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La consommation de drogues en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 1189 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 11/07/2017
    • de GALANT Jacqueline
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Comme Monsieur le Ministre le sait, la consommation de drogues reste un défi majeur pour nos sociétés occidentales. En effet, plus de 93 millions d’Européens (des personnes âgées de 15 à 64 ans) en ont déjà consommé.

    Deux nouveaux phénomènes inquiètent : l’augmentation du nombre de décès par surdose de drogue et l’exposition à de nombreuses drogues nouvelles.

    Certains rapports soulignent l’augmentation grave et préoccupante du nombre de décès par surdose dans les 28 Etats membres, elle concerne toutes les tranches d’âge. De nouvelles substances comme les drogues de synthèse font également des ravages (overdoses, intoxication, etc.) chez les jeunes, l’Union européenne en a détecté 66 nouvelles en 2016.

    Quels sont les chiffres liés aux overdoses pour la Wallonie en 2016  ? Quelles nouvelles substances ont-elles été répertoriées en Wallonie pour 2016 et 2017 ? Sont-elles liées à des décès  ? Quelles sont les actions engagées pour lutter contre l’apparition de nouvelles drogues ?
  • Réponse du 25/07/2017
    • de PREVOT Maxime

    D’après l’Observatoire européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT), les décès par overdose sont effectivement en augmentation dans de nombreux pays européens, en particulier les décès impliquant un usage d’opioïdes. L’héroïne ou, dans une moindre mesure, la méthadone sont les produits les plus souvent impliqués ainsi que des opioïdes de synthèse tels que le fentanyl.

    En Wallonie, comme dans la plupart des pays, les décès liés à l’usage de drogues illégales sont quantifiés sur base de l’enregistrement des déclarations de décès. Les décès dont la cause initiale est un usage de drogue(s) sont, en grande partie, la conséquence d’une overdose, mais pas exclusivement, car ils sont aussi parfois imputables à des troubles mentaux ou comportementaux induits par la consommation de ces produits. Pour les cas d’overdose, l’examen toxicologique met le plus souvent en évidence dans le sang de la victime la présence d’opioïdes (généralement héroïne, méthadone ou autre opioïde de synthèse), isolément ou en association avec d’autres produits. L'alcool est souvent retrouvé en cas d'overdose aux opioïdes.

    D’après cet enregistrement, on n’observe pas d’augmentation du nombre de décès par overdose sur le territoire wallon, et la tendance semble même être à la diminution.

    Néanmoins, ce constat doit être tempéré pour les raisons suivantes :
    a) Cet enregistrement n’est pas effectué en temps réel, de sorte que l’on est forcément contraint d’observer la mortalité survenue il y a plusieurs années. Ce registre ne permet donc pas d’identifier rapidement les phénomènes émergents d’intoxications létales. Les analyses n’ont à ce jour porté que jusqu’à l’année 2013 incluse.
    b) En matière d’identification des causes pharmacologiques de décès, on ne trouve que ce que l’on cherche. Des examens toxicologiques ne sont probablement pas systématiquement entrepris lors de la survenue de décès liés aux drogues, ce qui entraîne une sous-estimation de la problématique. En outre, les analyses toxicologiques ne permettent pas toujours d’identifier les nouvelles drogues de synthèse, car celles-ci ne sont pas systématiquement recherchées lors des analyses.
    c) La classification internationale ICD-10 ne prévoit pas actuellement de codes spécifiques pour notifier les décès liés aux nouveaux produits de synthèse.

    Quelles nouvelles substances ont été répertoriées en Wallonie pour 2016 et 2017 ? Sont-elles liées à des décès ?

    L’identification des produits en circulation sur le territoire belge est assurée par le système d’alerte précoce (Early warning system), coordonné, au niveau européen, par l’OEDT et, au niveau national, par le WIV-ISP, auquel contribue l’association Eurotox en Wallonie et à Bruxelles (pour la partie francophone du pays). Le nombre de molécules découvertes pour la première fois en 2016 en Belgique ne nous a pas encore été communiqué, mais nous savons qu’en 2016, un total de 107 nouveaux produits de synthèse ont été détectés sur le territoire belge. Il s’agit principalement de cathinones et de cannabinoïdes. Ce nombre élevé de nouveaux produits en circulation s’explique par le fait qu’ils sont facilement accessibles sur Internet et peuvent aussi parfois circuler sur le marché noir.
    Le nombre de décès liés à ces substances enregistré par le système d’alerte précoce est relativement peu élevé (quelques cas par an), mais il est clairement sous-estimé, d’une part, parce que le registre de la mortalité ne prévoit pas actuellement de pouvoir les monitorer (voir plus haut) et, d’autre part, parce que les laboratoires toxicologiques ne communiquent pas systématiquement au système d’alerte précoce les résultats des prélèvements biologiques. Toutefois, une modification de la loi a été effectuée en 2014 afin que les laboratoires ne puissent plus se réfugier derrière le secret d’instruction pour ne pas transmettre les informations utiles en santé publique. Il est également nécessaire de relier le système d’alerte précoce au monitoring des urgences hospitalières afin de pouvoir surveiller de manière systématique les intoxications liées aux nouveaux produits. Un travail en ce sens est prévu à l’ISP en collaboration avec Eurotox et le VAD en Flandre.

