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La pollution des lacs de l'Eau d'Heure.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2005
  • N° : 47 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 02/12/2005
    • de DETHIER-NEUMANN Monika
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Il me revient de plusieurs sources que le lac de la Platte Taille, dans le complexe des lacs de l'Eau d'Heure, est de plus en plus touché par le phénomène d'eutrophisation, entraînant dans les faits une dégradation de la qualité de l'eau et de la biodiversité de la faune et de la flore de ce lac.

    La sensibilité de cette grande masse d'eau à ce phénomène est connue et a déjà été mise en évidence, notamment lors de l'étude d'incidences préalable à l'implantation de la station touristique, au point d'imposer le pompage des eaux usées de cette station vers une station d'épuration située en dehors du bassin versant du barrage de la Platte Taille.

    Monsieur le Ministre peut-il me confirmer cette tendance à l'eutrophisation et me donner les résultats des analyses physico-chimiques et biologiques menées sur ce site depuis les cinq dernières années ? Si cette tendance se confirme, Monsieur le Ministre peut-il me faire savoir si les causes en ont été recherchées et si l'état des différentes sources de nuisances potentielles (qualité du réseau d'égouttage, intensité des épandages d'engrais sur les terres agricoles, insuffisance du traitement des eaux usées qui s'y déversent quand même, arrêt des pompages pour la production électrique aux heures de pointe) a été examiné ? Si oui, quelles sont les mesures prises pour remédier à cette situation ?

    Complémentairement, Monsieur le Ministre peut-il me faire un état de la situation des autres lacs de ce complexe et m'en transmettre, pour
    les cinq années passées, l'évolution des paramètres analysés ?
  • Réponse du 27/12/2005
    • de LUTGEN Benoît

    Les lacs de l'Eau d'Heure ont fait récemment l'objet d'une étude approfondie intitulée « Schéma directeur intégré pour la préservation de la qualité de l'eau et la valorisation écologique des lacs de l'Eau d'Heure dans le cadre du développement touristique et biologique du site ». Ce projet s'est déroulé de 2002 à 2004 et a été cofinancé par l'Union européenne (Feder) et la Région wallonne dans le cadre du phasing out de l'Objectif 1 Hainaut. Il a été mené par Igretec en partenariat avec les Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix et l'Université de Liège (en partenariat avec la FUSAGx).

    Avant de détailler les résultats de cette étude, il faut mentionner la création d'un groupe de travail « Eau d'Heure » à l'initiative du contrat de rivière Sambre et affluents. Ce groupe de travail sera spécifiquement destiné à aborder des projets et des problématiques associés au bassin versant de l'Eau d'Heure, en ce compris le complexe des lacs de l'Eau d'Heure. Pratiquement les aspects suivants seront abordés :

    - qualité des eaux ;
    - aspects hydrauliques ;
    - environnement, tourisme, aménagement du territoire ;
    - Eau d'Heure.

    Il faut également mentionner le contrôle des lacs en 2006 (quatre campagnes de mesures programmées par la DGRNE et analyses réalisées par l'ISSeP) et l'incorporation de ceux-ci dans le réseau de mesure permanent de la Région dès 2007.

    En ce qui concerne l'étude menée au niveau du lac de la Plate Taille, elle a abouti aux conclusions suivantes :

    « La qualité de l'eau au lac de la Plate Taille est bonne, celui-ci étant presque exclusivement alimenté par pompage à partir du lac de l'Eau d'Heure, les apports extérieurs en substances organiques y sont extrêmement limités. Les échanges constants entre les deux barrages (Eau d'Heure et Plate Taille) permettent une bonne oxygénation et une homogénéisation permanente de toute la colonne d'eau. En fonction des paramètres analysés, le lac de la Plate Taille peut être classé comme oligo-mésotrophe. Pour un lac artificiel de ce type, ce niveau de qualité peut être considéré comme bon.

    Le développement du « village de l'Eau d'Heure », situé sur la rive nord du lac, ne devrait pas poser de problème au niveau de la qualité de l'eau car les eaux usées sont traitées par une station d'épuration dont le rejet s'effectue en dehors du bassin versant. Il faudra cependant s'assurer que le système de collecte (réseau séparatif) reste performant dans le futur.

