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La prévention du suicide

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 1288 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 19/07/2016
    • de WARZEE-CAVERENNE Valérie
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), toutes les 40 secondes, une personne met fin à ses jours quelque part dans le monde. Il convient de souligner que le suicide constitue la deuxième cause de mortalité à l’échelle mondiale chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans. La Belgique, quant à elle, détient un des taux les plus élevés de suicide  : chaque jour 5 à 6 personnes se donnent la mort, ce qui représente 2000 suicides par an.

    A l’heure de l’omniprésence des réseaux sociaux, il n’est pas rare de voir des internautes évoquer leurs pulsions suicidaires par l’intermédiaire de ces derniers. Récemment, le géant des réseaux sociaux - Facebook, qui compte pas moins de 1, 65 milliard d’utilisateurs à travers le monde - décida de réagir face à ce problème en mettant en place des outils de prévention au sein de sa plate-forme. De fait, un bouton de signalement pour les comportements manifestement suicidaires fut développé en collaboration avec des associations spécialisées dans la santé mentale. Concrètement ce dernier permet, depuis février dernier, aux utilisateurs américains, ainsi qu’aux utilisateurs de certains pays anglophones, de signaler les contenus suicidaires via le menu déroulant avec lequel les internautes ont déjà la possibilité de signaler des publications inappropriées. Une sous-catégorie sera simplement ajoutée à la liste.

    Selon le géant bleu, ces contenus seront traités prioritairement au sein d’une équipe chargée de les analyser 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Plusieurs options se présentent à la personne désirant venir en aide à son contact  : joindre un ami commun ou une association, ou encore envoyer un message de soutien prérédigé. La personne qui a été signalée comme suicidaire, quant à elle, se voit également proposer un message de soutien offrant plusieurs options  : numéros de services d’assistance ou encore renvois vers des sites de conseils. Cette semaine, Facebook a annoncé qu’il étendait cette fonctionnalité à tous les pays du monde.

    La Belgique est, par conséquent, concernée par ce dispositif. A ce propos, un article, paru le 21 juin dernier au sein du quotidien «l’Avenir  », met en exergue le fait que Facebook a pris des contacts avec le Centrum ter Preventie van Zelfdoding  – le pendant néerlandophone du Centre francophone de prévention du suicide – afin d’adapter au mieux le système de prévention, en omettant d’inviter le centre francophone à participer au processus d’élaboration de ce dernier.

    Nous ne pouvons que déplorer ce fait. Il convient de rappeler que le rapport Prévention suicide de l’OMS datant de 2014 et ayant pour dessein de diminuer de 10 %, d’ici 2020, le taux de suicide dans l’ensemble des pays du monde, met en exergue les difficultés inhérentes à la structure fédérale d’un pays – comme la Belgique – dans l’élaboration d’une véritable stratégie nationale de prévention.

    Monsieur le Ministre a-t-il pu prendre contact avec le Centre francophone de prévention du suicide afin d’engager des contacts avec Facebook dans l’optique d’établir l’outil de prévention du suicide le plus adapté possible  ? Les réalités wallonnes et de la Fédération Wallonie-Bruxelles nécessiteraient-elles une approche différente de la coordination entamée entre Facebook et le Centrum ter Preventie van Zelfdoding  ?

    Estime-t-il nécessaire et utile qu’une stratégie nationale de prévention soit mise sur pied  ? Qu’existe-t-il aujourd’hui en la matière  ? Quels projets sont en cours de réflexion  ?

    Afin de mener plus loin la réflexion sur la question, je souhaiterais que Monsieur le Ministre nous informe sur l’ensemble des mesures actuelles de prévention inhérentes au suicide en Région wallonne  ? A-t-il pris connaissance de ce rapport de l’OMS sur la prévention du suicide et, le cas échéant, quelles dispositions furent prises par rapport à ce dernier  ?
  • Réponse du 18/08/2016
    • de PREVOT Maxime

    La Wallonie a depuis longtemps développé une politique de santé mentale globale qui vise à couvrir tout le territoire pour atteindre toutes les personnes qui en auraient besoin. En matière de prévention du suicide et, plus généralement, dans la prise en charge des détresses psychologiques, elle subventionne les services de santé mentale et les centres de téléaccueil accessible à toute la population via un numéro gratuit '107', disponible 24h/24.

