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La lutte contre les logements inoccupés

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 297 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 24/04/2018
    • de BAURAIN Pascal
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    La plupart des villes et communes wallonnes appliquent une taxe communale sur les immeubles inoccupés.

    Cette taxe est applicable à tout propriétaire d'immeuble n'hébergeant aucune inscription de domicile à l'adresse dudit immeuble.

    Sachant que cette taxe s'applique à tout immeuble inoccupé en date du 1er janvier de l'année de l'exercice concerné, mes questions sont les suivantes :

    Ce type de taxe s'applique-t-il aux SLSP, AIS, régies et autres propriétaires de logements immobiliers publics ?

    Dans la négative, n'y aurait-il pas discrimination entre propriétaires privés et propriétaires publics, face à l'impôt ?

    A l'inverse, si ce type de taxe s'applique bien aux SLSP, AIS, régies... ne s'applique-t-elle que pour les immeubles inoccupés de longue durée ou également aux immeubles publics inoccupés brièvement, le temps de la réattribution du logement à de nouveaux occupants ?
  • Réponse du 03/05/2018
    • de DE BUE Valérie
    La question relative à l’applicabilité de la taxe sur les immeubles inoccupés, aux sociétés de logement ou AIS est fort intéressante et a maintes fois été abordée devant les Cours et Tribunaux.

    Je rappelle à ce sujet que la circulaire annuelle relative à l’élaboration des budgets des communes reprend, depuis plusieurs années, un large commentaire de la problématique, lequel est libellé comme suit :
    « 3.7. Exonération en faveur des bâtiments publics
    L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Mons le 27 avril 2012 dans l'affaire qui mettait en cause la taxe sur les immeubles inoccupés de la ville de Charleroi mérite une attention particulière.
    Ce règlement-taxe qui prévoyait une exonération, sans restriction, de la taxe sur les immeubles inoccupés en faveur des personnes morales de droit public a été déclaré illégal par le juge.
    Il faut cependant être prudent dans l'analyse qui en a été faite dans la presse et ne pas en tirer des conclusions trop hâtives.
    Quels sont en réalité les enseignements à tirer de cet arrêt ?
    1° Il est primordial de motiver dans le préambule du règlement-taxe ou dans le dossier administratif relatif à l'élaboration dudit règlement les motifs qui justifient son adoption et ceux qui justifient tout traitement différencié.
    En l'occurrence, le préambule du règlement-taxe litigieux ne visait que la situation financière de la ville, et celle-ci n'a pas produit le dossier administratif relatif à l'élaboration dudit règlement. Il n'a dès lors pas été possible au juge de vérifier si c'est pour des motifs compatibles avec le principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant l'impôt que l'exonération, sans restriction, en faveur des personnes morales de droit public de la taxe sur les immeubles bâtis inoccupés a été adoptée. Pour rappel, ce principe d'égalité - inscrit aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution - implique que tous ceux qui se trouvent dans une même situation soient traités de la même manière, mais n'exclut pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable.
    Ce point a été confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2014 statuant sur le recours - et le rejetant - introduit par la Ville de Charleroi contre l’arrêt susvisé de la Cour d’appel de Mons.
    2° La Cour n'a pas déclaré qu'il était interdit de prévoir des exonérations dans un règlement-taxe. Ainsi, même une exonération, sans restriction en faveur des personnes morales de droit public - comme celle établie par la ville de Charleroi - est possible à la condition que les raisons qui la justifient soient expliquées dans le préambule ou le dossier administratif du règlement et que celles-ci reposent sur des critères objectifs et en rapport avec le but et la nature de l'impôt.
    Toute autre façon de procéder entraînerait l'illégalité de la taxe concernée et donc sa non-approbation.
    À ce titre, rappelons que dans son arrêt du 27 juin 2014 mettant en cause U-2000 et la commune d’Uccle relativement à la taxe sur les immeubles inachevés, partiellement ou totalement inoccupés, inexploités ou laissés à l’abandon, la Cour de cassation a considéré que les personnes morales de droit public se distinguent des personnes morales de droit privé en ce qu’elles n’ont que des missions de service public et ne doivent servir que l’intérêt général et que les personnes morales de droit public ne peuvent donc pas servir des intérêts purement égoïstes en exerçant de la spéculation foncière. De ce fait, exonérer les personnes morales de droit public de la taxe au motif repris ci-dessus n’est pas discriminatoire.
    3° la Cour a aussi rappelé que les biens du domaine public et ceux du domaine privé de l'État entièrement affectés à un service d'utilité générale ne sont pas soumis à l'impôt (Cass. 14 juin 1960, pas.1060, I, 1184).
    Il y a lieu ici de souligner que la Cour a fait - à juste titre - la différence entre une exonération et le fait de ne pas être soumis à l'impôt. Ce faisant, on en déduit que pour elle, il n'y a pas de principe général de droit qui octroie une exonération en faveur des bâtiments publics, mais que de par la notion juridique de l'impôt ces biens ne sont pas taxables. On ne peut, en effet, que partager ce raisonnement puisque l'impôt frappant en principe les ressources des personnes de droit privé ou de droit public, celui-ci ne peut frapper que les biens productifs de jouissance par eux-mêmes. Il ne peut donc atteindre les biens du domaine public ou les biens appartenant au domaine privé de l'État, la Région, la Communauté, la province ou la commune affectés à un service d'utilité publique (même si des recettes sont perçues en rémunération du service public). Cet état de fait ne relève donc pas d'une exonération (on exonère que ce qui est soumis à la taxe), mais du fait qu'ils ne sont pas visés par la notion même de l'impôt.
    Enfin, il convient encore de rappeler qu’il n’existe aucun principe juridique en vertu duquel une autorité ne pourrait pas se taxer elle-même. Le fait que se taxer soi-même aboutit dans la pratique à une opération neutre ne constitue pas une raison pour qu’il faille exempter d’autres sujets de droit de la taxe et ne peut pas non plus justifier une telle exemption.
    Il n’existe en outre aucune disposition législative ou décrétale en vertu desquelles les communes devraient être exemptées d’une telle taxe. Le principe de l’immunité fiscale de l’autorité ne peut pas non plus être invoqué, étant donné que ce principe ne vaut que pour les biens du domaine public ou pour des biens du domaine privé qui sont utilisés pour le service public.
    Voici deux exemples qui étayent le fait que le principe en vertu duquel une autorité ne pourrait pas se taxer elle-même n’existe pas :
    - La raison pour laquelle l’exonération des droits de condamnation a été prévue à l’art. 161,1 bis du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe (art 169 de la loi du 22 décembre 1989 portant des dispositions fiscales) est de mettre fin à la situation selon laquelle l’État, créancier des droits dus sur les arrêts et jugements, se réclame à lui-même les droits d’enregistrement.
    - L’article 220 du CIR92 est une autre hypothèse où l’État se taxe lui-même. En effet, par cet article, le législateur fédéral assujettit à l’impôt des personnes morales l’État, les Communautés, les Régions, les Provinces, les agglomérations, les fédérations de communes, les communes, les centres publics intercommunaux d’action sociale, les établissements cultuels publics, ainsi que les polders et wateringues. »


