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La consommation d’alcool en milieu estudiantin

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 23 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 23/09/2016
    • de WARZEE-CAVERENNE Valérie
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Le 7 septembre dernier, l’Université catholique de Louvain (UCL) révélait les résultats d’une étude relative à la consommation d’alcool des étudiants durant l’année académique 2015-2016. Cette dernière fut menée par Pierre Maurage et Séverine Lannoy, chercheurs au sein l’Institut de recherche en sciences psychologiques.

    Cette étude a pour dessein de mieux cerner cette problématique afin de mettre en place une stratégie efficiente sur le terrain. Les chiffres sont éloquents  : sur les 4.500 étudiants interrogés, 1 sur 4 affirme être ivre au moins une fois par semaine.

    Une autre étude menée par Modus Vivendi, association active dans la prévention de l’usage de drogue, révèle que sur les 3000 étudiants de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et de l’Université Saint-Louis interrogés, 8 % avouent avoir raté leur année à cause de l’alcool et 36 % affirment avoir eu une consommation d’alcool excessive durant l’année académique écoulée.

    L’étude souligne également que les hommes sont plus enclins à l’assuétude que les femmes, puisque sur les 29 % des étudiants consommant hebdomadairement de l’alcool de manière excessive, les hommes boivent plus de 21 verres d’alcool par semaine contre 14 pour les femmes. Enfin, cette étude informe que 42% des étudiants interrogés ont commencé à consommer régulièrement de l’alcool avant l’âge de 14 ans.

    Face à ces chiffres alarmant, l’UCL a décidé de réagir en adoptant diverses mesures parmi lesquelles  : l’instauration d’un test en ligne permettant aux étudiants d’avoir un feedback de leur consommation individuelle, l’augmentation de bars proposant des softs attractifs lors des soirées étudiantes ou encore la réduction de la taille de ces événements.

    Les universités libre de Bruxelles et Saint-Louis, quant à elles, en partenariat avec l’association Modus Vivandi, ont lancé un projet de réduction des risques liés à la consommation d’alcool en milieu estudiantin bruxellois. Ce projet repose sur collaboration constructive entre les différents acteurs, c’est-à-dire entre les étudiants, les autorités académiques et autres acteurs de terrain. Le but du projet est d’automatiser certains réflexes santé afin de réduire, à terme, les prises de risques ainsi que les accidents se produisant dans ce milieu.

    Concrètement, des étudiants animent des stands drink différents lors des soirées étudiantes et proposent des coins "safe" au sein desquels de l’eau, des préservatifs ou des bouchons d’oreilles sont proposés aux étudiants. Ce projet est soutenu par la COCOF et la ministre bruxelloise de la Santé, Mme Cécile Jodogne. Cette dernière a, notamment, rappelé la nécessité de limiter l’offre et la demande d’alcool.

    Comme je viens de le préciser, la Région de Bruxelles-Capitale n’est pas la seule concernée par ce problème. De fait, de nombreux établissements d’enseignement supérieur existent en Wallonie et ces derniers n’échappent, malheureusement, pas à ces comportements déviants. Si certaines universités ou hautes écoles ont décidé de réagir en adoptant une série de mesures, ce n’est pas le cas de tous les établissements. Dès lors, il paraît opportun d’encadrer les diverses initiatives entreprises et d’établir un plan de prévention régional afin que chaque université ou haute école mette en place un plan d’action spécifique.

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de ces différentes études  ?

    Le cas échéant, quelles éventuelles mesures envisage-t-il ? Considère-t-il qu’un plan régional de prévention constitue une solution efficiente  ?
  • Réponse du 12/10/2016
    • de PREVOT Maxime

    Les études citées sont intéressantes à plus d’un titre. Elles confirment d'autres études qui montrent (sans surprise !) que les étudiants ont une fâcheuse tendance à exagérer lorsqu'ils consomment de l'alcool. Si ce phénomène est loin d'être neuf, il est heureusement de moins en moins banalisé. Et ce qui était auparavant vu d'un œil amusé, comme faisant partie du folklore et de la vie étudiante, est maintenant pris au sérieux. Comme ces études le montrent, le manque de maîtrise des étudiants sur leur consommation d'alcool a deux conséquences principales :
    - une consommation excessive lors d'une soirée avec tous les risques que cela peut entraîner, notamment la consommation d'autres drogues qui renforcent les effets de l'alcool, la déshydratation, les rapports sexuels non protégés et/ou non désirés, les comportements violents et les accidents de la route ;
    - un autre problème est le risque de devenir dépendant, on parle alors d’assuétude, qui sera d'autant plus grave que cette dernière débute tôt (les plus jeunes restent plus vulnérables face aux effets de l'alcool).

