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Le contentieux relatif à la dotation négative des hôpitaux

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 283 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 12/05/2017
    • de FOURNY Dimitri
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Energie

    Lors de l'intervention de Monsieur le Ministre très instructive en réponse aux questions sur le retour à l’équilibre en commission du 4 mai 2017, il évoquait la dotation négative des hôpitaux, dont le débat était toujours en cours. Il évoquait également les révisions des charges du passé qui ne sont toujours pas estimées à ce jour.

    Peut-il refaire le point détaillé sur ces deux enjeux qui me paraissent fondamentaux pour l’avenir budgétaire de la Région wallonne. Il serait bienvenu à cet égard de rappeler les cadres légaux qui sont à l’origine du contentieux ainsi que les différences dans les interprétations du Fédéral et du Gouvernement wallon, en particulier concernant la dotation négative.

    Je souhaiterais également connaître les impacts budgétaires pluriannuels que cette différence d’interprétation entraîne sur les budgets des Régions, en particulier sur celui de la Wallonie, mais également sur ceux de la Flandre et de Bruxelles s'il les a à disposition.

    De façon générale, peut-il rappeler et quantifier l’ensemble des décisions fédérales qui ont un impact direct sur le budget des Régions, et en particulier celui de la Wallonie ?
  • Réponse du 01/06/2017
    • de LACROIX Christophe

    L’accord institutionnel de 2011 prévoit pour les moyens transférés liés aux investissements dans les hôpitaux une dotation annuelle qui est composée de deux parties :
    - un montant indexé et lié à la croissance (dotation) qui permet aux entités de faire face aux investissements (passés et futurs) des infrastructures hospitalières ;
    - un montant (à déterminer chaque année) qui vient en déduction du montant précédent et destiné à faire face aux investissements du passé.

    Ce deuxième montant évolue au cours du temps et s’avère supérieur au premier montant. À titre exemplatif, pour l’année budgétaire 2016, le déficit pour l’ensemble des communautés s’élève à 180,3 millions d'euros à savoir 141 millions d'euros pour la communauté flamande, 29 millions pour la communauté française, 8 millions d'euros pour la COCOM et 2 millions d'euros pour la communauté germanophone.

    Le mécanisme de transition (applicable pendant 20 ans – diminution de 10 % à partir de la onzième année) qui est censé éviter un appauvrissement ou un enrichissement des entités (l’État fédéral ou les communautés) fait apparaître, quant à lui, que la Communauté française et la Cocom sont redevables respectivement de 32,5 millions d'euros et 5,9 millions d'euros, soit globalement un demi-milliard sur une période de 20 ans.

    Le non-appauvrissement ou le non-enrichissement se traduit par le fait que lorsque la dotation permet l’octroi de moyens supérieurs aux besoins, le mécanisme de transition corrige de façon transitoire ce surplus via une diminution des moyens octroyés.

    Inversement, lorsque les moyens sont inférieurs aux besoins, le mécanisme de transition corrige de façon transitoire ce manque via une augmentation des moyens octroyés.

    On constate cependant que ce mécanisme ne fait qu’aggraver la situation de toutes les entités à l’exception de la Flandre.

    Ceci est dû au fait que la LSF (dotation + mécanisme de transition/Infrastructure hospitalière) n’a jamais prévu le cas de figure où le prélèvement pour les charges du passé serait supérieur à la dotation de base.

    La Région wallonne estime que la dotation « investissements hospitaliers » doit présenter un montant positif suffisant pour leur permettre de mener leur politique future en matière d’infrastructures hospitalières.

    Pour le Gouvernement wallon, la « dotation négative » est contraire à la LSF pour les raisons suivantes :
    1) l’octroi d’une dotation aux entités fédérées doit leur permettre d’assumer leurs nouvelles compétences en matière d’infrastructures hospitalières ; cela ressort notamment du libellé de l’article 47/9, § 1er, de la LSF : « à partir de l’année budgétaire 2016, une dotation est accordée annuellement à la Communauté française, à la Communauté flamande et à la Commission communautaire commune en raison de leur compétence en matière de financement des infrastructures hospitalières et des services médicotechniques » ;
    2) le fait d’aboutir à une dotation négative, ou même à une dotation égale à zéro, rend inapplicable le mécanisme de transition prévu à l’article 48/1 de la LSF et contredit l’un des principes fondamentaux de la réforme institutionnelle, à savoir le non-appauvrissement de toute entité. En effet, le mécanisme de transition est censé assurer que chaque entité fédérée dispose des mêmes moyens que si la compétence continuait à être gérée par l’autorité fédérale. Or, l’application du mécanisme de transition sur une dotation négative ne permet pas de répondre à cet objectif et crée une discrimination entre les entités. La Communauté française et la COCOM se verraient appliquer une réduction de leurs moyens par le mécanisme de transition alors que les Communautés flamande et germanophone bénéficieraient d’une correction positive. Ainsi, alors que les dotations seraient négatives pour toutes les entités (ce qui traduit un manque de moyens par rapport aux besoins), la valeur du mécanisme de transition pour la Communauté française et la COCOM suggère qu’elles disposent de plus de moyens que leurs besoins. Ce qui est signe d’une contradiction et démontrerait par l’absurde la « non applicabilité » du système.

    Une analyse juridique réalisée par les professeurs Behrendt et Bourgeois confirme que la dotation ne peut pas être négative et que la loi prévoit d’octroyer des moyens aux entités pour assumer les nouvelles compétences transférées.

    En termes d’impact pluriannuel, pour ce qui concerne une éventuelle dotation négative à l’initial 2017, nous avions prévu un impact additionnel de l’ordre de 11 millions d'euros. Cet impact évolue en fonction des montants prélevés par le Fédéral et du montant de la dotation prévue par la LSF, déterminée par les paramètres macroéconomiques. Nous avons d’ailleurs pu réviser cet impact à l’ajustement, grâce à une évolution favorable des paramètres : il ne devrait plus y avoir d’impact au-delà de la dotation.

    Dans les prochaines années, le prélèvement doit être, par hypothèse, limité au prélèvement. Ensuite le montant de la dotation doit devenir plus important que le prélèvement, mais tout cela reste très dépendant de l’estimation des charges du passé.

    Les décisions du Gouvernement fédéral qui ont un impact majeur portent bien entendu sur le tax shift. Selon nos estimations, celui-ci a un coût de près de 140 millions d'euros sur l’année 2017, sous la forme de moindres recettes. Les mesures du tax shift qui entrent en vigueur en 2018 et 2019 généreront une perte récurrente supplémentaire de 94 millions d'euros en 2019 et une perte récurrente supplémentaire de 89 millions d'euros en 2020. Au total, c’est donc une perte récurrente de 320 millions d'euros qui est estimée à partir de 2020.