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La phase 2 du deal avec Alibaba

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 70 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 22/11/2019
    • de de COSTER-BAUCHAU Sybille
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L’arrivée du géant chinois de l’e-commerce Alibaba a permis à l’aéroport de Liège d’augmenter ses statistiques. En effet, par avion ou via les trois trains hebdomadaires qui arrivent depuis la Chine, des millions de colis e-commerce transitent via le hub européen d’Alibaba depuis la fin 2018. Ainsi, le service des douanes estime que plus de 272 millions de colis e-commerce en ligne sont arrivés à Liège entre janvier et octobre 2019.

    À présent, la phase 2 du deal conclu avec Alibaba doit nous aider à développer l’e-commerce en Wallonie. Alibaba offre des opportunités d’exportation pour nos PME wallonnes. À ce titre, nos entreprises doivent être formées et sensibilisées à l’e-commerce.

    L’objectif est donc que l’échange aille dans les deux sens. Cependant, nos PME doivent être solides pour se lancer dans la vente en ligne avec la Chine. Elles doivent notamment disposer d’un « back office » suffisant pour répondre à un potentiel afflux des demandes de clients chinois. Elles doivent avoir des relais sur place pour gérer la distribution, un « call center », et cetera. Il faut aussi faire connaître ses produits. Cela nécessite un important travail de marketing d’influence sur les plateformes d’e-commerce.

    En outre, si Liège aspire à devenir la porte de sortie pour l’e-commerce belge ou européen, les chiffres fournis par les douanes pointent un démarrage assez timide avec 15 500 paquets e-commerce exportés depuis Liège entre janvier et octobre 2019.

    Dans la continuité de l’accord de collaboration qui va être signé entre la Fevia et la plateforme chinoise Tmall Global (une filiale d’Alibaba spécialisée dans la vente de produits étrangers en Chine), comment pourrions-nous permettre à nos PME d’intégrer les plateformes de l’e-commerce chinois ?
  • Réponse du 04/12/2019
    • de BORSUS Willy
    Les plateformes chinoises d’e-commerce transfrontalier offrent aux producteurs étrangers cinq canaux principaux d’accès aux consommateurs : la vente, parmi d’autres marques, sur des plateformes généralistes ou sur des plateformes spécialisées ; la vente à travers une vitrine propre sur une plateforme de type « market place » ; le déstockage sur des plateformes ad hoc et, plus récente, mais en croissance fulgurante, la vente directe à travers les médias sociaux eux-mêmes. Chacun de ces cinq modes a ses contraintes tant en matière d’accès à la plateforme qu’en termes de conditions pour son utilisation. Intégrer n’importe quelle plateforme de l’e-commerce chinois n’est pas possible, ou pourrait même être dangereux, pour nombre de petites et surtout de très petites PME.

    Par ailleurs, tout ne se vend pas sur Internet, et certainement pas avec le même succès ! Si l’on observe le marché chinois de l’e-commerce transfrontalier, les catégories de produits les plus vendus actuellement sont : les produits de soins personnels (29 %), les produits pour bébés (21 %), les produits nutritionnels et de soin en général (14 %) et les cosmétiques (11 %). Pour les 25 % d’achats restants, aucune catégorie de produits ne dépasse les 5 % des achats transfrontaliers (Chiffres, pour l’année 2018, publiés par Kantar Consulting et cités par Publicis Commerce, à Paris, en juin 2019).

    Notons que selon une étude récente du département de recherche du groupe « The Economist », la classe chinoise moyenne et supérieure devrait représenter un gros tiers de la population chinoise d’ici à 15 ans, contre à peine 10 % cette année. À l’échelle de la Chine, cela veut dire que la classe moyenne disposant d’un revenu annuel disponible d’au moins 10 000 dollars passera de 132 millions de personnes aujourd’hui à 480 millions en 2030. Il s’agit dès lors d’un marché considérable qui mérite la plus grande attention de la Wallonie. Parmi ces produits en vogue sur les plateformes d’e-commerce transfrontalier, ce que le consommateur chinois recherche ce sont des produits qui se différencient significativement, par exemple des crèmes corporelles, des biscuits pour bébés ou des cosmétiques locaux, etc. Pour avoir du succès, nos produits wallons doivent faire levier sur les atouts que le consommateur chinois reconnait spontanément aux produits européens : sécurité et authenticité, qualité et originalité. Quatre valeurs qui font indéniablement partie du core-business de nos entreprises wallonnes grâce à leur innovation et les contrôles sanitaires de nos agences.

    Enfin, comme l’achat sur Internet est partiellement émotionnel, il est indispensable de pouvoir « raconter une histoire » à propos de son produit et c’est plus efficace encore quand cette histoire est racontée, voire démontrée, par un ou plusieurs influenceurs : ces personnes à la mode qui font profession de vanter des produits auprès des millions de fans qui les suivent, générant parfois des centaines de millions d’euros sur base de leurs seules recommandations !

