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Les marchés publics par délégation

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 264 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 16/05/2013
    • de EERDEKENS Claude
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    L'article L1222-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation pose en principe que c'est le conseil communal qui choisit le mode de passation des marchés publics et en fixe les conditions; toutefois, suivant l'alinéa 2, le conseil communal peut déléguer ces pouvoirs au collège communal « pour les marchés relatifs à la gestion journalière de la commune, dans les limites des crédits inscrits à cet effet au budget ordinaire ».

    La mise en œuvre de cette disposition suscite diverses interrogations, d'où la présente demande de précisions.

    Il semble qu'il faille considérer qu'il y a deux conditions à la délégation, qui sont cumulatives, à savoir que les marchés doivent relever de la gestion journalière, d'une part, et que les dépenses doivent être imputables sur le budget ordinaire, d'autre part. Le seul fait que les dépenses soient imputables sur le budget ordinaire apparaît insuffisant; il n'y a pas parfaite adéquation entre budget ordinaire et gestion journalière.

    Monsieur le Ministre confirme-t-il qu'il y a double condition et, dans l'affirmative, voudrait-il apporter des précisions sur la notion de « gestion journalière » ?

    Cette notion est relativement floue, ce qui en certains cas pourrait conduire les communes à poser des actes, bien contre leur gré, qui pourraient in fine s'avérer irréguliers, car violant les compétences respectives du conseil communal et du collège communal.

    Au quotidien, les communes sont confrontées à la nécessité de répondre, parfois dans des délais relativement courts, aux besoins les plus divers, dans le cadre de la gestion de travaux de voirie ou dans des bâtiments, d'organisation d'événements sportifs ou festifs au sens large du terme, de gestion du parc informatique, de gestion du parc de véhicules, ...

    L'on citera comme exemples:
    - le remplacement de pneus de véhicules les plus divers;
    - des réparations de véhicules;
    - la réparation de nids de poule;
    - la réalisation de menus travaux de voirie (pose de bordures, de canalisations... );
    - la location d'un car pour procéder à divers transports dans le cadre d'une excursion;
    - l'intervention de prestataires pour assurer des surveillances lors de manifestations sportives ou culturelles;
    - l'achat, étalé tout au long de l'année (pour des raisons de difficulté de stockage dans de bonnes conditions) du papier nécessaire au fonctionnement des services administratifs;
    - l'achat, étalé dans le temps pour des raisons de stockage, des produits d'entretien des bâtiments communaux.

    En d'autres termes, que permet, au sens de l'article L1222-3 du Code, la gestion journalière ?

    Le recours aux dispositions particulières de l'alinéa 3 de l'article L1222-3 (urgence impérieuse résultant d'événements imprévisibles) sera inapproprié dans la plupart de ces cas; au demeurant, cette disposition doit s'interpréter de manière restrictive.

    Plus fondamentalement, ne serait-il pas opportun, vu le « flou de la note de gestion journalière », d'envisager une modification du Code pour permettre au collège communal de travailler sur délégation, dans la matière des marchés publics, à partir du moment où les dépenses sont imputables sur le budget ordinaire, voté par le conseil communal et approuvé par la tutelle ?
  • Réponse du 11/06/2013
    • de FURLAN Paul

    Tout d’abord, notre position est de considérer que si un marché public relève de la gestion journalière, la dépense qui y est liée doit, de facto, être inscrite au budget ordinaire.

    Ensuite, pour que la délégation du conseil au collège communal soit possible, il faut, non seulement que marché public relève de la gestion journalière, mais également que la dépense soit inscrite au budget ordinaire. Il s’agit donc bien de deux conditions cumulatives.

    Sur ce point, il est important de ne pas assimiler la notion de gestion journalière à celle de budget ordinaire dans la mesure où, nombre de prestations, relevant du budget ordinaire, ne constituent pas des marchés relatifs à la gestion journalière. En d’autres termes, le fait, pour une commune d’inscrire une dépense à son budget ordinaire ne suffit pas pour en déduire qu’elle relève de la gestion journalière.

    Il appartient aux autorités communales, en fonction des éléments qui leur sont propres et dans le respect du principe de l’autonomie communale d’évaluer dans chaque cas d’espèce, la nature du marché à conclure et apprécier si son objet porte ou non sur la gestion journalière.

    Quant à la précision de la notion de « gestion journalière ».

    Les articles 1.1 et 1.2 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 5 juillet 2007 portant le Règlement Général de Comptabilité Communale en exécution de l’article L1315-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation définissent les notions de « service ordinaire du budget » et « service extraordinaire du budget ».

    Il faut entendre par « service ordinaire du budget » : l'ensemble des recettes et des dépenses qui se produisent une fois au moins au cours de chaque exercice financier et qui assurent à la commune des revenus et un fonctionnement réguliers, en ce compris le remboursement périodique de la dette.

    Il faut entendre par « service extraordinaire du budget » : l'ensemble des recettes et des dépenses qui affectent directement et durablement l'importance, la valeur ou la conservation du patrimoine communal, à l'exclusion de son entretien courant; il comprend également les subsides et prêts consentis à ces mêmes fins, les participations et placements de fonds à plus d'un an, ainsi que les remboursements anticipés de la dette.