    Par contre, l'éventuelle installation d'un terrain de golf ne pourrait avoir des conséquences néfastes que si la fertilisation et l'irrigation ne sont pas conduites de manière appropriée. Ainsi, toute démarche devrait être précédée d'une évaluation des incidences sur le milieu naturel et des règles strictes devront être imposées quant à l'emploi de produits fertilisants.

    Comme tout habitat aquatique, le système est très fragile et sensible aux pressions externes. Il faut donc veiller à préserver ce patrimoine, en conciliant les activités récréatives et la protection de l'environnement.

    Une bande riveraine herbacée ou boisée de minimum 5 à 10 mètres de largeur doit être soit maintenue, soit créée pour jouer un rôle « tampon » entre le milieu terrestre et le milieu aquatique. ».

    Concernant la qualité des autres lacs, les résultats extraits de l'étude sont les suivants :

    « Le lac de l'Eau d'Heure reçoit les eaux des trois pré-barrages (Féronval, Falemprise et Ry Jaune) et, ponctuellement, celles du lac de la Plate Taille et de quelques petits ruisseaux. La qualité de l'eau du lac de l'Eau d'Heure est donc fortement influencée par les pré-barrages. Toutefois, ceux-ci jouent un rôle de bassin de décantation, ce qui explique un meilleur état des eaux et du milieu au lac de l'Eau d'Heure. Ce lac peut être considéré comme mésotropphe (…) ;

    (…) Les concentrations en azote et en phosphore restent néanmoins élevées, mais ce sont les macrophytes qui en profitent le plus, stockant ces nutriments en période de développement (printemps et été).

    (…) Le lac de l'Eau d'Heure ne présente jamais une véritable stratification, ce qui permet une oxygénation de toutes la colonne d'eau. Ceci augmente considérablement l'espace vital pour de nombreux organismes (poissons, mollusques, invertébrés, …) » (…) ;

    (…) Le pré-barrage de Falemprise est alimenté par le ruisseau de Soumoy et l'Eau d'Heure dont le débit est relativement important, ce qui, allié à une faible profondeur, réduit significativement le temps de séjour de l'eau dans ce pré-barrage. Toutefois, ceci n'est pas suffisant pour empêcher d'importants développements massifs d'algues, notamment en période de basses eaux (…) ;

    (…) Dans un contexte d'utilisation touristique et récréative de ce plan d'eau, ces développements algaux doivent être maîtrisés (…) ;

    (…) Les stations d'épuration situées à quelques centaines de mètres en amont du lac, sur le ruisseau de Soumoy (1.000 EH) et sur l'Eau d'Heure à Cerfontaine (5.000 EH), sont encore insuffisants pour maintenir une qualité d'eau acceptable. En effet, les réseaux de collecte reprennent des eaux parasites qui ne permettent pas actuellement de dépasser un rendement de 60 % en phosphore (…) ;

    (…) La mise en fonctionnement de la station d'épuration de Senzelle a été réalisée après les campagnes de mesures (…) , mais les simulations réalisées montrent qu'elle devrait avoir un impact nettement positif sur la qualité de l'eau du lac (…);

    (…) Actuellement, le niveau de pollution organique dans cette masse d'eau est très élevé, ce qui est lié au caractère eutrophe à hyper-eutrophe de ce lac. L'amélioration de la qualité de l'eau représente une priorité. Le taux d'abattement du phosphore à la sortie des stations d'épuration doit donc être maximisé (…) ;

    (…) Pour ce faire, l'assainissement doit être fiable sur toute la chaîne, depuis les raccordements des égouts au niveau de la collecte des eaux usées jusqu'à la station d'épuration. Le réseau de collecte doit être diagnostiqué et amélioré : contrôle des raccordements particuliers et de l'étanchéité des canalisations, déviation des eaux parasites, calibrage adéquat des déversoirs d'orage, etc. Le traitement tertiaire au niveau des stations doit être obligatoire et doit fonctionner le plus efficacement possible. Si de nouvelles canalisations doivent être posées dans le futur, un réseau de type séparatif devrait être privilégié.

