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La situation de Saint-Gobain Sekurit à Auvelais et les perspectives d’avenir pour le secteur industriel du verre dans la Basse-Sambre

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 175 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 18/04/2013
    • de PREVOT Maxime
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    Je ne vais pas revenir ici sur l’ensemble des aspects de ce dossier ni rappeler chacune des étapes qui nous ont menés, de licenciements en restructurations, à la situation que connaît malheureusement aujourd’hui le secteur industriel du verre dans la Basse-Sambre. Comme partout en Wallonie (mais aussi à travers l’Europe) notre industrie se porte assez mal et la crise révèle et aggrave dramatiquement cette réalité, notamment par le biais de certains effets domino, puisqu’on peut voir en partie ici une conséquence de la fermeture de Ford Genk sur un de ses sous-traitants.

    Cette problématique de l’urgence d’une politique industrielle crédible et volontariste a d’ailleurs déjà été abordée plusieurs fois dans nos débats en plénière et les sujets des questions à l’ordre du jour de cette commission en témoignent à nouveau à profusion.

    Bien évidemment, je tiens avant tout à témoigner ma solidarité la plus sincère aux 263 travailleurs et à leurs familles qui sont directement frappés par la décision du groupe français Saint-Gobain de fermer son implantation Sekurit à Auvelais. Mais, en tant que parlementaire, je tiens à souligner que notre rôle ne peut se limiter à cela. Bien légitimement, les citoyens attendent davantage de nous que l’accomplissement de ce qui semble n’être de plus en plus qu’un « passage obligé », une formalité qu’on se doit de mener à bien par le biais d’une question parlementaire ou d’une sortie dans la presse, en accompagnant de la sorte quasi automatiquement la litanie des annonces de fermetures. À juste titre, les travailleurs concernés veulent de la franchise, un discours de vérité et un travail de fond, bien au-delà des vaines tentatives de récupération médiatique. Il ne s’agit pas de leur faire croire en des chimères, mais bien au contraire de leur montrer que l’action politique peut encore avoir un sens et avoir une prise sur le cours des choses, ne serait-ce qu’à moyen terme.

    Dans le dossier qui nous préoccupe, je vois dès lors trois niveaux d’action bien concrets sur lesquels nous pouvons et nous devons tenter d’intervenir.

    Le premier est bien sûr l’avenir immédiat du site d’Auvelais et de ses 263 travailleurs. Avant de parler de plan social et de cellules de reconversion, qu’est-il encore possible de faire en faveur du maintien d’au moins une partie de l’activité économique ? Si la fermeture définitive doit se confirmer, qu’est-il possible de mettre en place comme diversification ou comme implantation d’une autre activité industrielle afin de maintenir des activités et de l’emploi sur place ? Et, dans ce contexte, que peuvent faire la région et ses opérateurs économiques comme la Sogepa pour susciter ou soutenir de telles démarches, en particulier auprès du groupe Saint-Gobain lui-même ?

    Monsieur le Ministre lui-même a-t-il pu rencontrer la direction française du groupe (puisque c’est bien uniquement là que se prennent véritablement les décisions) ? Comment peut-on associer et s’appuyer sur les forces vives namuroises, tels le BEP et Axud ?

    Parallèlement, et au-delà de la crise économique actuelle, il faut également réfléchir au redéploiement et à la redynamisation de l’ensemble du secteur verrier en Basse-Sambre (mais aussi ailleurs en Wallonie). Car il ne s’agit pas que de Saint-Gobain Sekurit à Auvelais… Malheureusement, quiconque a un peu suivi l’actualité socio-économique de la région ces dernières années sait à quel point la plupart des entreprises du secteur ont été touchées à des degrés divers par les restructurations : AGC Moustier, Techniver, la mise à l’arrêt des fours de Saint-Gobain Glass, le chômage économique –les exemples ne manquent pas et ils représentent près de 1000 emplois perdus en moins de trois ans.

    Cependant, je ne demande pas non plus ici de faire à nouveau mener une étude par l’un ou l’autre consultant : je crois que la situation est largement connue et que, là aussi, les travailleurs ont parfois le sentiment d’être « trimballés », d’étude x en étude y. En tout cas, il me semble déjà incontestable qu’au sein de cette politique industrielle que tout le monde appelle de ses vœux, le secteur du verre a bien sûr toute sa place, car il s’agit justement d’un secteur d’avenir qui peut être compétitif en Belgique, s’il s’efforce de se développer dans des produits de niche basés sur des centres de R&D implantés ici en Wallonie. C’est seulement ainsi que nous pouvons espérer concurrencer les pays émergents (qui attirent tant de délocalisations) et maintenir alors des unités de production dans notre région, indépendamment de la conjoncture ou de la concurrence à prix cassés d’usines étrangères.

