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Le tarif d'utilisation du réseau pour les "prosumers"

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 246 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 27/04/2017
    • de FOURNY Dimitri
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Energie

    Il y a quelques jours, la CWaPE adoptait sa nouvelle méthodologie tarifaire dans laquelle il est prévu un tarif d’utilisation du réseau pour les détenteurs de panneaux photovoltaïques, et ce, à partir du 1er janvier 2019. On le sait, il s’agit d’une question qui a fait beaucoup débat notamment lors de l’examen du décret relatif à la méthodologie tarifaire, voté en janvier dernier.

    Cela fait plusieurs années que le régulateur wallon de l’énergie souhaite faire contribuer les plus de 131.000 ménages détenteurs de panneaux. La CWaPE part en réalité du principe que 37 % de l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques est autoconsommée. C’est sur les 63 % restants que le propriétaire devra payer un tarif.

    La tarification semble se baser sur le prélèvement réel, mais ce tarif sera différent en fonction du gestionnaire de réseau. On parle de 333,13 euros par an si le propriétaire dépend d’Ores Mouscron et de 560,88 euros par an s’il dépend d’Ores Verviers ! Il y a là des différences importantes et qui seront peu compréhensibles pour les « prosumers » qui risquent encore d’être freinés dans leurs investissements !

    Si une mutualisation peut être envisagée entre tous – « prosumers » ou non - pour l’utilisation du réseau, il s’agit d’assurer toujours des avantages auprès des propriétaires de panneaux afin qu’ils continuent à investir dans l’énergie renouvelable. Pour exemple, nous tenons à rappeler l’importance de maintenir le compteur continuant à tourner à l’envers !

    Quelle est la méthodologie arrêtée exactement par le régulateur concernant la contribution des « prosumers » au réseau ?

    Sur quoi, précisément, portera ce tarif et comment est-il calculé ?

    À combien s’élèvera ce coût par ménage, ainsi que pour les industriels et peut-on disposer des projections de ces tarifs gestionnaire de réseau par gestionnaire de réseau ?

    Certains utilisateurs choisiront sans doute de remplacer leur compteur par un double flux. À combien cette opération se monte-t-elle ?

    Ce tarif sera-t-il applicable dès le 1er janvier 2019 à tout le monde ?

    Par ailleurs et d’une manière complémentaire, qu’en est-il aujourd’hui du développement et de l’utilisation des batteries à domicile dans notre Région  ?

    Enfin, une consultation est en cours relative à ce projet de méthodologie tarifaire arrêtée pour l’instant par le régulateur. Quels sont les personnes et organismes qui prennent part à cette consultation  ?

    Quand celle-ci se clôturera-t-elle  ?

    Le Président de l’ASBL Touche pas à mes certificats verts semble envisager des actions en justice si le tarif « prosumer » se confirme.

    Monsieur le Ministre a-t-il davantage d’informations à ce sujet  ?
  • Réponse du 18/05/2017
    • de LACROIX Christophe

    Suite à l’adoption de la loi du 6 janvier 2014 portant sur la sixième réforme de l’Etat, la compétence tarifaire en matière de distribution a été transférée aux régions.

    Dans un premier temps, suite au transfert de la compétence tarifaire en matière de distribution, des dispositions transitoires ont été insérées dans les décrets électricité et gaz afin de permettre l’adoption d’une méthodologie transitoire basée sur les dispositions fédérales. Ces dispositions transitoires ont permis à la CWaPE d’approuver une méthodologie tarifaire transitoire et de nouveaux tarifs qui courront de 2015 à 2018.

    En effet, comme le sait l'honorable membre, la législation européenne impose que les tarifs soient approuvés par une autorité de régulation indépendante. Le transfert de compétence entraîne donc également un changement de régulateur dans le contrôle des tarifs de distribution. En effet, la compétence d’approbation de la méthodologie tarifaire et des tarifs a été transférée de la CREG vers les régulateurs régionaux, la CWaPE en ce qui concerne la Région wallonne.

    Un décret porté par mon prédécesseur et discuté sur les bancs de ce Parlement a fixé un cadre juridique spécifique à la Wallonie pour l’élaboration de la méthodologie tarifaire et des tarifs de gaz et d’électricité par la CWaPE pour la période 2019-2023. Ce décret a été adopté par le Parlement le 18 janvier 2017.