    Bien évidemment, il importe, avant tout, de les accompagner dans leur analyse quant à l’opportunité elle-même de la démarche.

    La sensibilisation de base de nos PME au potentiel de l’e-commerce n’est actuellement plus une nécessité puisqu’une majorité de Wallons, et parmi eux les dirigeants d’entreprise, utilisent déjà ces canaux d’achat.

    L’effort doit davantage porter sur la sensibilisation aux challenges qui jalonnent les routes de l’e-commerce, à savoir ceux qu’a mis en évidence l'honorable membre, au niveau du « back office » et du marketing d’influence, mais aussi quelques autres challenges comme l’adéquation des produits aux attentes spécifiques du consommateur chinois, la logistique pour leur distribution rapide, les paiements digitaux et la gestion du change, les procédures douanières et les taxes d’importation, et, plus largement la capacité à financer l’ensemble de la démarche…

    Il est donc nécessaire de faire un inventaire de ces challenges et de l’actualiser en continu, car l’e-commerce transfrontalier chinois évolue très rapidement, avec les tendances nouvelles de consommation, et parfois même très brusquement, avec des changements légaux ou règlementaires.

    Des efforts d’intelligence stratégique et la mobilisation d’expertises spécifiques sont indispensables pour établir et maintenir cet inventaire des challenges, mais aussi pour nourrir de véritables formations à l’action au niveau de nos entreprises wallonnes.

    En parallèle, la Wallonie affine progressivement sa stratégie régionale en matière d’e-commerce transfrontalier. Avec l’arrivée d’Alibaba, ou plus spécifiquement de sa filiale Cainiao à Liege Airport, la Phase 1 de cette stratégie est particulièrement bien lancée : il s’agit de mettre la Wallonie sur la carte de l’e-commerce transfrontalier vers, mais aussi, et surtout, à partir de l’Europe. Certes, il ne faut pas se faire d’illusion, il y aura plusieurs plaques tournantes pour l’e-commerce européen et ce qui importe dès lors, pour la Wallonie, c’est de soutenir et de développer au maximum les avantages de Liege Aiport face à ses concurrents actuels et futurs.

    À cet égard, les récentes liaisons ferroviaires établies avec la Chine contribuent à concrétiser davantage encore le concept de « QUADRI-MODALITE » qui ajoute rail, autoroute et voies navigables aux lignes aériennes, pour offrir des modes de transports complémentaires en rapidité et aussi en tarifs, ce qui est justement l’exigence de l’e-commerce !

    Autour de ce pôle logistique, les premiers évènements (conférences et séminaires) commencent à être organisés par des acteurs locaux, avec le concours d’acteurs internationaux. Comme l’initiative que l’AWEx, avec son partenaire chinois CIF-News, coutumier de ce type d’exercices en Chine, organisera les 11 et 12 décembre prochain à Liège Airport. Le premier EU Cross-Border E-Commerce Forum rassemblera des experts asiatiques et européens qui partageront leur vision du Cross Border e-Commerce et de son avenir en Europe, notamment après la désignation par Alibaba de son premier projet de « Electronic World Trade Platform européen dans notre pays, rejoignant ainsi la Chine, la Malaisie et le Rwanda comme projet pilote. Cette initiative a pour ambition de connecter dans les 5 prochaines années 10 millions de PME européennes aux plateformes intelligentes, symboles de cette nouvelle manière d’achat et de vente. La Région apprécie et encourage ce type de démarche chez nous, mais elle est également attentive à porter à l’étranger l’image d’une Wallonie e-commerçante.

    La Mission princière qui vient de s’achever en Chine en est une concrétisation importante et les Conseillers économiques et commerciaux de l’AWEx, basés en Chine, sont là pour aider nos entreprises à capitaliser sur leurs premiers contacts, notamment après la visite que j’ai effectuée avec elles le jeudi 21 novembre au siège du Département financier d’Alibaba, vaisseau amiral de la politique d’expansion internationale du Groupe. Nous avons pu y découvrir les différents modes d’accès aux plateformes d’Alibaba, telles que T-MALL, Lazada ou les magasins connectés de produits frais Freshippo. Les contacts sont établis, il incombe aujourd’hui aux sociétés de se lancer dans l’aventure, toujours soutenues par l’AWEx et son consultant pour le marché chinois, Semafort, qui démarrera en 2020 un plan d’accompagnement marketing des entreprises sur les plateformes de New Retail chinoises.

    La Phase 2 de notre stratégie s’ouvre maintenant avec le développement d’un environnement législatif fédéral et régional favorable à l’e-commerce et, en particulier, à l’e-commerce transfrontalier.

