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La privatisation de Belfius

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 360 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 20/06/2017
    • de FOURNY Dimitri
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Energie

    Lors du comité de concertation de ce 31 mai, le Gouvernement fédéral a semble-t-il décidé de ne tenir aucunement compte des intérêts de la Région wallonne et d’ignorer intégralement son avis concernant l’avenir de Belfius et le maintien de son actionnariat public.

    Nous avons déjà discuté longuement de ce dossier dans notre commission depuis un peu plus d’un an. En avril de l’année dernière, nos débats avaient débouché sur une l’adoption d’une résolution qui visait à conserver l’ancrage public de Belfius afin de garantir le soutien des investissements à long terme pour nos communes et leurs intérêts sociétaux. Il est fondamental que la décision d’investir de Belfius ne soit pas amenée à ne reposer que sur le rendement financier à court terme de l’investissement.

    Je ne veux pas revenir sur l’ensemble des considérants qui avaient motivé la résolution adoptée par ce Parlement, mais j’en citerai tout de même quelques-uns, notamment les faits que :
    - les pouvoirs locaux représentent plus de 50% de l’investissement public ;
    - Belfius est régulièrement le seul opérateur financier à venir se présenter sur les marchés publics financiers des pouvoirs locaux ;
    - Belfius permet de capitaliser l’épargne des citoyens vers l’économie réelle et locale ;
    - des investisseurs étrangers n’auraient que peu d’intérêt – c’est précisément le cas de le dire – à investir dans des projets d’investissement public local peu rentables, à moins, justement, de prêter à des taux exorbitants, ce qui serait très dommageable pour les finances communales déjà soumises à rude épreuve ;
    - l’emploi dans notre région serait menacé en cas de fusion avec une autre banque.

    J’ajouterai qu’une vente partielle du capital public de Belfius ouvrirait la voie à une privatisation totale ultérieure.

    Je reviens par ailleurs sur le fait que le dividende stable de Belfius, avec un taux de rendement de près de 6 %, est bien au-delà de ce que l’Etat belge économiserait en charges d’intérêt en réduisant sa dette publique du montant de la valeur de vente. En se séparant de près de la moitié de ses parts, l’Etat belge se priverait d’un revenu structurel stable et affaiblirait sa position budgétaire au regard des obligations européennes.

    Au regard de sa dette publique, certes, la dette brute diminuerait avec une vente de ses participations dans Belfius, mais la dette nette, qui constitue le patrimoine de l’Etat, c’est-à-dire les actifs moins les dettes, resterait entièrement inchangée.

    Nous n’avons dès lors absolument aucun intérêt à ce que cette vente, même partielle, se produise.

    Si j’apprécie que Monsieur le Ministre a été porter ce dossier au niveau du comité de concertation, je ne suis pas satisfait du résultat et je crains que sa conviction n’ait pas été la plus démonstrative auprès de ses collègues fédéraux.

    Je voudrais ici l'entendre sur le déroulement du comité de concertation et comment le Fédéral a été amené à totalement ignorer les revendications de la Région wallonne. Quelle est désormais sa stratégie pour atteindre les objectifs de la résolution adoptée en plénière 13 avril 2016  ?
  • Réponse du 04/07/2017
    • de LACROIX Christophe

    Comme l'honorable membre, je suis interpellé par l’avenir de Belfius et conscient des conséquences négatives potentielles qu’engendrerait une privatisation.

    Ainsi, suite à la résolution déposée au Parlement de Wallonie en avril 2016, mes collègues (Paul Furlan et Paul Magnette) et moi-même avions envoyé un courrier au premier Ministre. Nous souhaitions de la sorte obtenir des informations plus précises sur la privatisation de Belfius annoncée dans les différents médias et, à cette occasion, nous avions déjà transmis la résolution, en relayant les craintes de la Wallonie.

    En septembre dernier, le Premier Ministre nous répondait par un accusé de réception, nous indiquant qu’il ne manquerait pas de lire avec attention la résolution du Parlement de Wallonie.
    C’est alors que l’annonce de Johan Van Overtveldt dans le journal de l’Écho, en février 2017, démontrait que les choses semblaient s’accélérer concernant une privatisation de Belfius.

    De nouveau, suite à cet article, deux courriers ont été envoyés fin mars 2017, l’un adressé au Premier-Ministre pour réitérer nos interrogations et le second au Ministre des Finances afin de connaître les intentions réelles du Gouvernement fédéral. Il s’agissait évidemment de connaitre, au sein d’un débat entre ministres des différentes entités, et non par l’intermédiaire des médias, le devenir d’un des plus grands organismes financiers de notre pays. Il s’agissait également de communiquer, à nouveau, les craintes de la Wallonie et de relayer les conséquences que cette privatisation aurait sur les relations financières entre Belfius et les pouvoirs locaux.