    C’est donc sur base de ce décret et plus précisément sur son article 4, §2, 6° qui prévoit que « la méthodologie tarifaire veille à la contribution transparente et équitable des clients finals, pour ce qui concerne l'utilisation du réseau, aux frais d’utilisation de ce dernier ainsi qu’aux taxes, surcharges et autres frais régulés » que la CWaPE, dans son projet de méthodologie tarifaire actuellement discuté avec les acteurs du marché, prévoit l’instauration d’un tarif prosumer.

    Cette mesure concerne uniquement les prosumers, c'est-à-dire les utilisateurs du réseau de distribution disposant d’une installation de production d’électricité décentralisée dont la puissance est inférieure ou égale à 10kVA et bénéficiant du « compteur qui tourne à l’envers ». Pour les installations d’une puissance supérieure à 10 kVA, un tarif d’injection est prévu.

    Toujours selon ce projet, la CWaPE prévoit de mettre en œuvre un « tarif capacitaire applicable aux prosumers (…) établi de manière à ce qu’il génère, sur une base annuelle, un coût similaire, dans le chef du prosumer, aux coûts qui seraient générés si les tarifs de prélèvement d’électricité sur le réseau de distribution et les tarifs de refacturation des coûts d’utilisation du réseau de transport sur le réseau basse tension étaient appliqués aux volumes non autoconsommés produits par l’installation de production, en considérant un pourcentage forfaitaire d’autoconsommation de 37 % et une production de 950 kilowatts-heures (kWh) par an par kilowatt électrique (kWe). »

    Le tarif de prélèvement visé est celui applicable selon le gestionnaire de réseau de distribution pour les composantes Distribution, Transport (hors location de compteur) ainsi que la surcharge « Cotisation fédérale » (applicable au niveau du Gestionnaire de réseau de transport).

    Dans l’hypothèse d’un compteur simple, avec un taux de TVA à 21 %, au 1er mars 2017, hors location de compteur, on obtient, selon les GRD ayant les tarifs situés aux extrêmes de la grille tarifaire, des montants allants de 68,69 euros/kWe/An pour ORES Mouscron à 114,18 euros/kWe/An pour ORES Verviers. En moyenne, ce tarif est de 90,95 euros/kWe/An.

    Selon les hypothèses précitées, pour une installation type de 3 kWe, le prosumer devra donc payer, si son GRD est ORES-Mouscron 206,07 euros/An TVAC, si son GRD est ORES-Verviers 342,54 euros/An TVAC. Le tarif moyen sera de 272,85 euros/An TVAC pour la même installation type.

    Rappelons que ces différences entre gestionnaires de réseau de distribution, dues aux coûts de distribution et de transport actuels, ne sont pas neuves et que l’harmonisation des tarifs est un objectif poursuivi à terme par la CWaPE. Une harmonisation progressive de certains tarifs est d’ailleurs prévue pour la méthodologie 2019-2023.

    Le tarif augmentera donc en fonction de la puissance de l’installation. Actuellement, on estime qu’une installation photovoltaïque type a une puissance de 3 kwe, ce qui permet de couvrir la consommation d’un ménage type wallon. À l’époque de SOLWATT, beaucoup de prosumers ont surdimensionné leur installation pour bénéficier de plus de certificats verts et donc augmenter leur rendement financier, ce qui a un impact négatif sur le réseau, car leur niveau d’autoconsommation n’a pas augmenté avec la taille de leur installation. Ils utilisent donc encore plus le réseau que le prosumer avec une installation justement dimensionnée.

    Le prosumer pourra éviter ce tarif forfaitaire s’il fait installer à ses propres frais un compteur double flux permettant d’enregistrer ses prélèvements réels d’énergie sur le réseau, et ainsi faire le choix chez son gestionnaire de réseau de distribution d’une tarification de réseau applicable sur la base de ses prélèvements bruts mesurés. Chez ORES, le coût de remplacement d’un compteur monohoraire ou bihoraire par un compteur double flux est de 312,18 euros TVAC en 2017. Ce coût est à charge exclusive du prosumer.

    À terme, avec le déploiement des compteurs communicants, le coût sera moindre et répercuté sur les tarifs de distribution. En effet, les compteurs communicants prévoient de base une telle fonctionnalité.

    Ce tarif va effectivement réduire le rendement financier des installations photovoltaïques subsidiées via le mécanisme SOLWATT. En ce qui concerne, les primes actuelles QUALIWATT, la méthode de calcul des primes prévoit déjà de tenir compte de l’instauration d’une telle contribution. Le temps de retour de l’investissement garanti en 8 ans sera donc respecté.

