets nocifs du ciment reconnus scientifiquement concernent la poussière de ciment qui est un matériau irritant en raison de sa forte alcalinité (3). Cette propriété est hors de cause dans cette étude étant donné que les fibroblastes sont placés dans un milieu de culture tamponné compensant l’alcalinité du ciment. Les effets constatés sur les cultures cellulaires impliquent plus probablement les propriétés irritantes, sensibilisantes et pneumoconiotiques (4) de certains de ses composants (5). Par ailleurs, comme explicitement signalé par Sgambato et al, leurs résultats ne peuvent être extrapolés à une exposition in vivo.

    Si des éléments constitutifs du ciment (magnésium, aluminium, fer) ou des éléments traces (nickel, chrome), pouvaient par érosion et percolation être entraînés vers les nappes phréatiques, leur concentration dans ces nappes serait extrêmement faible au vu de leur présence dans le béton (6). Le Centre scientifique et technique de la construction précise que les essais de lixiviation réalisés en Flandre et aux Pays-Bas montrent rarement des problèmes. Par ailleurs, les sociétés de distribution d’eau et des laboratoires indépendants sont chargés d’effectuer des contrôles sur la présence de substances indésirables et/ou toxiques (métaux, etc.) conformément aux dispositions du Code de l’eau constituant le livre II du Code de l'environnement wallon. Ceci n’exclut pas, au terme de la vie des éoliennes, de prévoir le démantèlement partiel des fondations, pour récupérer l’usage du sol.

    En conclusion, on ne peut affirmer que le principe de précaution serait mis en péril et que nous nous trouvons face à un problème de santé publique à large échelle. Il me paraît important, pour assurer ou restaurer la confiance citoyenne, que l’information vers les citoyens soit objective et, pour ce faire, émane d’instances neutres par rapport aux projets et aux enjeux sous-jacents, et qu’elle soit validée par des experts désignés en fonction de leur compétence spécifique dans le domaine. A cet effet, je demanderai à la Cellule permanente environnement-santé qu’une information objective, validée et accessible à tous soit prévue sur le portail environnement santé en préparation.



    (1) http://www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/consult/_2012/wind_turbine-eoliennes/research_recherche-fra.php
    (2) Le béton est un matériau de construction composite fabriqué à partir de granulats naturels (sable, gravillons) ou artificiels (granulats légers) agglomérés par un « liant ». Les liants les plus fréquemment employés sont les « ciments Portland » composés principalement de silicates de calcium hydrauliques. Ils font prise et durcissent en vertu d'une réaction chimique à l'eau appelée « hydratation ». On parle alors de « liants hydrauliques ». Référence : http://www.techno-science.net/
    (3) Meo SA, 2004. Health hazards of cement dust. Saudi Med J. 25(9) : 1153-1159.
    (4) Agents promoteurs de silicose.
    (5) Maciejewska A, Bielichowska-Cybula G, 1991. Biological effect of cement dust. Med. Pr. 42(4) : 281-289.
    (6) Ogunbileje JO, Sadagoparamanujam V-M, Anetor JI, Farombi EO, Akinosun OM, Okorodudu AO, 2012. Lead, mercury, cadmium, chromium, nickel, copper, zinc, calcium, iron, manganese and chromium (VI) levels in Nigeria and United States of America cement dust. Chemosphere 90(11) : 2743–2749.