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Le service minimum en cas de grève dans le secteur public

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 280 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 17/06/2016
    • de KNAEPEN Philippe
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Les grèves ont fortement secoué la Wallonie ces dernières semaines. Actions menées pour un meilleur service public, contre diverses mesures prises par le Gouvernement, pour une meilleure organisation de la SNCB… Les raisons invoquées n’ont pas manqué… et n’ont surtout pas manqué d’impacter le quotidien des citoyens, dont les témoignages ont afflué en masse par voie de presse et via les réseaux sociaux.

    En Belgique, aucune loi ne définit formellement la grève ou n’en détermine son statut juridique. Elle est donc sujette à de nombreuses appréciations de la doctrine et de la jurisprudence. Dans un arrêt de 1981, la Cour de cassation a tiré de la loi relative aux prestations d’intérêt général en temps de paix une reconnaissance du droit de grève. Ce droit peut également être déduit de la loi relative à la liberté d’association ainsi que de la loi relative aux contrats de travail.

    En cas de grève, la question de l’imposition d’un service minimum se pose régulièrement. Dans le secteur privé, la loi du 19 août 1948 relative aux prestations d'intérêt public en temps de paix confie aux commissions paritaires la mission de déterminer et de limiter les mesures, prestations ou services à assurer en cas de grève en vue de faire face à certains besoins vitaux, d'effectuer certains travaux urgents aux machines ou au matériel, d'exécuter certaines tâches commandées par une force majeure ou une nécessité imprévue.

    Les décisions des commissions paritaires sont généralement rendues obligatoires par arrêté royal (par exemple, dans le secteur des hôpitaux commission paritaire (CP) n° 330 : arrêté royal du 25 mai 1951). Elles s'appliqueront par conséquent à l'ensemble des travailleurs et employeurs ressortissant à la commission paritaire. Il convient donc de vérifier la situation secteur par secteur. Le travailleur qui doit prester ce "service minimum" ne pourra pas faire grève et bénéficiera de sa rémunération normale pour ces prestations.

    Au niveau du secteur public, il semble qu’une telle règlementation fasse défaut. Monsieur le Ministre me le confirme-t-il ?

    Quelle est la politique de Monsieur le Ministre en la matière ?

    Des discussions sont-elles en cours sur le sujet pour définir un cadre légal à cette situation particulière ?
  • Réponse du 08/07/2016
    • de LACROIX Christophe

    Il n’existe pas actuellement au niveau de la Région de règlementation générale sur un service minimum dans la fonction publique en cas de grève ou une quelconque autre limitation du droit de grève.

    Toutefois, il convient de nuancer ce propos et il n’est inutile de rappeler les éléments suivants.

    Le droit de grève est un corollaire du principe de la liberté d’association consacré par la Constitution. Ce n’est pas un droit absolu et il peut être limité dans des conditions strictes. Ainsi, pour la fonction publique selon l’article 8 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le droit de grève dans la fonction publique peut-être réglementé.

    On peut constater que ces dispositions ont trouvé écho dans la législation belge où l’on peut retrouver des dispositions spécifiques en matière de limitation du droit de grève. On peut citer la loi du 28 février 2007 fixant le statut des militaires du cadre actif des forces armées qui prévoit que « toute forme de grève est interdite aux militaires » et la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux qui permet la possibilité pour le ministre de l'Intérieur d'ordonner « aux fonctionnaires de police de la police fédérale et de la police locale qui font usage ou qui désirent faire usage du droit de grève, de continuer ou de reprendre le travail pendant la période et pour les missions pour lesquelles leur engagement est nécessaire et qu'il désigne ».

    Toutefois, on peut constater que la Cour constitutionnelle estime que « La nécessité d’une grande disponibilité des fonctionnaires de police est de nature à justifier la différence de traitement entre les membres de la police et les autres catégories de personnel, notamment dans la fonction publique ; la limitation du droit de grève répond en l'espèce à la nécessité dans une société démocratique de garantir le respect des droits et des libertés d'autrui et de protéger l'ordre public (C. Const., arrêt n° 42/2000 du 6 avril 2000, point B.7.4.) ».

    Il ressort de ces éléments qu’instaurer une limitation au droit de grève, notamment par l’instauration d’un service minimum, doit répondre à certaines conditions et tenir compte de la nature des activités de la catégorie de fonctionnaires visée. Il ne faudrait pas que les limitations empêchent dans les faits l’exercice total du droit de grève.

    Il convient de rappeler que le droit de grève lorsqu’il est mis en œuvre n’est que le constat d’un échec ou l’expression d’une frustration par rapport à des décisions qui sont vécues par les intéressées de manière injuste. Il est donc important de maintenir un dialogue social important afin d’éviter d’arriver à ces situations extrêmes.

    Indépendamment de ces considérations, il faut également tenir compte du fait que, dans la fonction publique, les grèves abusives peuvent et doivent faire l’objet de sanctions disciplinaires (voir notamment, C.E., Ivens, arrêt n° 226.974, du 31 mars 2014).
    Au vu de ce qui précède, dans la situation actuelle, je ne vois pas la nécessité de travailler sur l’instauration d’un service minimum dans les services publics qui ne disposent pas actuellement d’une réglementation spécifique en la matière.