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L’avenir de la recherche en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 49 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 18/10/2016
    • de KNAEPEN Philippe
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    La haute technologie et l’innovation sont, dans un rapport de cause à effet, intimement liées. Le chercheur Kenneth Kernaghan disait à juste titre, dans son ouvrage «  L’admnistration publique de l’avenir  », «  l’indice d’innovation d’un organisme reflète non seulement sa capacité à concevoir ses propres idées innovatrices, ou à s’inspirer d’autres organismes, mais aussi sa capacité à communiquer, évaluer, adapter et appliquer ces idées novatrices avec succès  ». La capacité d’innovation d’une région est donc essentielle à son «  succès  », tant économique que social.

    Cet indice d’innovation peut bien sûr être mesuré de multiples manières, notamment et très concrètement par l’analyse du nombre de brevets de haute technologie déposés auprès de l’Office européen des brevets (OEB). Eurostat, office de statistique de l’Union européenne, publie régulièrement les chiffres liés à ce dépôt de brevet. Et les chiffres pour la Wallonie sont interpellants.

    Les données recueillies par Eurostat font référence au pourcentage de brevets déposés directement auprès de l'Office européen des brevets (OEB) ou par le biais du traité de coopération en matière de brevets et désignant l'OEB (Euro-PCT) dans le domaine des brevets des technologies de pointe par millions d'habitants dans un pays. La définition des brevets des technologies de pointe utilise les sous catégories spécifiques de la classification internationale des brevets (CIB) telles qu'elles sont définies dans le rapport statistique trilatéral de l'OEB, du JPO (Japan Patent Office) et de l'USPTO.

    Les chiffres sont répartis par province. En 2012, par rapport à la Flandre, la Wallonie, à l’exception du Brabant wallon, est très loin derrière  en termes de brevets de haute technologie déposés par million d’habitants  : 8,481 pour Namur, 8,018 pour Liège, 4,614 (  !) pour le Hainaut, 53,651 pour le Brabant wallon, 0,362 et pour le Luxembourg. Bruxelles se situe approximativement dans la moyenne nationale  avec 22,476. La Flandre, quant à elle, semble bien plus productive  : Flandre occidentale (9,567), Flandre orientale (32,349), Anvers (53,651), Limbourg (10,621), Brabant flamand (78,791).

    Les différences sont très marquées et la Wallonie se situe indubitablement parmi les «  mauvais élèves  ». Comment Monsieur le Ministre explique-t-il ces tendances et ce fossé entre la Flandre  et la Wallonie? Est-ce une question de moyens alloués à la recherche, d’infrastructures, d’enseignement, …  ? Dispose-t-il de chiffres plus récents que ceux de 2012  ? Quels moyens sont-ils mis en œuvre pour promouvoir la recherche scientifique et technologique en Wallonie  ? Des groupes de travail sont-ils à l’œuvre au sein de l'administration pour améliorer ces statistiques alarmantes  ?
  • Réponse du 06/02/2017
    • de MARCOURT Jean-Claude

    La conclusion avancée par l’honorable membre sur l’état de santé de la politique d’innovation wallonne se base sur des chiffres de 2012. Nous sommes en 2017. Depuis lors, la situation a évolué.

    Selon les chiffres les plus à jour, le rapport de l’Office européen des brevets publié en 2016 montre que 160.022 demandes de brevets ont été enregistrées en 2015. Il s’agit d’une augmentation de 4,8 % par rapport à 2014. Si l’on se base sur le nombre de dépôts de brevets par pays, les augmentations les plus significatives proviennent d’Italie, du Royaume-Uni, d’Espagne, des Pays-Bas et de Suisse. La Belgique est quant à elle le 12e pays qui a déposé le plus de brevets en 2015, avec 2041 demandes, soit une augmentation de 4,8 % par rapport à 2014. Si l’on met en relation ce nombre avec le nombre d’habitants, la Belgique prend alors la 8e place du classement devant des pays tels que la France, les États-Unis ou encore, le Canada.

