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La répartition des genres dans les professions indépendantes

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 99 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 30/11/2016
    • de BALTUS-MÖRES Jenny
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    Selon un article dans la Meuse du 14 novembre dernier, de plus en plus de Liégeois optent à devenir indépendants. Cependant on peut constater que dans aucune des communes concernées, les femmes sont plus nombreuses que les hommes.

    Pour la conseillère d’entreprises Delphine Marischal, ceci s’explique par le fait que « les hommes sont un peu plus fonceurs que les femmes ».

    J’étais étonnée d’entendre que, selon l’analyse de cette conseillère d’entreprises, le taux relativement faible des femmes indépendantes serait à expliquer par la «  nature  » des femmes. Je pense qu’en vérité il s’agit plutôt d’une question de répartition de tâches entre hommes et femmes. Récemment encore j’ai pris connaissance d’une statistique belge qui montrait que les femmes s’occupent encore majoritairement de l’éducation et du ménage.

    C’est pour cela que je demande à Monsieur le Ministre les vraies raisons pour le taux relativement faible des femmes indépendantes en Région wallonne .

    Monsieur le Ministre connaît-il des statistiques et des analyses scientifiques qui montrent qu’il y a des liens entre la nature des femmes en général et leur prise d’initiative pour devenir indépendante  ? Si oui, lesquelles  ?

    Par contre, pourrait-il me communiquer les derniers résultats de la Région wallonne pour l’analyse de la répartition des tâches ménagères et éducatives entre hommes et femmes ?
  • Réponse du 09/01/2017
    • de MARCOURT Jean-Claude

    C’est un fait, aucune commune de l’arrondissement de Liège ne présente un nombre de femmes entrepreneures supérieur à celui des hommes. Alors, est-ce que cela s’explique par le fait : « que les hommes sont plus fonceurs que les femmes » comme le suggère la conseillère de Job’ In dans l’article que prend l'honorable membre en référence. Ou encore est-ce que la nature des hommes est plus propice à entreprendre comme cela est suggéré dans sa question.
    Premièrement, évitons de tomber dans les stéréotypes, ce n’est pas la nature des hommes ou des femmes qui sont en cause. Deuxièmement, quand la conseillère de Job’In émet l’idée que : « les hommes sont plus fonceurs que les femmes » elle mentionne également : « que les femmes sont de plus en plus nombreuses à entreprendre ». Dans ce même article, la conseillère de Job’In complète son propos en précisant que ce ne sont pas seulement les femmes qui entreprennent plus, mais également les jeunes, les personnes de plus de 50 ans et qu’une des raisons principales est qu’il y a de moins en moins de freins pour se lancer dans l’entrepreneuriat aujourd’hui.

    C’est pour cette raison que parallèlement au programme pluriannuel d’entrepreneuriat féminin de l’AEI, le Ministre de l’Économie, Jean-Claude Marcourt, a chargé son cabinet début 2016, d’organiser une table ronde sur l’entrepreneuriat féminin avec les acteurs de terrain afin d’identifier les freins lier à cette thématique et proposer des recommandations ayant comme objectif de lever ces freins.

    Ce qui ressort du rapport, c’est que la question de l’entrepreneuriat féminin sous-tend une série de freins indépendamment de l’activité, qu’elle soit traditionnelle ou technologique. Ce rapport confirme les études qui ont été menées dans la dernière décennie et qui pointent notamment :

    Un premier exemple de frein est le manque d’accès aux réseaux d’affaires. À ce sujet le groupe de travail suggère de poursuivre le développement de réseaux physiques et virtuels rassemblant des femmes entrepreneures, car les femmes qui développent une entreprise considèrent le réseautage comme indispensable à leur développement. Le réseau physique reste indispensable, la rencontre face-to-face est jugée prioritaire, y compris par les très jeunes entrepreneures. Les réseaux sociaux en sont le prolongement.

    Un deuxième exemple de frein est un manque de confiance en soi, qui peut se traduire par le fait de penser qu’on n’a pas les compétences suffisantes pour se lancer et créer son entreprise. C’est pour cela qu’il faut user et abuser de modèle d’identification réaliste et communiquer intelligemment autour de ces modèles. En effet, le rôle du modèle est crucial. Il est indispensable de présenter des modèles d’identification « accessibles », des femmes qui témoignent avec passion et réalisme, des femmes qui inspirent et qui suscitent l’envie de prendre le chemin de la création d’une entreprise.

    En janvier 2014, le cabinet de conseil Mc Kinsey, révèle dans son 6e rapport « Women Matter » (http://www.mckinsey.com/global-themes/women-matter ou http://www.mckinsey.com/global-themes/employment-and-growth/how-advancing-womens-equality-can-add-12-trillion-to-global-growth) que les femmes assument aujourd’hui pleinement leur désir de réussir au plus haut niveau, quitte même à consentir plus volontiers qu’hier à d’éventuels sacrifices sur le plan personnel pour atteindre leurs objectifs. Ce rapport souligne également que les femmes persistent néanmoins à exprimer une moindre confiance en elles que leurs homologues masculins. Cette prise de conscience du rôle clé de la « self confidence » dans l’accomplissement professionnel ouvre aux femmes de réelles perspectives pour se donner les moyens de développer leur potentiel.