    La définition de service ordinaire permet de baliser la notion dans les grandes lignes. Sont visées toutes dépenses qui ont un caractère récurrent et qui permettent à la commune de s’organiser et d’assumer ses tâches au quotidien.

    Pour le surplus, il est vrai que la réglementation, au sens strict, ne donne aucune définition de la notion de gestion journalière.

    L’absence de définition légale réside dans la volonté du législateur d’apprécier la notion de gestion journalière de manière souple. En effet, toutes les communes n’ont pas le même mode de fonctionnement, la même organisation. Comme indiqué plus haut, elles doivent apprécier au cas par cas, en fonction de l’objet du marché à conclure s’il relève ou non de cette catégorie.

    Il est toutefois possible, si l’on veut obtenir plus de précisions, de se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation laquelle définit la gestion journalière comme étant « L’ensemble des actes qui ne dépassent pas les besoins de la vie quotidienne de la société, ou les actes qui, en raison tant de leur peu d’importance que de la nécessité d’une prompte solution, ne justifie pas l’intervention du conseil d’administration. »

    Si cette définition concerne a priori les sociétés, la même notion a été reprise dans une circulaire du 1er juin 2007 relative aux délégations de pouvoirs consenties par le conseil d’administration des intercommunales en matière de gestion journalière. En page 2, il est clairement fait référence à l’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 1968. À ce jour, on peut également citer l’arrêt du 26 février 2009.

    Corollairement, la même notion s’applique aux autres pouvoirs locaux, dont entre autres, les communes.

    Les critères à prendre en considération sont donc, comme indiqué ci-avant, l’ensemble des actes qui présentent un caractère de récurrence et qui sont nécessaires au fonctionnement quotidien de la commune et qui doivent être adoptés dans un laps de temps restreint.

    À cet égard, cette notion de célérité est sensiblement différente de la notion d’urgence au sens de la réglementation relative aux marchés publics et même au sens du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (sur ce point voir infra).

    En d’autres termes, par rapport à la réglementation relative aux marchés publics, une commune pourrait très bien recourir à la délégation du Conseil au Collège communal sans pouvoir invoquer l’application de la procédure négociée sans publicité sur base de l’urgence visée à l’article 17, §2, 1°, c) de la loi du 24 décembre 1993 (urgence résultant d’événements imprévisibles qui ne permet pas de respecter les délais des autres procédures).

    En cas de délégation visée à l’article L1222-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, il incombe au collège communal d’indiquer clairement, dans la délibération qu’il adopte, la base légale relative à la délégation ainsi que la délibération formalisant cette possibilité.

    Pour le surplus, il existe aussi la tolérance d’une délégation du conseil communal au collège communal relative aux petits investissements et donc relevant normalement du service extraordinaire prévue par Monsieur le Ministre par le point 3 - délégation du chapitre ‘’Service extraordinaire’’ de la circulaire budgétaire pour l’exercice 2013 du 18 octobre 2012 qui prévoit que « L'article L 1222-3 du CDLD permet de déléguer au collège communal le choix du mode de passation des marchés relatifs à la gestion journalière de la commune, dans les limites des crédits inscrits à cet effet au budget ordinaire.

    Les conseils communaux, par délibération spéciale, peuvent fixer, pour les petits investissements à inscrire au budget ordinaire, des montants limités, d'une part par marché, et, d'autre part, par unité de bien. »

    Outre ces 2 délégations prévues par l’alinéa 2e de l’article L1222-3 du Code et la circulaire budgétaire précitée, il existe une exception qui permet au collège d’exercer les pouvoirs du conseil visés à l’alinéa 1er et donc relevant de crédit du service extraordinaire.

    Cette exception est reprise dans le troisième alinéa du même article L1222-3 où en cas d’urgence impérieuse résultant d’évènements imprévisibles, le collège communal peut d’initiative exercer les pouvoirs du conseil visés à l’alinéa 1er. La décision du collège communal est communiquée au conseil communal qui en prend acte, lors de sa prochaine séance.

    Lorsqu’il y a urgence résultant de circonstances imprévisibles, le collège exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article L1222-3 alinéa 3 au titre d’une compétence qui lui est propre, et non sur délégation du conseil. Une intervention préalable de celui-ci n’est donc pas requise et il ne pourrait limiter les pouvoirs que le collège tient directement de la loi.

    Le collège est seulement tenu de communiquer sa décision au conseil communal lors de sa prochaine séance. Cette communication a lieu non dans le but de permettre au conseil de confirmer la décision prise par le collège, mais uniquement afin qu’il en prenne acte, sans plus.

    Enfin lorsque le collège agit dans ce cadre, il est compétent pour choisir le mode de passation et pour fixer les conditions de tous les marchés, sans qu’il importe de savoir s’ils seront financés par des crédits inscrits au budget ordinaire ou des crédits inscrits au budget extraordinaire.

    Par ailleurs l’article L1222-3 du Code concerne le choix du mode de passation de marchés de travaux, de fournitures et de services et la fixation des conditions. Il ne s’agit pas d’une décision de dépense tel que prévu par l’article L1311-5 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation - et donc hors crédit budgétaire tel que prescrit par l’article L1311-4 dudit Code.