    En ce qui concerne la question relative aux inoccupations de courte durée, je rappelle que (comme cela est aussi expliqué dans la circulaire budgétaire) le fait générateur de la taxe est le maintien en l'état d'un immeuble inoccupé ou délabré qui a fait l'objet d'un constat établi et notifié. La première taxation n'est ainsi valablement établie qu'au 2e constat qui doit être distant du 1er constat d'une période minimale de 6 mois. En outre, si les 2 constats sont établis sur 2 exercices différents, la taxe est due uniquement pour l'exercice au cours duquel le 2e constat (qui est le fait générateur de la taxe) est établi.

    Il faut donc qu’il y ait au moins 2 constats, distants d’au moins 6 mois pour que la taxe soit due la 1re fois. Il faut savoir également que le constat est notifié par voie recommandée au titulaire du droit réel de jouissance (propriétaire, usufruitier, …) sur tout ou partie de l'immeuble dans les trente jours ; que le titulaire du droit réel de jouissance sur tout ou partie de l'immeuble peut apporter, par écrit, la preuve que l’immeuble a effectivement servi de logement ou de lieu d'exercice d'activités de nature industrielle, artisanale, agricole, horticole, commerciale, sociale, culturelle ou de services dans un délai de trente jours à dater de la notification. Si cette preuve est apportée, le bien ne rentrera donc pas dans le champ d’application de la taxe.