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Les enjeux climatiques et la politique des aéroports en Région wallonne

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 141 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 11/02/2019
    • de BALTUS-MÖRES Jenny
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Climatiquement et économiquement parlant, nous sommes dans une période décisive en ce qui concerne l’état du monde et de la Région wallonne. D’une part, si nous voulons conserver une chance de ne pas franchir la hausse fatidique de 1,5°C d’ici la fin du siècle, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent atteindre leur pic d’ici la fin 2020 selon de nombreux rapports. D’autre part, dans le domaine économique, si la Région wallonne veut rattraper le peloton de tête, nous devons continuer nos progrès pour une Wallonie plus forte, notamment avec le développement de nos aéroports. Nous devons faire dès lors attention afin que cet équilibre ne se transforme pas en dilemme.

    Les projets ne manquent pas quant au développement des aéroports de Liège et de Charleroi. Une des pistes de Charleroi va être allongée pour pouvoir atteindre des horizons plus lointains et l’aéroport de Liège attire de grandes entreprises avec, par exemple, l’arrivée d’Alibaba. Toutefois, nous devons être conscients de l’impact écologique et climatique que cela représente. Agir est indispensable et cela doit se réaliser en tant qu’opportunité et non dans une dimension punitive.

    Cependant, le temps s’égrène plus vite que prévu. En effet, le World Ressources Institute a adressé un avertissement sérieux au domaine de l’aviation dans sa globalité. Si une baisse de l’intensité énergétique de 4,5 % a été constatée entre 2013 et 2015, les scientifiques de cet institut préconisent une baisse de 20 % d’ici à 2020.

    Monsieur le Ministre connaît-il les tendances sur l’impact énergétique et climatique de nos aéroports ?

    Considère-t-il qu’ils vont dans le bon sens ?

    Voit-il des mesures supplémentaires à prendre qui n’impacteraient pas l’activité économique régionale ?

    A-t-il des objectifs en particulier ?
  • Réponse du 28/02/2019
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Je voudrais distinguer deux grandes ambitions qui sont les miennes, celle de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion du kérosène et celle de rendre les aéroports wallons neutres en carbone le plus rapidement possible.

    En ce qui concerne cette deuxième ambition, je peux confirmer à l’honorable membre que nos aéroports wallons ont déjà réalisé quelques belles avancées en matière de réduction de leur empreinte carbone.

    Liege Airport s’est inscrit dans le programme « Airport Carbon Accreditation » mis en place par la Commission européenne et l’ACI Europe (Airport Council International) au sein duquel Liege Airport est certifié depuis 2018 au niveau 2 « reduction ». L’ambition de Liege Airport est, progressivement, de monter de niveau dont l’ultime niveau (le niveau 4) est celui de la neutralité carbone. Le niveau de ses émissions est donc quantifié et repris dans un plan de gestion des émissions de carbone qui sera revu en 2019 en vue d’accéder au niveau 3.

    Au niveau de ses émissions de CO2, Liege Airport est passé de 5 571 tonnes de CO2 produites en 2010 contre 4 138 tonnes en 2016.

    Pour cela, plusieurs mesures concrètes ont été mises en place :
    - son contrat de fourniture d’électricité porte, depuis 2012, sur la fourniture d’électricité 100 % verte ;
    - depuis 2010, l’ensemble des balises de l’aéroport a été, progressivement, remplacé par des balises LED ce qui a permis une économie d’énergie de l’ordre de 20 %. L’éclairage des bâtiments a également été revu en ce sens ;
    - une unité de cogénération au gaz naturel fonctionne depuis fin 2015 pour les besoins en chauffage des bâtiments administratifs et du terminal passager tout en fournissant de l’électricité. Fin 2016, l’unité de cogénération a été améliorée via l’adjonction d’un module permettant de réfrigérer le terminal passager durant l’été (trigénération), ce qui permettra d’encore améliorer l’efficience énergétique de l’aéroport. En 2016, 16,9 % de l’électricité consommée par l’aéroport a été produite par l’unité de cogénération ;
    - récemment, Liege Airport a équipé ses bâtiments de panneaux photovoltaïques.

    Liege Airport participe également au programme LEAN and GREEN mis sur pied par Logistics in Wallonia avec ses homologues flamand (VIL), néerlandais (Connekt) et luxembourgeois (Cluster for Logistics Luxembourg). Ce programme encourage et soutient les entreprises dans une diminution drastique des émissions de CO2 de leurs activités de transport et de logistique. Il s'agit d'un programme d’accompagnement dont l'aboutissement est une certification environnementale reconnue récompensant les efforts stratégiques et opérationnels d'une entreprise associés à la recherche d’une efficacité/optimisation logistique.