    En outre, la Wallonie soutient depuis 2008 l’ASBL « Un Pass dans l’Impasse », un centre de prévention du suicide et d’accompagnement. Cette ASBL offre un lieu d’écoute aux personnes directement ou indirectement confrontées à la problématique du suicide, quel que soit leur âge (enfant, adolescent et adulte). L’objectif est que les personnes puissent exprimer leurs souffrances, trouver des ressources adéquates et prendre du recul afin de désamorcer l’état de crise dans lequel elles se trouvent. L’association sert aussi de relais afin d’orienter les personnes en difficultés vers des services appropriés à leurs besoins (centres hospitaliers, services de santé mentale, centres psychomédicosociaux ou encore services d’assistance aux victimes). Elle met également en place des groupes de parole pour les personnes confrontées au suicide et ayant perdu un être cher. Le nombre de personnes en Wallonie qui bénéficient des services de ce centre est en nette augmentation (102 patients en 2008 ; 379 patients en 2013 ; 457 en 2015).

    Je subventionne également le Centre de Référence Information-Suicide (CRIS), qui est destiné aux professionnels et qui a été reconnu en 2013, comme « Centre de Référence en Santé mentale spécifique suicide ». Ce centre offre des services aux professionnels tels que la promotion de formations, l’organisation de réunions de concertation et la diffusion de données spécialisées. L’observation des pratiques du secteur permet à cette ASBL de proposer des recommandations, d’initier des recherches scientifiques et de récolter les informations spécifiques à la thématique du suicide. Le CRIS est une aide précieuse en matière de stratégie de prévention au niveau de la Wallonie.

    Le CRIS mentionne d’ailleurs sur son site Internet cette fonctionnalité de Facebook à laquelle vous faites référence. Celle-ci a été développée par Facebook pour offrir aux utilisateurs un guide sur la manière de réagir aux messages détectés comme suicidaires. En bref, lorsqu’une personne poste un message de détresse laissant présager un passage à l’acte, un ami - selon le terme utilisé par Facebook - peut, en cliquant sur une icône, accéder à une page contenant des suggestions pour aider cette personne, telles que continuer à lui parler pour ne pas la laisser seule ou lui indiquer le numéro de téléphone d’une ligne d’écoute. Cette fonctionnalité de Facebook aurait été développée avec l’aide d’associations nord-américaines actives dans la prévention du suicide.

    À ma connaissance, le centre de prévention du suicide, « Un Pass dans l’Impasse », n’a pas eu de contact formel sur cette thématique avec des sociétés gérant les réseaux sociaux. Actuellement, je ne compte pas faire la promotion de cet outil, car même si l’utilisation des réseaux sociaux pourrait être un élément intéressant en matière de prévention du suicide, je n’ai pas suffisamment d’information sur le sujet. En concertation avec les structures de terrain, je suivrai en tout cas ces évolutions avant de remettre un avis sur leur efficacité ou, au moins, sur leur innocuité. En effet, la prévention du suicide demande une approche réfléchie et professionnelle.

    Au niveau de la problématique du suicide, globalement, la situation chez nous ne diffère pas de chez nos voisins en Communauté flamande. D’ailleurs, au niveau national, la dernière Conférence interministérielle de Santé publique vient de s’accorder sur un protocole de prévention du suicide, commun aux niveaux fédéral et fédérés.

    Indépendamment de ce protocole, un des objectifs de la Conférence interministérielle de Santé publique est que l’offre de soins en matière de santé mentale, donc y compris en matière de prévention du suicide, soit adaptée au niveau local via les réseaux en santé mentale, tant pour les adultes (réforme dite « PSY107 ») que pour les enfants et adolescents. Je compte utiliser ces deux moyens pour renforcer la prévention du suicide : les discussions au niveau national ainsi que le soutien des réseaux wallons en santé mentale qui sont en train de se développer et qui petit à petit couvrent tout le territoire wallon. Dans ces deux cadres, mon soutien aux actions de prévention du suicide sera basé sur les recommandations du rapport « Prévention du suicide » de l’OMS, que l’honorable membre cite. Je pense notamment à sa recommandation principale d’une « approche multisectorielle et globale », avec « des interventions, un traitement et un soutien efficaces et opportuns, basés sur des données factuelles ».

    La Wallonie continuera par conséquent à lutter contre le suicide via ses associations subventionnées et, comme le recommande l’OMS, en faisant la promotion d’outils qui ont fait leurs preuves.

    Que l’honorable membre sache également que l’Observatoire wallon de la santé est occupé à actualiser les données disponibles en rapport avec le suicide et insérera ces informations dans une publication plus générale sur la santé mentale et le suicide vers la fin de cette année.