    Ces résultats sont donc encourageants. Ceux-ci sont explicables en grande partie par trois facteurs : la qualité du niveau de la recherche en Wallonie dans les institutions et son soutien financier par la Région Wallonne, les dispositions fiscales fédérales relatives au précompte professionnel des chercheurs et la déduction, jusqu’à 80 %, des revenus liés au dépôt du brevet en Belgique.

    L’enquête ne propose pas de ventilation des résultats entre les différentes Régions de Belgique.

    Il est toujours utile de préciser que l’innovation ne peut être évaluée uniquement sur la base du nombre de dépôts de brevets déposés à l’Europe, et cela pour au moins trois raisons.

    La première réside dans le fait que toutes les innovations ne font pas toujours l’objet d’un dépôt de brevet. En effet, c’est même dans les faits l’inverse : le pourcentage d’inventions brevetées est faible par rapport aux inventions non brevetées. Rappelons ici que la procédure d’obtention d’un brevet est coûteuse et longue, même s’il existe des aides en Wallonie à ce niveau.

    La seconde raison réside dans le fait que le marché de l’entreprise peut justifier une demande de dépôt de brevet nationale plutôt qu’européenne. Ces demandes ne sont pas prises en considération dans les chiffres avancés par l’Office Européen des Brevets.

    Enfin, la troisième et dernière raison réside dans le fait que le dépôt d’un brevet n’est qu’un indicateur parmi beaucoup d’autres du taux d’innovation d’une région donnée. À titre d’exemple, l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle s’appuie sur 81 indicateurs différents pour mettre au point son indice annuel de l’innovation.

    Parmi ceux-ci, on retrouve notamment l’environnement politico-économique d’une région ; la qualité de l’enseignement et des infrastructures d’éducation ; la capacité de valorisation des résultats de la recherche ; l’impact de la politique R&D sur l’économie ou encore, le pourcentage du PIB consacré à la politique de la recherche.

    Sur ce dernier point, on notera que la Wallonie affiche de bonnes performances puisque, selon les chiffres les plus à jour, la part des dépenses de R&D dans le PIB a atteint 2,85 % en 2013, ce qui est supérieur à la Flandre (2,52 %), aux moyennes belge (2.42 %) et européenne (2,01 %).

    La Wallonie investit donc proportionnellement plus que la Flandre dans l’innovation.

    La Wallonie a mis en place de nombreux outils pour soutenir l’innovation. Ceux-ci prennent généralement la forme d’une aide financière. Celle-ci permet de couvrir les besoins de l’entreprise aux différents stades de développement des projets d’innovation.

    Il est ainsi possible de recevoir un financement pour réaliser une étude de faisabilité technique auprès d’organismes compétents ; faire appel à un centre de recherche agréé ou une Université pour développer une nouvelle technologie ou encore, engager un chercheur.

    Il est également possible de solliciter une aide dite « au guichet » de la DGO6 ou de s’inscrire dans le cadre d’un appel à projets (pôles de compétitivité, CWALity ou Walinnov). Les aides consistent en des subventions pour les projets de recherche industrielle ou des avances récupérables pour les projets de développement expérimental.

    Les taux de l’ensemble de ces aides sont définis dans le décret recherche. Les moyens financiers qui leur sont dédiés sont importants, environ 300 millions d’euros annuellement.