    Liege Airport fait partie des 475 entreprises labellisées dans ce programme et a obtenu en 2017, tout comme six autres entreprises le « Lean & Green Star ». Ce label récompense les entreprises qui ont réduit les émissions de CO2 de leurs activités logistiques d'au moins 20 % en cinq ans. L’obtention de ce label est importante pour un aéroport cargo comme Liège notamment dans ses relations avec les transporteurs et l’ensemble des acteurs logistiques.
    Enfin, Liege Airport est engagée depuis 2005, dans une démarche environnementale en obtenant la certification ISO14001 auditée régulièrement par un bureau agréé.

    En ce qui concerne l’aéroport de Charleroi, BSCA n’a pas, à ce jour, de plan spécifique à la mise en œuvre d’un objectif « zéro carbone », mais est néanmoins attentif à l’aspect écologique et durable dans l’ensemble de ses projets et réalisations. Une réflexion « Green Airport » sera intégrée dans le master plan qui est en cours de finalisation.

    Lors de la construction des Terminaux passagers 1 et 2, une attention particulière a été apportée à la conception et réalisation des bâtiments en phase avec les préoccupations environnementales actuelles. Quelques exemples concrets :
    - l’utilisation rationnelle de l’énergie par la mise en place de balisage led ;
    - la mise en place d’équipements de climatisation et de chauffage performants au gaz naturel pour limiter les rejets polluants ;
    - la mise en place d’équipements électriques performants notamment pour l’alimentation des avions au sol en permettant la mise à l’arrêt des moteurs auxiliaires des aéronefs.

    Le marché relatif à la mise en place de panneaux solaires en toiture du terminal 2 vient d’être attribué et devrait se concrétiser endéans l’année.

    Au sein de l’exploitation même, BSCA met également en place des moyens permettant de réduire l’impact environnemental de son activité en :
    - modifiant la procédure de travail pour le dégivrage des avions par l’utilisation d’un produit exempt de « Trialoze »  (c’est un fongicide) ;
    - remplaçant systématiquement en fin de vie les véhicules de piste diesel par des véhicules électriques. Depuis deux ans, BSCA investit dans plusieurs véhicules en version 100% électrique comme les escaliers tractables et des bandes à bagages ;
    - mettant en place un contrat de gestion d’énergie avec ses partenaires pour établir le profil énergétique des bâtiments.

    En ce qui concerne ma première ambition, à savoir, réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion du kérosène, j’entrevois plusieurs pistes.

    Tout d’abord, le travail au niveau de l’Organisation de l’aviation civile internationale (ICAO) pour que les compagnies aériennes compensent une partie de leurs émissions de gaz carbonique, dont la phase pilote débutera en 2021.

    Ensuite, au niveau européen, les compagnies aériennes sont soumises à l’Emission Trading Scheme (ETS). Le prix de la tonne de CO2 est aujourd’hui de presque 23 euros. Ce prix est encore trop bas pour influer sur la tendance haussière du recours aux transports aériens de tout un chacun, mais c’est un premier pas dans la bonne direction.

    Enfin, je pense qu’il faut lancer une dynamique au niveau européen afin de mettre fin à l’exemption de taxes sur le kérosène définie dans des accords bilatéraux, et ce, au niveau européen puis au niveau international.

    L’idée d’une taxe additionnelle sur les vols à l’échelle uniquement de la Région wallonne ne permettrait pas de garantir que les passagers n’iraient pas prendre l’avion ailleurs, réduisant à néant le bénéfice environnemental escompté de cette mesure, mais de plus, disqualifiant à coup sûr notre activité aéroportuaire, si des mesures équivalentes n’étaient pas prises dans le même temps au minimum au niveau européen.

    C’est pour cela que je défendrai la position belge lors du prochain Conseil environnement le 5 mars prochain qui propose d’introduire au niveau européen une taxe sur le kérosène.

    Il est de notre devoir d’assurer des règles du jeu communes en matière de compétitivité pour ne favoriser ni ne défavoriser l’un ou l’autre des acteurs économiques en compétition d’un même secteur. Sans cela, nous assisterons simplement à une délocalisation de la pollution.