    Un dernier exemple de frein est la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, plusieurs pistes de réflexion ont émergé des groupes de travail initié par le Ministre de l’Économie Jean-Claude Marcourt, notamment ne pas confondre présentéisme et professionnalisme et ce, en favorisant par exemple une certaine flexibilité dans les horaires ou encore le télétravail. En outre, pour ce qui est du travail d’indépendant, la difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée (notamment les tâches ménagères et l’éducation des enfants) peut diminuer, dans la mesure où l’indépendance favorise l’organisation de son temps.

    En ce qui concerne les derniers résultats de la Région wallonne pour l’analyse de la répartition des tâches ménagères et éducatives entre hommes et femmes, l’IWEPS nous informe que les données les plus récentes sont disponibles dans une étude de la Direction générale de la statistique du SPF Économie sur « l’emploi du temps des Belges » (http://statbel.fgov.be/fr/modules/pressrelease/statistiques/marche_du_travail_et_conditions_de_vie/resultats_de_l_enquete_belge_sur_l_emploi_du_temps_de_2013.jsp) (2013), mais également dans le rapport « Genre et emploi du temps » (http://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/95_-_genre_et_emploi_du_temps_fr.pdf) (2016) réalisé par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH). Les résultats qui y sont présentés ne sont malheureusement pas ventilés par région. Cependant, d’après l’IWEPS, la problématique de l’inégale répartition du travail ménager et éducatif n’a pas de déterminant régional en Belgique. Les chiffres belges apportent ainsi un bel éclairage de la situation en Wallonie.

    La répartition du travail entre hommes et femmes suit encore le « modèle traditionnel des rôles », indique le SPF Économie. Sur une semaine, les hommes consacrent six heures de plus au travail rémunéré que les femmes. Ces dernières vouent huit heures de plus aux tâches ménagères que les hommes, et une heure et trente minutes de plus aux soins des enfants.

    En moyenne, les femmes consacrent deux fois plus de temps aux tâches ménagères que les hommes. L’écart entre hommes et femmes concernant le temps voué à ces tâches s’est réduit depuis quinze ans, mais uniquement parce que les femmes y consacrent moins de temps. La durée des périodes que les hommes destinent aux tâches ménagères n’a pas changé depuis 1999. La différence s’observe déjà auprès des 12-17 ans. Les filles de cette tranche d’âge passent près de six heures à faire le ménage, contre un peu plus de quatre heures pour les garçons, selon les chiffres du SPF Économie.

    Le temps consacré aux soins des enfants et à l’éducation est en augmentation, constate encore l’étude. Les hommes consacraient neuf minutes par jour à cette mission en 1999, contre quatorze minutes en 2013. Les femmes, elles, y vouent 28 minutes par jour, contre 23 il y a quinze ans. Elles y consacrent donc toujours deux fois plus de temps que leurs compatriotes masculins.

    Concernant le travail rémunéré, la situation est constante. Les hommes travaillent en moyenne 18 heures et 11 minutes par semaine, et les femmes, 11,5 heures. Enfin, les hommes ont plus de temps pour les loisirs (31,5 heures par semaine) que les femmes (25 heures et 13 minutes par semaine).

    Pour l’IEFH qui a comparé l’emploi du temps des femmes et des hommes sur le long terme (1966 par rapport à 1999) et sur le court terme (1999, 2005 et 2013), les différences en termes d’emploi du temps des femmes et des hommes avaient considérablement changé sur le long terme. Les hommes ainsi que les femmes ont (beaucoup) moins travaillé, probablement parce que les femmes qui travaillaient en 1966 le faisaient presque toujours dans le cadre d’un emploi à temps plein alors que, en 1999, les femmes travaillaient en grande partie à temps partiel. De 1966 à 1999, les tâches ménagères ont diminué d’un tiers chez les femmes et doublé chez les hommes. Le temps de loisirs des femmes et des hommes a également augmenté.

    Toujours d’après l’IEFH, les grands changements dans l’emploi du temps des femmes et des hommes s’expliquent certainement par l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail. Il s’agit naturellement d’une conséquence d’un grand nombre de changements sociétaux en faveur de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes (par exemple l’égalité des chances dans l’enseignement), mais le fait que les femmes aient aussi effectué du travail rémunéré a eu un impact majeur. En effet, il n’y a que 24 heures dans une journée et si les femmes consacrent une (grande) partie de leur journée au travail rémunéré, alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant, d’autres formes d’emploi du temps doivent céder la place à cette activité ou être transférées au partenaire.

    Pour l’IEFH, l’inégalité demeure toutefois dans la comparaison à court terme, entre 1999, 2005 et 2013, car il n’y a eu que très peu de changements durant cette période. Il semble qu’une limite a été atteinte en matière de réajustement du temps consacré au travail et à la famille. En réalité, la répartition égale du travail familial découle plus de la réduction du temps que les femmes y consacrent que d’une augmentation du temps que les hommes y consacrent. Entre 1999 et 2013, peu de changements essentiels indiquent une augmentation de l’égalité entre les femmes et les hommes du point de vue de l’emploi du temps.