    Dans le domaine de la santé, les actions à mener se conçoivent à partir des trois piliers que sont la prévention, le traitement et la réduction des risques.

    Sur le plan de la prévention, la Région wallonne subventionne l'ASBL Modus Vivendi – auteur d’une des études que mentionne l'honorable membre – ainsi que d'autres services qui bénéficient du soutien logistique de cette association, notamment dans le cadre du label Quality Nights. Ce label a pour objectif d'améliorer le bien-être des personnes qui sortent dans les lieux de fête. Dans les lieux labellisés se trouvent divers outils préventifs dont la distribution d'eau gratuite pour limiter les consommations de bière ou d'alcool, des préservatifs et bouchons d'oreilles, des brochures d'informations sur la santé, des alertes rapides en cas de circulation de drogues à haut risque ainsi qu'un personnel sensibilisé à la réduction des risques et aux premiers secours.

    Je poursuivrai mon soutien aux associations qui travaillent à la prévention, au traitement et à la limitation des risques liés à la consommation abusive d'alcool. Je citerai trois associations (parmi d'autres) qui sont très actives sur les problématiques liées à l’alcool : l’ASBL Alfa, qui développe un site Internet d'aide en ligne pour les personnes alcooliques et leur entourage ; la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) dont le projet porte sur le dépistage d’une consommation problématique en médecine générale et le projet Freedom qui consiste à proposer un sevrage à domicile pour les personnes alcoolodépendantes.

    De manière plus structurelle, la Région wallonne a agréé 27 services d’aide et de soins spécialisés en assuétudes qui offrent un accompagnement spécifique destiné aux personnes sujettes à des problèmes de dépendance, en ce compris la dépendance à l’alcool. Ces services sont répartis sur l’ensemble du territoire wallon.

    Par ailleurs, plusieurs associations soutenues par la Wallonie dans le domaine de l'aide et des soins en matière d'assuétudes (comme Infor-Drogues ou Citadelle) offrent aux institutions qui en ont besoin (écoles, maisons de quartier par exemple) des formations, un accompagnement de projets et des outils pour travailler la question des consommations avec les jeunes.

    Enfin, la Wallonie soutient également le travail de l'ASBL Univers Santé qui déploie des activités spécifiques en lien avec la consommation d'alcool par les jeunes. Cette ASBL réunit, au sein d'un réseau pilote appelé « Jeunes, Alcool et Société », 12 associations actives auprès des jeunes. Au sein de ce groupe se définissent des stratégies et des actions (comme celles qui visent le « binge drinking »).

    En outre, une approche multisectorielle est nécessaire pour diminuer la nocivité de la consommation de boissons alcoolisées, d’où la nécessité d’établir des concertations entre les différentes autorités de la santé. Une politique réellement efficace pour limiter l'usage nocif d'alcool doit en effet impliquer différents niveaux de pouvoir aux niveaux fédéral et fédéré. Selon l'OMS dans sa « Stratégie mondiale visant à réduire l'usage nocif de l'alcool », une action nationale doit concerner 10 domaines d'actions :

    1. leadership, prise de conscience et engagement ;
    2. action des services de santé ;
    3. action communautaire ;
    4. politiques et mesures de lutte contre l’alcool au volant ;
    5. offre d’alcool ;
    6. marketing des boissons alcoolisées ;
    7. politiques de prix ;
    8. réduction des conséquences néfastes de la consommation d’alcool et de l’intoxication alcoolique ;
    9. réduction de l’impact sur la santé publique de l’alcool illicite ou produit par le secteur informel ;
    10. suivi et surveillance.

    Dans le cadre de l’élaboration des priorités de santé et d’un plan global de prévention pour la Wallonie, la thématique de l’alcool sera inévitablement abordée et fera l’objet de mesures propres aux compétences de la Région wallonne.

    Une partie de ces actions citées ci-dessus dépassent les compétences de la Région, notamment les actions 5, 6 et 7 qui sont du ressort du Gouvernement fédéral. Un véritable plan Alcool basé sur une série de mesures efficaces devrait donc se construire au niveau national. L'emplacement idéal pour le construire se situe dans la Cellule générale de Politique Drogues qui réunit les différents cabinets des entités fédérées et fédérale ayant des compétences en matière de substances psychoactives.

    Cette Cellule générale tente actuellement d'élaborer un plan Alcool sur base de la stratégie recommandée par l'OMS. Je participe activement à cette construction pour m’assurer que des mesures concrètes de lutte contre les conséquences négatives de la consommation d’alcool puissent être mises en place dans notre Région.