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L'économie sociale et les formes juridiques d'entreprises

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 135 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 18/12/2015
    • de JEHOLET Pierre-Yves
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    Nous voyons de plus en plus se développer l’économie sociale, également dans notre Région. Elle se compose « d’activités économiques, productrices de biens ou de services, exercées par des sociétés, principalement coopératives et/ou à finalité sociale, des associations, des mutuelles ou des fondations, dont l’éthique se traduit par l’ensemble des principes suivants : finalité de service à la collectivité ou aux membres plutôt que finalité de profit, autonomie de gestion, processus de décision démocratique et primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus », comme le stipule le décret du 20 mars 2008 y relatif.

    Ma question porte plus spécifiquement sur deux aspects liés à l’économie sociale.

    D’une part, sur la forme juridique, que doivent prendre les entreprises d’économie sociale. Nous le voyons, les coopératives sont intéressantes à ce sujet, Monsieur le Ministre en a fait récemment la promotion. Mais, et voici quelques interrogations, comment s’assure-t-on qu’une entreprise exerce bel et bien ses activités sous une forme adéquate ? Par exemple, est-il légal qu’une ASBL puisse exercer des activités commerciales, même à finalité sociale (vente de produits locaux types « circuits courts », ressourceries, etc.) ? Comment se positionne-t-il par rapport à cela ? Les droits et devoirs ne sont pas les mêmes selon la forme juridique des entreprises. N’est-on pas confronté à une certaine concurrence déloyale par rapport aux petits commerçants et indépendants ? Comment contrôle-t-il cela ?

    D’autre part, j’aurais souhaité obtenir la liste des « structures » à finalité sociale qui reçoivent des subsides de la Région wallonne. Monsieur le Ministre peut-il me communiquer cette liste reprenant le type de subside et les montants pour les années 2014 et 2015 ?
  • Réponse du 29/01/2016
    • de MARCOURT Jean-Claude

    L’économie sociale rassemble des entreprises qui adoptent certains principes de gouvernance interne tels que :

    - l’autonomie de gestion ;
    - la participation démocratique des différentes parties prenantes ;
    - l’affectation du bénéfice à autre chose que la rémunération du capital.

    S’il est vrai que certaines formes juridiques sont plus appropriées que d’autres pour mettre en œuvre ces principes, certaines ont d’ailleurs été spécifiquement mises en place pour répondre à cette forme d’entrepreneuriat – c’est le cas des Sociétés à finalité sociale – on ne peut pas dire pour autant que certaines formes sont spécifiques à l’économie sociale, ou que toutes les entreprises d’économie sociale devraient s’inscrire dans une forme juridique spécifique.

    Il faut rappeler que l’élaboration des législations sur les ASBL ou sur les coopératives, pour ne reprendre que ces deux exemples, répondait, à l’époque, à des préoccupations autres – en tout cas pour partie – que celles qui animent les acteurs de l’économie sociale aujourd’hui. En outre, il faut souligner également que la forme juridique d’une entreprise n’a aucun impact sur son activité économique, et inversement. On trouvera, c’est vrai, plus de SPRL dans les PME et de SA dans les grandes entreprises, mais cette situation est loin d’être absolue. Aucune activité économique n’est réservée ou au contraire n’est exclue en regard de la forme juridique choisie par les fondateurs. Le choix de la forme juridique de l’entreprise dépend en fait de deux éléments principaux :

    1° les besoins en capitaux générés par l’activité ;
    2° le mode de gouvernance selon lequel les fondateurs ont décidé de fonctionner entre eux.

    Il en va de même dans les entreprises s’inscrivant dans les principes de l’économie sociale.
    En effet, ce sont les principes qui les distinguent des autres, et non les secteurs d’activités. Trop souvent demeure une confusion entre économie sociale et politiques sociales. Or, il faut le dire et le répéter : l’économie sociale rassemble des entreprises qui développent des activités économiques, mais dans le cadre d’une gouvernance spécifique.

    Il est vrai que beaucoup d’initiatives sont encore organisées, ou se développent, dans le cadre d’une ASBL. Plusieurs éléments de contexte expliquent cette situation, notamment :

    - le poids de l’histoire, puisque la législation sur les Sociétés à finalité sociale (SFS) ne date « que » de 1995 ;
    - la facilité de création ;
    - l’absence de capital.

    Néanmoins, il faut insister sur deux éléments.