    Cet environnement, dont les enjeux portent principalement sur les matières de douanes et de TVA, et leur modernisation au travers de l’Intelligence artificielle, sont destinées à faciliter l’accès de nos entreprises à ces plateformes, non seulement des PME actives dans les différents métiers liés à l’e-commerce, mais surtout un tissu de producteurs locaux de produits adaptés à ce mode de distribution. Faciliter, mais aussi rendre les traitements plus rapides, et les contrôles de toute malversation ou fraude immédiate.

    Parmi les métiers liés à l’e-commerce, la logistique est le métier émergé de l’iceberg, qui concentre d’ailleurs les craintes et les réactions des citoyens qui appréhendent mal le projet du géant chinois dans notre région.

    Il convient en effet d’éviter de restreindre l’arrivée d’Alibaba aux seuls produits en provenance de Chine et à de la logistique « colis e-commerce ». Alibaba est avant tout une société de BigData, qui active les données que leur confient les clients des plateformes de commerce électroniques dans le cadre de toute une série de transactions : achats de produits où qu’ils soient fabriqués dans le monde, moyens de paiement (Alipay), réservation de voyages (Fliggy). Mais Alibaba offre également une série de formations (à distance ou sur site dans leurs divisions) à destination des petits commerçants, notamment des campagnes, pour mieux utiliser cette « nouvelle manière de vendre et d’acheter » électroniquement pour connecter les entreprises, de Chine, d’autres lieux de production ailleurs dans le monde, ou bien entendu de PME européennes entre elles. Comme les marchés hier et les hypermarchés aujourd’hui, l’e-commerce devient le moyen privilégié de faire du shopping pour les nouvelles générations X et Y connectées, chinoises principalement aujourd’hui, occidentales demain. 

    Cela étant dit, aujourd’hui, le déséquilibre entre les importations de Chine (au travers de l’e-commerce notamment) et nos exportations est... important. Les trains et les avions de Chine repartent à peine à moitié de capacité. La mission princière en Chine qui vient de se terminer avait comme principal objectif de concrétiser des partenariats pour remplir ces capacités retours (trains et avions à partir de Liège) vers la Chine, pays qui ambitionne désormais de se fournir en produits occidentaux pour plus de 2 000 milliards de USD dans les prochaines années. Pouvoir en faire partie est une opportunité, mais aussi un défi, car il faut être concurrentiel, avoir de bons produits et , surtout, s’adapter au marketing envers les jeunes générations chinoises (évaluées à 400 millions de consommateurs « connectés ») au travers des Key Opinion Leaders, influenceurs, blogueurs et via les réseaux sociaux ou le « shopping en live streaming ».

    Ainsi, Alibaba peut aider les PME européennes et wallonnes à se faire davantage une place sur le marché européen, voire mondial, en évitant les pièges des grossistes et des grandes enseignes multinationales qui gèrent les échanges de biens, souvent avec des marges énormes et peu contrôlables. L’e-commerce permet aux petites entreprises, aux artisans et aux indépendants d’être plus concurrentiels par rapport aux grands groupes.

    L’e-commerce est un moyen de sortir des schémas de vente classiques, de favoriser les petites structures, le commerce de proximité et les circuits courts. C’est dans les petites PME qu’Alibaba a permis la création de 40 millions d’emplois en Chine rien qu’en 2018. Nous pouvons espérer proportionnellement une même tendance autour de Liège et de la Wallonie à l’avenir, montrant qu’Alibaba pourrait être le meilleur partenaire d’un développement durable d’un écosystème local de PME, réduisant ainsi l’empreinte climatique, tout en participant définitivement à la reconversion économique de la région.

    Pour y arriver, l’AWEx et les fédérations sectorielles, comme Fevia qui vient de signer un accord avec l’opérateur de train ZIH pour informer les producteurs des atouts de la constitution de « vitrines belges » online et offline dans les entrepôts de Zhengzhou, serviront désormais de courroies de transmission entre les producteurs et les e-commerçants chinois, afin de faciliter l’entrée sur les plateformes.

    La riche panoplie d’incitants financiers, gérés par l’AWEx, offre une suffisante flexibilité pour répondre aux besoins spécifiques engendrés par l’e-commerce transfrontalier. Des adaptations ponctuelles pourraient d’ailleurs être faites, et ce, en fonction des besoins spécifiques identifiés.

    C’est que notre stratégie est définie en résonnance avec les premières actions menées sur le terrain. À cet égard, l’expérience progressivement acquise grâce au riche dialogue qui s’est noué avec les décideurs et les experts d’Alibaba sera précieuse pour affiner notre approche.

    Mais notre stratégie vise également à capitaliser sur cette expérience chinoise en cours, pour mieux accompagner nos entreprises sur leurs marchés internationaux plus habituels, mais avec de nouvelles méthodes : pays européens voisins, Amériques, Afrique et le reste de l’Asie où l’e-commerce est aussi en pleine expansion.