    Le vendredi 14 avril, sourds aux revendications wallonnes et à leur légitime interrogation, nous apprenions de nouveau, par voie de presse que le Comité de Direction et le CA de Belfius travaillaient sur une privatisation d’au moins 30 % de la banque.

    Parties de nos inquiétudes sont également relayées par les experts qui, dans la presse du jeudi 27 avril 2017, estiment que le timing pour une vente de Belfius est loin d’être pertinent.

    Les économistes s’interrogent sur le bien-fondé de cette vente sachant que depuis 2015, Belfius verse des dividendes dont le rendement annuel avoisine les 5,4 % soit un taux largement supérieur au taux d’intérêt implicite de sa dette brute (2,5 % en 2016). Le bénéfice one-shot provoqué par la vente de Belfius et destiné à réduire son endettement induirait, l'honorable membre l’a compris, un différentiel d’intérêt pénalisant l’État fédéral et donc, entendons, de sa population.

    Le 4 mai dernier, le Gouvernement fédéral a annoncé sa décision de vendre 25 % de sa participation dans BNP pour un montant de 2,03 milliards d’euros. La participation de l'État belge passe de la sorte de 10,3 % à 7,8 %. La vente totale de ces actions aurait eu un plus faible impact pour les pouvoirs locaux, puisque l’État n’y a aucun contrôle à perdre.

    La privatisation partage les économistes, chercheurs, financiers et syndicalistes qui ont été sondés par Le Soir. Une plateforme citoyenne « Belfius est à nous » a même été créée.
    Apparemment, le conseil d‘administration de la banque a voté à l’unanimité en faveur d’une introduction sur les marchés d’un maximum de 49,9 % du capital, ce qui est un scénario qui garantit un ancrage belge. Toutefois, l’ouverture du capital de Belfius pourrait entraîner une dilution de sa participation majoritaire en cas de tentative d’OPA…

    Suite à ces différents articles et en l’absence de réponse du Gouvernement fédéral dans la quinzaine, le Ministre-Président, le Ministre des Pouvoirs locaux et moi-même avons proposé au Gouvernement wallon une saisine du comité de concertation, en insistant sur la nécessité d’intégrer les régions dans le processus décisionnel de cette éventuelle privatisation.

    Lors du dernier Comité de Concertation, nous avons souhaité qu’un Groupe de travail composé des représentants des entités fédérées et du Gouvernement Fédéral soit mis en place. Cette demande, appuyée par Paul Magnette et moi-même, a été relayée avec beaucoup d’ardeur et de conviction par mon collègue Pierre-Yves Dermagne, contrairement à ce que pense l'honorable membre.

    À cette demande légitime, il nous a été rétorqué par le Gouvernement fédéral qui détient 100 % des actions de Belfius, qu’il n’y avait aucune raison objective de créer un groupe de travail reprenant les régions. Le Gouvernement flamand a choisi de soutenir les arguments fédéraux.

    Il nous a été indiqué que si des discussions étaient bien en cours au sein du Conseil d’Administration de Belfius et avec le SFPI, le projet n’est pas encore à un stade très avancé et, pour des raisons de confidentialité, il n’est pas prévu d’en dire davantage à ce sujet.

    Au-delà du portefeuille d’actions que détient le fédéral, il semble oublier le rôle joué par Belfius au niveau des différentes entités et au niveau des pouvoirs locaux. Le débat, la discussion, l’échange de point de vue, au-delà d’une simple prise de participation, mais avec la conscience des enjeux sur le paysage de notre pays, de notre région, de nos provinces, de nos villes et de nos communes, devaient intervenir. Le fédéral a choisi de refuser le dialogue, alors, que l'honorable membre me donne la solution pour porter en débat une discussion que son interlocuteur refuse de tenir.

    Il nous restait alors la possibilité de lancer le débat, là où le fédéral ne pourrait se soustraire. C’est ainsi que le groupe PS a déposé, à la Chambre, une proposition de résolution. Cette proposition de résolution vise à conserver Belfius comme banque publique détenue à 100 % par l’état belge. Le groupe Écolo a d’ailleurs suivi le mouvement en déposant également une résolution en ce sens.

    À ce stade, la Wallonie ne peut envisager de participation à l’actionnariat. En effet, les montants (fin 2016, les fonds propres de Belfius s’élevaient à plus de 9 milliards d’euros) à mobiliser sont bien trop importants, ils impacteraient la dette et de facto, la notation financière de la Région.

    Le débat suscite de nombreuses interrogations et est loin d’être clos.