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Implications du récent Conseil des Ministres de Gembloux sur la politique wallonne de l’emploi.

  • Session : 2003-2004
  • Année : 2004
  • N° : 16 (2003-2004) 1

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  • Question écrite du 28/01/2004
    • de de LAMOTTE Michel
    • à COURARD Philippe, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    La tâche de Monsieur le Ministre n'est, reconnaissons-le, pas facile. Par nature, tout d'abord. Parce que l'emploi ne se décrète pas et qu'aucune autre compétence n'est à ce point à la croisée de différents enjeux et de différentes mutations d'ordre économique, culturel ou technologique. Pensons ici à ces deux mots latins qui ont émaillé nos cours d'économie politique : ceteris paribus, c'est-à-dire toutes autres choses étant égales par ailleurs. On peut, en ce sens, favoriser la création d'emplois par une intervention de qualité sur le marché du travail, mais l'effet précis de cette intervention sera conditionné par un contexte économique déterminé, endogène et exogène. C'est d'ailleurs là toute la difficulté des voeux pieux de la conférence sur l'emploi. La Belgique pourrait peut-être créer 200.000 emplois à l'horizon 2007, mais il faudrait d'abord que l'on mette en place une politique d'intervention adéquate sur le marché du travail, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Il faudrait enfin que l'actualité internationale ne nous réserve pas trop de mauvaises surprises.

    Cela étant dit, les difficultés actuelles de Monsieur le Ministre ne sont pas seulement naturelles ou liées à un écheveau mêlant ses propres choix politiques aux aléas de la croissance. Non. Reconnaissons qu'on ne lui a pas facilité la tâche. Il a d'abord dû prendre le train en marche, à même pas un an des élections, vider les placards de Mme Aréna et assumer son échéancier au pas de charge.

    Pour couronner le tout, on lui enjoint aujourd'hui la responsabilité d'assumer la part wallonne des 200.000 emplois du Premier Ministre et on l'associe de force à une décision qu'il ne partage pas, à savoir le contrôle des chômeurs. J'ai envie de dire, en l'occurrence, qu'il est un peu le côté pile de l'esprit schizophrénique qui caractérise son parti à l'égard de ce dossier. Et j'ai, bien entendu, envie de lui demander s'il sera solidaire à l'attitude du PS au niveau fédéral, quelle qu'elle soit.

    Il est, quoi qu'il en soit, difficile de donner tort à Monsieur le Ministre. La décision fédérale est, ni plus ni moins, une gifle infligée à des milliers de demandeurs d'emploi objectivement en difficulté sur le marché du travail. Mais elle apparaît aussi comme un camouflet à l'autonomie de notre Région en matière de politique de l'emploi. Est-il seulement utile de rappeler que l'accompagnement des chômeurs est une compétence régionale en vertu de la réforme institutionnelle de 1989 ? Il incombe, en ce sens, aux services régionaux de l'emploi d'informer l'ONEm des situations de refus d'emploi. Mais voilà, la récente décision prise à Gembloux pourrait s'assimiler à une re-fédéralisation des attributions régionales en matière d'emploi, puisqu'il est désormais question que l'ONEm procède lui-même au suivi et au contrôle de la motivation des chômeurs. Si cette situation se confirme, le Ministre wallon de l'Emploi risque de ne plus être

    qu'un roi de Bourges, délégitimé, dépossédé de leviers essentiels de sa politique et, in fine, contraint de participer à l'application de mesures qui lui échappent.

    En outre, la mesure risque d'induire un effet de vases communicants entre l'assurance-chômage et le budget des CPAS, dans la mesure où des derniers seront appelés à se charger des personnes exclues du bénéfice des allocations de chômage. Une nouvelle charge pour les communes.

    Au bout du compte, comme le dit l'administrateur délégué de la FEB, pour créer les 200.000 emplois, il faudra faire plus, mieux et plus vite, ce que le Gouvernement fédéral ne fait pas.

    Car, pour l'heure, les Ministres fédéraux - y compris les socialistes - sont plus enclins à ouvrir la chasse aux chômeurs qu'à favoriser la création d'emplois, c'est-à-dire les conditions financières et juridiques pour inciter les entreprises à embaucher.