    À ce titre, l’exemple d’AGC par rapport à Saint-Gobain est parlant, puisqu’on voit bien l’avantage que procure à AGC Glass Europe le fait de posséder un centre de R&D à Jumet : des innovations y sont imaginées et puis testées sur place avant d’y être produites en petite série, ce qui garantit des emplois sûrs à long terme. Dès lors, que compte faire la région pour mieux assurer l’avenir du secteur ? Qu’est-il possible d’envisager dès maintenant, en s’appuyant en particulier sur le Plan Marshall, ses pôles de compétitivité et ses centres de recherche pour accompagner ces nécessaires transformations et éviter surtout le désengagement complet de Saint-Gobain, le déclin irrémédiable de tout un secteur et la perte du know-how qui vient avec ?

    Enfin, il faut chercher à agir au niveau européen en y portant nos préoccupations avec un maximum de conviction et d’efficacité. Car ne nous leurrons pas : si beaucoup d’éléments ne dépendent que de nous et de notre volonté d’agir, quelques autres aspects – et non des moindres – ne peuvent être correctement appréhendés qu’au niveau de l’Europe. J’ai parlé de la nécessité d’une véritable stratégie industrielle européenne de la part de la commission.

    À la demande de la Belgique, le prochain Conseil européen (en juin) devra débattre pour une première fois de ce dossier avec comme objectif d’aboutir en février 2014. Qu’est-il prévu de mettre derrière ces mots de « politique industrielle » ? Que proposera et demandera la Région wallonne à cette occasion ? En effet, notre contribution à cet exercice est d’autant plus attendue que c’est nous qui avons réclamé que l’Europe examine en urgence cette problématique ! J’espère que nous ne décevrons pas nos partenaires.
  • Réponse du 27/05/2013
    • de MARCOURT Jean-Claude

    La période de crise économique actuelle a des impacts directs et négatifs sur la vie de nos entreprises wallonnes. Il est vrai que certains secteurs sont moins touchés que d’autres, mais d’une manière générale, les secteurs industriels en sont les premières victimes, notamment le secteur du verre.

    Comme cela est déjà arrivé dans d’autres dossiers, la Wallonie est confrontée à des décisions stratégiques qui relèvent directement du groupe et qui sont parfois bien loin des réalités économiques et sociétales.

    La Wallonie, au travers de son Ministre de l’Économie, est atterrée face à ces situations de détresse que rencontrent les travailleurs et leur famille.

    C’est une des raisons pour lesquelles la SOGEPA a été chargée de réaliser une étude précise et globale. Les études ne doivent pas être la panacée, mais lorsque l’on parle de 7 000 emplois environ dans le secteur dans notre région, il paraît judicieux de se faire seconder par des experts.

    Le soutien de ce secteur devra nécessairement passer par un soutien tant des pouvoirs publics (locaux, régionaux, fédéraux et européens) que des travailleurs, des opérateurs industriels et des fédérations. Toutes les parties ont un rôle à jouer dans le maintien d’un secteur industriel.

    Si les opérateurs industriels ne sont pas désireux de pérenniser des projets en Wallonie, le meilleur des plans ne sera pas suffisant pour récréer une dynamique constructive. De la même manière, si les autorités publiques ne sont pas prêtes à écouter et encadrer les demandes des opérateurs, ces derniers favoriseront le déplacement vers d’autres zones économiques.

    Le secteur du verre plat souffre d’une surcapacité de production structurelle en Europe et d’une demande en forte baisse suite aux éléments conjoncturels que rencontrent ses 3 principaux marchés que sont la construction, l’automobile et le solaire.

    Généralement, eu égard des investissements considérables nécessaires à leur entretien (plusieurs dizaines de millions d’euros), les lignes de production sont maintenues en activité tout au long de leur cycle de vie. Mais, pour la première fois dans l’histoire du secteur, des lignes de production ont été arrêtées en cours de cycle de vie. Cela montre particulièrement bien que le centre de gravité a été modifié.