    1. La législation sociale et les législations fiscales liées aux activités économiques s’appliquent quelle que soit la structure juridique concernée. Ainsi, une Ressourcerie, parce qu’active dans le recyclage des déchets, relève de la Commission paritaire (CP) 142.04 et doit respecter les normes environnementales inhérentes aux types de déchets qu’elle traite. Une Entreprise d’Insertion active dans le nettoyage industriel relèvera de la Commission paritaire 121, comme toute autre entreprise de ce secteur, etc.

    On peut relever une exception notable à ces principes : les Entreprises de travail adapté (ETA), qui relèvent toutes, quelles que soient leurs activités, de la CP 327. De nouveau, cette situation est historique et - bien qu’un arrêté royal sanctionne cette situation - c’est au niveau des partenaires sociaux rassemblés au sein du Conseil national du travail que cette décision a été prise. Ceux-ci ont considéré, et cette position a plusieurs fois été confirmée depuis, que le fait d’occuper au minimum 70 % de travailleurs souffrant de handicap parmi leur personnel justifiait la mise en place d’un cadre spécifique en matière de relations collectives.

    2. La loi sur les ASBL et les fondations, adoptée initialement en 1921, a fondamentalement été revue en 2003. Cette révision visait justement à mieux encadrer les multiples activités que l’on trouve dans les dizaines de milliers d’ASBL que compte le Pays, en y appliquant, notamment, des normes comptables plus strictes afin de mieux détecter les fausses ASBL.

    Ainsi, dès que l’ASBL est considérée comme « grande » (à savoir dès qu’elle rencontre deux de ces trois critères : compter 5 travailleurs, avoir des recettes de 250.000 euros ou un « pied de bilan » d’un million d’euros), elle doit disposer d’une comptabilité à parties double et respecter les mêmes obligations qu’une PME dans la publicité qu’elle doit donner à ses comptes.

    De plus, l’administration fiscale a, depuis toujours, la possibilité de requalifier à l’ISOC (Impôt des sociétés) des ASBL – qui normalement relèvent de l’impôt des personnes morales – dont les activités économiques ne répondraient pas aux prescrits de la loi de 1921, revue en 2003.

    Une exception existe à ces principes, déjà citée supra et pour les mêmes raisons : les ETA, qui sont toutes soumises à l’impôt sur les personnes morales (alors que 9 d’entre-elles ont adopté un statut de société commerciale).

    La question de la « concurrence déloyale » de certaines ASBL ou de certaines entreprises d’économie sociale mérite d’être relativisée :

    1° dans le secteur associatif, dans les entreprises d’économie sociale ou dans n’importe quel type d’entreprise ou d’activité économique, on trouvera des personnes contrevenant à la loi. S’il n’y a pas lieu, par exemple, de porter l’opprobre sur l’ensemble de la profession lorsqu’un avocat a un comportement frauduleux, il en va de même en ce qui concerne le secteur associatif ou l’économie sociale. Il faut cesser de faire des généralités à partir de cas particuliers;
    2° si des entreprises s’estiment lésées par le comportement commercial ou d’autre nature d’entreprises ou de structures bénéficiant de subventions, elles ont la possibilité de s’adresser aux administrations concernées, qui pourront diligenter enquête et le cas échéant sanction. En ce qui concerne le département « économie sociale », la Commission d’agrément au sein de laquelle siègent les partenaires sociaux peut se saisir de toute interpellation d’une société, ou d’une fédération patronale, qui concernerait une entreprise agréée, en tant qu’entreprise d’insertion (EI) par exemple. Pourtant, force est de constater que très peu de cas de ce type, voire aucun, ne lui sont soumis.

    Dès lors, il y a lieu de bien relativiser la réalité de la concurrence déloyale. La réalité de la concurrence déloyale, détruisant des emplois et menaçant la pérennité d’entreprises, réside notamment dans l’évasion fiscale, le travail au noir et, plus que tout, le dumping social qui touche actuellement de nombreux secteurs comme ceux de la construction, du nettoyage ou du transport routier.

    En ce qui concerne la liste des structures à finalité sociale, et qui relèvent du département « économie sociale », cette information est accessible en permanence, puisque toutes les entreprises bénéficiant d’un agrément – en tant qu’EI, en tant qu’IDESS, en tant que Ressourcerie ou en tant qu’Agence Conseil en Économie sociale – sont reprises sur le site de la Direction de l’Économie sociale du Service public de Wallonie (SPW).