    Depuis sa prise de fonction, le Ministre de la Recherche a mis en œuvre plusieurs réformes afin de permettre à l’innovation de jouer davantage son rôle de moteur de développement économique. Parmi celles-ci, on peut notamment citer :
    - la simplification du paysage des appels à projets dédiés à l’innovation ;
    - la réforme du décret recherche avec la mise en conformité de notre législation avec le nouvel encadrement européen et activation de l’ensemble des dispositifs d’aide autorisés par l’Europe qui n’étaient pas encore intégrés dans notre dispositif législatif ;
    - la modernisation du Policy Mix. Lors de sa séance du 3 décembre 2015, le Ministre de la Recherche a complété la stratégie de spécialisation intelligente approuvée par le Conseil des Ministres le 3 septembre 2015 et par la Commission européenne le 20 novembre 2015 en définissant sa vision du Policy mix et en précisant le rôle des acteurs présents dans le paysage de l’Innovation, principalement les universités, les centres de recherche et les hautes écoles. Parmi les objectifs avancés figurent notamment :
    * l’application du principe de gouvernance externe dans le cadre de la procédure d’évaluation et de sélection des projets de recherche déposés par les universités, sur la base du modèle de fonctionnement du jury des pôles de compétitivité ;
    * la volonté de financer des projets de recherche universitaires ambitieux, structurants, interdisciplinaires et interuniversitaires ;
    * le passage d’une logique d’appel à projets à la possibilité de pouvoir déposer les dossiers en continu quand ceux-ci sont prêts, le comité de sélection se réunissant à intervalle régulier ;
    * la prise en compte systématique du critère de valorisation des résultats de la recherche dans l’évaluation d’un projet de recherche.
    On notera que ces principes, établis en concertation avec les universités, ont été concrétisés dans le cadre du programme Walinnov.
    - la création d’une filiale intégrée des acteurs de l’innovation technologique au sein de l’AEI : Innovation Wallonia. Dans une logique de spécialisation par métier et de rationalisation, cette nouvelle structure intégrera, conformément au contrat d’objectif de l’AEI et de ses filiales validé par le Gouvernement wallon le 22 décembre 2016, les activités des ASBL Picarré et Innovatech ainsi que celles de la cellule National Contact Point logée actuellement au sein de l’UWE et du réseau EEN, et de toute autre action ou coordination d’activité en lien avec une famille d’opérateur. Des services complémentaires en lien avec les centres de recherche et la valorisation des résultats de la recherche universitaire seront également proposés par cette nouvelle filiale. Le rassemblement de ces structures renforcera l’impact des services qui seront rendus aux entreprises qui y feront appel. Cette structure travaillera en étroite collaboration avec les pôles de compétitivité, les universités et les centres de recherche, ainsi que les fédérations professionnelles avec pour seul objectif de rendre possible la transformation d’idées en innovations et processus industriels.
    - la création du Digital Wallonia Hub par décision du Gouvernement wallon du 10 décembre 2015 : celui-ci a pour mission d’entretenir et développer les compétences numériques de haut niveau en Wallonie. Pour atteindre ces objectifs, le comité de pilotage du DWHub s’appuie sur les clusters TWIST (ASBL) et Infopôle TIC (ASBL) et sur un jury indépendant. Ces deux Clusters ont entrepris un processus de fusion et constitueront une nouvelle entité légale (ASBL), responsable de l’opérationnalisation du DWHub et des activités d’animation portées anciennement par les clusters TIC et TWIST.

    Ainsi, la Wallonie met à la disposition de son tissu économique non seulement un ensemble d’outils pour aider ses entreprises à innover, mais également des budgets importants pour y parvenir. Ces outils et budgets s’accompagnent de réflexions avec les acteurs concernés qui peuvent déboucher sur des réformes permettant de faire évoluer le modèle. Cette réflexion est continue dans un monde en constante évolution.

    S’il peut exister un écart entre les éléments détaillés dans la présente qui montrent le dynamisme wallon en matière d’innovation et la mise en avant de chiffres anciens qui soutiendraient une vision alarmiste de la réalité, le Ministre de la Recherche tient à insister sur un point : il poursuivra le travail entamé depuis maintenant plus de deux ans afin de permettre à l’innovation de jouer son rôle de moteur de développement économique pour l’ensemble de la Wallonie.