    Mes questions sont donc les suivantes :

    - quelle sera l'attitude de Monsieur le Ministre face à la confusion qui se profile entre le rôle de l'ONEm et celui du Forem; va-t-il jouer le jeu fédéral;

    - y voit-il un empiétement du premier sur le second;

    - ne serait-il pas opportun, voire urgent, que le Gouvernement wallon exige des garanties du Fédéral quant au coût probable de l'exclusion des chômeurs pour les communes;

    - au-delà des attentes liées à un éventuel retour de la croissance, quel est le plan de bataille de Monsieur le Ministre pour amorcer la prise en charge de sa “quote-part” des 200.000 emplois ?

    Ces questions me semblent importantes car elles touchent à la fois l'équilibre fédéral, à la qualité de la politique de l'emploi et à la dignité des personnes touchées par le non emploi.
  • Réponse du 18/02/2004
    • de COURARD Philippe

    En réponse à l'honorable Membre, je souhaiterais dire combien nous avons été attentifs dans cette problématique générale de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et de la question parallèle du contrôle de la disponibilité de la main d'oeuvre, à proposer des positions constructives dans le respect des compétences de chacun.

    L'honorable Membre le sait, dès les discussions entamées dans le cadre de la Conférence pour l'emploi, j'ai tenu, après concertation avec les partenaires sociaux, à présenter une position claire et sans ambiguïté sur cette question: le rôle du Forem est et doit rester d'aider les demandeurs d'emploi à s'inscrire dans un processus d'insertion professionnelle et de les accompagner sur le chemin de l'emploi, pas de contrôler les chômeurs, ce qui est et doit rester une des missions du Forem.

    Je ne me sens donc, ni hier lors des conclusions de la Conférence pour l'emploi, ni aujourd'hui après ce conclave, comme étant un roi de Bourges, mais bien comme un Ministre ayant un mandat clair et une ligne politique lui permettant, dans un contexte institutionnel et une conjoncture économique connus, de poursuivre une politique de l'emploi dont l'axe central est de favoriser l'insertion des demandeurs d'emploi.

    Je dois dire en conséquence que, pour moi, contrairement à l'analyse de l'honorable Membre, je considère que la position issue du conclave a le mérite justement de clarifier les rôles de l'ONEm et

    du Forem dans le sens que nous souhaitions et, donc, qu'elle renforce les Régions dans leurs compétences.

    L'honorable Membre parle ensuite de gifles infligées aux chômeurs objectivement en recherche d'emploi. Je partage sa perception, étayée en ce qui me concerne par les nombreux collectifs de chômeurs que j'ai reçus au cabinet ou visités dans leur organisation, sur le ressentiment provoqué par l'annonce issue du conclave fédéral. Je suis d'accord avec lui, c'est particulièrement maladroit car l'immense majorité des chômeurs ne mérite pas qu'on lui inflige ce ressentiment.

    Par contre, je ne partage pas cette impression sur le fond du dossier, et ce, pour deux raisons. La première tient du contexte politique historique et la seconde de la nature même des décisions et des éléments encore à discuter par le conclave fédéral.

    En ce qui concerne la première raison, l'honorable Membre n'est pas sans savoir que, quasiment depuis que l'Etat fédéral existe, nous sommes confrontés de manière récurrente, tel un herpès, à une poussée de fantasmes flamands quant à un prétendu laxisme wallon en matière de chômage. Malgré les successifs démentis objectifs, et reconnus comme tels par la FEB, il ne se passe pas une année sans que des lobbies flamands, tel le VEV par exemple, stigmatisent les chômeurs wallons. C'est une situation insupportable et pourtant récurrente qui confine à une entreprise de dévalorisation injuste des Wallons.

    Mais, tout comme en Flandre, nous savons que quelques abus à la marge existent et que finalement ce sont eux qui contribuent à la stigmatisation particulièrement inacceptable des chômeurs qui cherchent des solutions d'avenir dans un contexte économique difficile. Faut-il rappeler à ce sujet l'aveu estimable de l'Union wallonne des entreprises qui reconnaît le manque de quelque 20.000 entreprises en Wallonie ?! Nous devons donc avoir le courage de combattre et, comme en Flandre, j'insiste, les abus de la législation du chômage qui ternissent l'image des chômeurs courageux et opiniâtres et cela surtout, dans le contexte actuel ou les socialistes du Fédéral sont parvenus à obtenir la suppression du pointage et surtout la suppression de la limitation de l'octroi des allocations de chômage dans le temps.

    Et j'en viens donc naturellement aux quelques raisons qui me permettent de penser que le fond du dossier ne constituera , grâce à la vigilance des socialistes, ni une gifle pour les demandeurs d'emploi, ni une “chasse aux sorcières”.