    La décision de fermeture des lignes de production par Saint-Gobain Sekurit s’inscrit d’ailleurs dans cette logique : surcapacité structurelle et réduction conjoncturelle de la demande.

    Voici quelques pistes qui ont résisté aux analyses contradictoires réalisées lors des groupes de travail :

    1) Stimuler la demande

    Le soutien à la demande locale peut s’avérer efficace au travers d’incitants directs ou indirects en faveur des consommateurs en liant davantage la législation à la technicité actuelle des verres disponibles sur le marché et en favorisant les produits à plus haute valeur ajoutée.

    De même, un renforcement des critères environnementaux en matière de performance énergétique des bâtiments (notamment dans les marchés publics) aura un effet bénéfique pour la production locale.

    Enfin, une rénovation accrue du portefeuille immobilier des bâtiments publics pourrait être envisagée. Cette proposition devra nécessairement tenir compte des réalités budgétaires des autorités publiques.



    2) Stimuler l’innovation

    Il apparaît très important de conditionner les subsides à la capacité des industriels à renforcer l’ensemble de la filière en y associant des sous-traitants et des fournisseurs locaux, ainsi que de raccourcir le cycle des paiements eds diverses primes octroyées par la région.

    Renforcer le partenariat avec les pôles de compétitivité concernés par le verre plat (principalement Greenwin) et le développement des Partenariats européens d’Innovation sur les clusters régionaux est primordial également.



    3) Stimuler une réflexion de prospective stratégique

    Contribuer au renforcement et à la coordination d’une politique industrielle européenne forte en tant que relais auprès du Gouvernement fédéral et de la Commission européenne, notamment sur la politique en matière d’énergie à renforcer, sur la politique de la concurrence au service de la compétitivité à rendre plus protectionniste ou la politique en matière commerciale extérieure au service de l’ouverture équitable sur base du principe de réciprocité à mettre en œuvre.

    Redéfinir une politique industrielle belge a également été souhaitée par plusieurs industriels. De même, doter un organisme d’une mission de prospective stratégique sur les thématiques de veille stratégique, monitoring d’indicateurs macro- et micro-économiques au niveau sectoriel et au niveau des entreprises doit être une priorité.



    4) Développer une filière de recyclage du verre plat

    Le verre recyclé ou calcin est utilisé abondamment par les industriels du verre creux dans leur processus de production puisqu’il permet de réduire fortement la température de fusion en agissant directement sur la consommation énergétique des fours et donc, sur la facture finale.

    Il s’avère que le traitement des déchets actuels ne permet pas d’atteindre les exigences de puretés souhaitées par les industriels pour leurs produits finaux (verres plats) et pour leur process industriel.

    Dans l’hypothèse où la problématique de la pureté pourrait être résolue par un traitement approprié lors du recyclage, le verre plat recyclé serait certainement convoité par l’industrie du verre creux et pourrait l’être par les industriels du verre plat également sous certaines réserves de qualité.

    Certaines de ces pistes ont déjà fait l’objet de réflexions au niveau du Gouvernement wallon, et même de mise en œuvre (par exemple la cellule de veille qui a été instituée au sein de la SOGEPA).

    Il paraît nécessaire également, outre ces pistes qui sont à mettre en œuvre dans le moyen terme, d’avoir une réflexion sur les pistes qui nous permettraient à court terme de nous rapprocher de la compétitivité des leaders européens.

    En ce qui concerne l’aspect européen, la Wallonie est fortement impliquée dans la mise en œuvre d’une politique industrielle. Celle-ci a fait l’objet de conclusions sous la présidence de la Belgique, alors que la Wallonie occupait la Présidence du conseil compétitivité. La plupart des États membres ont soutenu cette initiative alors que cela n’allait pas de soi une décennie auparavant. En octobre 2012, la Région wallonne a également soutenu le plan d’action proposé par le Vice-Président de la Commission européenne, Antonio Tajani. Ce plan ambitionne d’amener la part de l’industrie dans le PIB européen à 20 % d’ici 2020 (ce pourcentage est actuellement de 15-16 %, mais en décroissance continue).

    À côté du plan acier, il y a aussi un plan dédié à l’industrie automobile, un autre à la construction et d’autres doivent encore voir le jour. Le verre ne fait pas partie des secteurs directement ciblés, mais il est évident qu’il sera impacté par les retombées d’une relance de l’automobile et de la construction.

    La Wallonie reste particulièrement attentive à ce dossier.