    Quelles sont les actions engagées pour lutter contre l’apparition de nouvelles drogues?

    Au niveau national, la loi de 1921 sur les drogues a été modifiée en 2014 afin de prévoir la possibilité d’interdire des groupes de molécules sur base de structures moléculaires génériques. Les arrêtés d’application n’ont toutefois pas encore été publiés, ce qui rend cette loi inopérante en l’état. On est toutefois en droit de penser que cette loi aura peu d’impact sur la disponibilité des produits, et permettra essentiellement d’engager des poursuites pénales.

    S’il est difficile de lutter efficacement contre l’apparition des nouveaux produits de synthèse, différentes actions sont menées afin d’en réduire l’impact socio-sanitaire et ce, à différents niveaux :
    a) Le système d’alerte précoce, en plus de son intérêt pour monitorer les produits en circulation, est utilisé afin d’informer les travailleurs de terrain et les usagers de drogues de la circulation de nouvelles substances potentiellement dangereuses, d’échantillons de drogues connues hautement dosés en principe(s) actif(s), ou encore de la présence de produits de coupe présentant un risque important sur le plan sanitaire. Concrètement, Eurotox adapte les messages d’alertes émis par le WIV-ISP afin de les présenter sous un format A4 imprimable qui contient toutes les informations disponibles permettant d’identifier le produit (description, photo, signes distinctifs éventuels) et décrivant les effets et risques associés. Les alertes sont en outre complétées par une série de conseils de réduction des risques ainsi que par des renseignements utiles (numéro de téléphone des urgences, etc.). Les alertes diffusées par Eurotox sont transmises à une mailing liste de plus de 500 intervenants actifs en Wallonie ou à Bruxelles et elles circulent également sur les réseaux sociaux, sur différents sites Internet et sur certains forums d’usagers. Elles sont également diffusées en milieu festif via Modus Vivendi et d’autres intervenants wallons et sont aussi reprises par les partenaires du label Quality Nights. Modus Vivendi, Eurotox et de nombreux partenaires sont subventionnés par la Wallonie.
    b) Eurotox a publié en 2015 un livret thématique sur les nouvelles drogues de synthèse. Il a été largement diffusé auprès des intervenants de 1ere et 2e lignes de manière à leur fournir une information claire, digeste et utile sur cette problématique. Il présente les dernières informations disponibles en abordant les aspects épidémiologiques, législatifs, sociologiques, sanitaires, ainsi que les différentes réponses données aux niveaux belge et international. Eurotox assure aussi, à la demande, des conférences sur cette thématique à destination de publics variés (intervenants spécialisés en assuétudes, intervenants communaux, intervenants scolaires, médecins généralistes, etc.). Depuis 2015, quatre interventions de ce type ont été organisées en Wallonie.
    c) Des flyers spécifiques sur certains nouveaux produits de synthèse particulièrement dangereux sont réalisés et diffusés par Modus Vivendi et ses partenaires, notamment en milieu festif, afin d’outiller les usagers (information sur les produits, conseils de réduction des risques, etc.).
    d) Une étude financée par la Politique scientifique fédérale est actuellement en cours sur cette thématique, en collaboration avec Eurotox et Modus Vivendi. Il est notamment prévu d’analyser des échantillons de nouveaux produits de synthèse achetés par des usagers afin d’en déterminer la composition et la dangerosité. Les usagers seront interrogés via un questionnaire et lors de focus group afin de mieux cerner la problématique et les besoins. Il est également nécessaire de mieux monitorer la consommation des produits de ce type, car les informations épidémiologiques sont actuellement peu nombreuses et faiblement documentées. Ceci pose la question de l’utilité, voire de la nécessité, de développer le testing à destination des usagers en Wallonie.


    Par ailleurs, j'ai été informé dernièrement par l'ASBL Modus vivendi d'un risque lié à la diffusion en Belgique de Fentanyl, un opioïde de synthèse, 40 fois plus puissant que l'héroïne et impliqué à l'étranger dans de nombreuses overdoses mortelles. Mon Cabinet ainsi que celui de la COCOF ont informé la Cellule politique de Santé en matière de Drogues (qui dépend de la Cellule générale de politique en matière de drogues) de ce problème en communiquant le rapport de Modus vivendi sur le sujet. Lors de cette réunion, j'ai également demandé au SPF Santé public d'examiner la proposition de Modus vivendi de pouvoir sensibiliser les services d'urgences des hôpitaux à la nécessité de participer au système d'alerte précoce en cas d'overdose. Je continuerai à suivre attentivement ce dossier et à veiller à ce qu'il soit discuté dans la Cellule générale.

    On le voit, la Wallonie a plusieurs outils en matière de détection de nouvelles drogues. Les ASBL que je subventionne à ce niveau s'informent de la situation dans les autres pays, notamment via l'OEDT, l'Observatoire des drogues et des toxicomanies de l'Union européenne.

    Cependant, mon action se limite à l'information et à la prise en charge des usagers de substances psychoactives. La lutte contre l'émergence des drogues de synthèse n'est en effet pas de mon ressort. À ce niveau cependant, je reste informé de certaines actions du Gouvernement fédéral dans le cadre de ma participation à la Réunion Thématique Drogues de la Conférence interministérielle de Santé publique. Les thèmes abordés lors de cette réunion thématique sont alimentés par la Cellule générale de politique en matière de drogues.