    Le texte a la vertu de supprimer l'article 80 et cette procédure automatique, intolérable, d'exclusion des cohabitants sur la base uniquement de la durée de chômage et non de leur recherche effective d'un emploi. Ainsi, il en résulte une annulation de limitation de l'octroi des allocations de chômage dans le temps ce qui est, l'honorable Membre le reconnaîtra, très important.

    Le pointage est également supprimé et j'invite en conséquence tous les demandeurs d'emploi à profiter au moins de ces deux demi-journées pour se rendre au Forem et prouver ainsi leur disponibilité.

    En outre, le mécanisme ne s'appliquera pas aux chômeurs âgés et ceux pouvant se prévaloir d'une carrière professionnelle de 25 années.

    De manière générale, je considère que le mécanisme mis en place ne doit pas être perçu comme annonciateur d'une “chasse aux sorcières”.

    En effet, nous veillerons en Région wallonne à ce que tout demandeur d'emploi puisse recevoir du Forem un accompagnement qui, soit l'immunise du contrôle (Dispositif intégré d'insertion socioprofessionnelle), soit lui garantisse, lors du contrôle, de ne subir aucune sanction de l'ONEm.

    Nous veillerons aussi par un refinancement pluriannuel - je rappelle à cet égard les efforts

    complémentaires que nous avons proposés au Gouvernement et qui les a acceptés tant sur le fond que budgétairement (5 millions d'euros par an !) pour accentuer fortement l'accompagnement des demandeurs d'emploi -, à élargir l'accompagnement offert par le Forem à une offre de services spontanée vers tous les chômeurs plutôt qu'à ceux qui se présentent sur une base volontaire. Cet investissement pluriannuel constituera indéniablement une attitude pro-active de la Région en la matière. Bien évidemment, il s'agira en parallèle de continuer nos efforts en matière d'investissement dans la formation des demandeurs d'emploi, qui constitue un type d'accompagnement sur lequel nous insistons particulièrement.

    Ceci étant, que l'honorable Membre soit rassuré - et l'accord fédéral le prévoit notamment lors d'une concertation avec les Régions - que je veillerai à ce que les modalités d'application de cet accord, y compris dans les formalités administratives à fournir lors du contrôle (par exemple, la prise en compte des courriers envoyés aux entreprises et non la réponse de l'entreprise elle-même) et dans le risque d'impact pour les communes, soient soumises à la concertation Fédéral/Région et au sein de la Région, comme je l'ai souhaité et appliquées depuis le début du processus, en concertation avec les partenaires sociaux.

    Une réunion de concertation intra-régionale avec les partenaires sociaux du CERSW a d'ailleurs été organisée préalablement à la concertation Fédéral/Région.

    Enfin, à la suite de la réunion du Gouvernement fédéral de ce vendredi 6 février, il a d'ailleurs été prévu que la concertation avec les Régions soit poursuivie, cette concertation devra porter sur la problématique de la transmission des données entre l'ONEm et les offices régionaux ainsi que sur le lien entre les phases d'accompagnement et les dispenses de contrôle.

    Mon souhait est ainsi de participer à l'effort de création d'emplois tout en veillant à la dignité des demandeurs d'emploi, à leur accessibilité à un emploi durable et de qualité et à la stabilité de l'emploi existant, pas de participer à un mécanisme d'exclusion des chômeurs, et je crois avoir été clair à quelques reprises à ce sujet.

    Et je vais rejoindre l'honorable Membre sur son dernier point. Plutôt que de stigmatiser les chômeurs dans un contexte où nous avons peu d'emplois à leur proposer, nous devons les accompagner dans leur recherche d'emploi sans les exclure des allocations et, surtout, notre priorité doit, plus que jamais, être la création d'emplois nouveaux.

    La réforme des programmes de résorption du chômage, le travail réalisé dans le cadre du futur dispositif intégré d'insertion, notre engagement dans le dispositif titre-service et cette importante campagne de communication visant à inciter les Wallons à entrer dans ce mécanisme qui pourrait générer 7 à 8.000 emplois en Région wallonne, notre investissement dans des secteurs de l'accueil de la petite enfance et de l'aide aux personnes âgées avec la création de 500 nouveaux emplois via le dispositif APE, etc., sont autant d'éléments - parmi d'autres - qui attestent de mon action concrète en matière de création d'emplois.

    Selon moi, il doit en être de même pour tous les Ministres qui travaillent dans les intérêts des Wallons, qu'ils soient du Gouvernement régional, de la Communauté française et du Fédéral.