    Les résultats montrent également une dégradation de la qualité de l'eau au lac du Ry Jaune, par rapport à la dernière étude réalisée par Dehavay en 1981 où il était décrit comme mésotrophe (…).

    (…) Ce lac est en plein processus de dégradation, (…) ;

    (…) Ce lac serait plutôt classifié comme méso-eutrophe à présent. Le fort développement de macrophytes et d'algues filamenteuses qui y sont fixées témoigne de l'abondance en nutriments. Ce lac de pré-barrage est alimenté par le ruisseau du Ry Jaune dont le bassin versant est essentiellement boisé. Il n'y a donc apparemment pas d'apports résultant d'activités agricoles, industrielles ou urbaines. On peut émette l'hypothèse d'un vieillissement naturel du lac. Les importants développements d'algues et leur impact sur la transparence de l'eau sont à prendre en considération, notamment par rapport à l'objectif de qualité d'eau de baignade assigné à ce plan d'eau.

    Le pré-barrage de Féronval présente de graves problèmes d'eutrophisation qui peuvent compromettre sérieusement les utilisations souhaitées, notamment la baignade récréative (…) ;

    (…) Ces problèmes trouvent en grande partie leur origine dans la gestion des eaux usées domestiques. A ce jour, le village d'Erpion n'est toujours pas épuré. A Boussu-lez-Walcourt, l'égouttage n'est pas complètement finalisé. Par ailleurs, la station de pompage de Boussu-lez-Walcourt, qui transfère les eaux usées du village vers un autre bassin versant, effectue des déversements ponctuels dans le lac, lorsque la capacité de pompage est dépassée par temps d'orage. La SPGE a pris en compte ces problèmes dans son programme d'investissements 2000-2004. Ce programme est en cours de réalisation. Enfin, le rejet de la station d'épuration de la Plate Taille qui, à terme, devrait se faire dans le bassin de la Hantes, s'effectue toujours actuellement dans le ruisseau d'Erpion. Si cela perdurait, cela pourrait devenir très problématique dans le futur suite au développement du village de l'Eau d'Heure (…) ;

    (…) Les teneurs élevées en phosphore et en composés azotés sont à l'origine de concentrations algales très importantes, qui contribuent à une très faible transparence des eaux. Tous les indicateurs justifient la classification de ce lac comme hyper-eutrophe (…) ;

    (…) En période estivale, les eaux profondes (+ de 4 mètres) sont déficitaires en oxygène, ce qui réduit significativement l'espace vital pour les poissons. Par contre, ces conditions anoxiques favorisent la dégradation anaérobie des matières organiques, provoquant des odeurs désagréables (…) ;

    (…) Des actions visant à améliorer la qualité de l'eau du lac de Féronval doivent être menées en priorité. Ce travail est déjà bien entamé car la construction de la station d'épuration d'Erpion est prévue pour les prochains mois et d'importants travaux d'égouttage sont programmés. Des efforts devront cependant encore être effectués au niveau de l'amélioration du réseau de collecte existant, afin de récupérer le maximum de charge à traiter dans les stations d'épuration et d'éviter les rejets directs par les déversoirs d'orage. L'égouttage séparatif devrait être privilégié pour les travaux d'assainissement futurs (…) ;

    (…) Enfin, il est absolument nécessaire de déplacer le rejet de la station d'épuration de la Plate Taille hors du bassin versant du lac de Féronval. Si le rejet vers le bassin de la Hantes s'avérait finalement impossible, une autre solution devrait absolument être trouvée (rejet « direct » dans le lac de l'Eau d'Heure ?) (…).

    Toutefois, on peut s'attendre à une lente restauration. En effet, le phosphore s'est accumulé dans les sédiments au cours des années et va contribuer à entretenir l'eutrophisation ».

    Il revient à la commune de définir des actions en ce qui concerne l'égouttage. L'intercommunale d'épuration pourra également présenter les solutions techniques à apporter à la SPGE pour les problématiques liées aux stations d'épuration. Je compte prendre des contacts dans ce sens avec les intervenants concernés.