    En ce qui concerne les installations ayant bénéficié du système de soutien SOLWATT, ce tarif ne remettra pas en cause leur rentabilité, celle-ci sera un peu moins élevée mais cela au bénéfice de plus de 1.372.900 ménages wallons qui ne possèdent pas de panneaux photovoltaïques.

    Ne pas instaurer cette contribution signifierait par contre et de manière croissante, une augmentation des tarifs de réseau pour les utilisateurs ne disposant pas de panneaux photovoltaïques. Or nombre de ceux-ci ne pourront jamais installer de panneaux (ex. locataires, propriétaires d’un appartement, toit mal orienté…), ce qui rend socialement injuste le fait que ces utilisateurs doivent supporter majoritairement les coûts du réseau. Ne pas rétablir cette équité entre l’ensemble des utilisateurs du réseau et avec le développement souhaité du renouvelable et notamment du petit photovoltaïque, l’assiette de financement des couts de réseau aurait été de plus en plus réduite et aurait in fine impacté négativement l’image du photovoltaïque et des ménages y investissant.

    Si un tel tarif n’est pas instauré, nous risquerions à terme de nous retrouver dans une situation où le régulateur et les pouvoirs publics seraient obligés de réagir dans l’urgence pour éviter un dérapage du modèle de financement du réseau.

    En Flandre, un tel tarif existe déjà depuis le 1er juillet 2015 pour les installations d’une puissance inférieure à 10 kVA. Il s’agit d’un montant forfaitaire par an et par kVA qui, selon les derniers chiffres disponibles d’avril 2016, varie de 80,98 euros/an/kVA HTVA à 105,92 euros/an/kVA HTVA selon les GRD ayant le tarif le moins cher et le plus cher. Selon les hypothèses précitées pour la Wallonie, pour une installation type de 3 kWe, le prosumer devra donc payer, pour le GRD le moins cher, 235,16 euros/An TVAC, et pour le GRD le plus cher 307,59 euros/An TVAC. Le tarif est donc très semblable en Wallonie et en Flandre. Il est important de souligner que ce tarif n’a pas eu un impact négatif sur le nombre d’installations.

    Dans le futur, l’association d’un compteur double flux ou d’un compteur communicant avec une batterie à domicile pourrait se révéler intéressante pour limiter l’utilisation du réseau et les frais qui y sont liés. Actuellement, il y a peu de batteries domestiques actuellement installées en Wallonie, sans que je puisse fournir de chiffre précis. L’étroitesse du marché, leur caractère encore onéreux et l’absence de mécanisme de soutien expliquent cette quasi-inexistence.

    Concernant la consultation à proprement parler, le décret tarifaire prévoit en son article 2§2 que « (…) La méthodologie tarifaire, reprenant les modèles de rapport, est adoptée par la CWaPE après concertation avec les gestionnaires de réseau de distribution concernés et consultation publique ».

    Le calendrier, validé par la CWaPE et l’ensemble des GRD, prévoit que la consultation publique se déroule du 31 mars au 19 mai 2017 inclus. Au cours de cette période, les GRD sont invités à participer à une réunion de concertation planifiée le 2 mai 2017. L’ensemble des acteurs du marché sont, quant à eux, invités le 4 mai 2017. Ces réunions ont notamment pour objectif de permettre aux différents représentants de formuler oralement leurs avis et commentaires sur la proposition de méthodologie tarifaire. Suite à cette procédure, le Comité de direction de la CWaPE devrait approuver la méthodologie tarifaire 2019-2023 ainsi que les modèles de rapport y relatifs courant du mois de juillet 2017.

    Concernant l’ASBL « Touche pas à mes certificats verts », lors de leur assemblée générale et dans la presse, les administrateurs ont annoncé divers recours contre ce tarif prosumer mais, à ce stade, nous ne disposons pas de plus d’informations.

    En résumé, s’il ne s’agit pas d’une décision politique, je n’ai logiquement pas été associé à cette décision la CWaPE étant un organe indépendant du politique, cette mesure est positive, car elle vise à rétablir l’égalité entre les prosumers et les plus de 1.370.000 ménages wallons n’ayant pas de panneaux en faisant contribuer l’ensemble des ménages wallons aux frais de réseau.

    Par ailleurs, cette mesure ne remettra pas en cause la rentabilité des installations. Certes, le gain financier espéré par certains des ménages ayant bénéficié du système SOLWATT va diminuer à partir de janvier 2019, mais cela ne changera pas le taux de retour de l’installation financée via QUALIWATT qui aura toujours un temps de retour de garanti en 8 ans.