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Le Plan d'investissement du pacte vert pour l'Europe et le socle européen des droits sociaux

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 52 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 27/02/2020
    • de CORNILLIE Hervé
    • à DI RUPO Elio, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    La nouvelle Commission von der Leyen s'est récemment mise au travail et ses premières contributions ne se sont pas fait attendre. Après l'annonce, en grande pompe, du fameux « Green new deal », elle a annoncé mardi 14 janvier dernier son Plan d'investissement pour la transition, le Plan d'investissement européen pour le Pacte vert, ainsi qu'une première ébauche de confortation du socle des droits sociaux européens. Cette dernière comportera notamment la création d'un premier dialogue sur les fameux salaires minimum équitables des différents États membres.

    Monsieur le Ministre-Président peut-il déjà évaluer l'impact de ces différentes annonces européennes pour la Wallonie ?

    A-t-il déjà parcouru les grandes lignes dudit Plan d'investissement pour le pacte vert ?

    Comme ce dernier est l'instrument financier d'une nouvelle stratégie de croissance dite durable de la Commission, dans quelle proportion la Wallonie y aura-t-elle recours pour financer sa triple transition ?

    Voit-il d'un bon œil l'instauration d'un dialogue sur les salaires minimums en Europe ?

    Quelle sera la position de la Wallonie vis-à-vis de ces derniers ?

    Comment nous ferons-nous entendre à ce sujet ?

    Quel est l'apport du socle des droits sociaux européens ?

    Son renforcement par la nouvelle Commission démontre-t-il une volonté de la part de cette dernière d'acquérir plus de compétences sociales ?

    Si oui, en quoi est-ce une bonne chose pour la Wallonie ?

    Il me semble que la question lui a déjà été posée, mais je la repose au cas où des éléments neufs seraient intervenus depuis lors : la Wallonie pourra-t-elle bénéficier du mécanisme de transition juste ? Dans quelle mesure ?
  • Réponse du 06/04/2020
    • de DI RUPO Elio
    Ce 14 janvier 2020, la commission a présenté son Plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe et sa communication sur la construction d’une Europe sociale forte pour des transitions justes.

    Je commencerai par répondre aux questions sur le plan d’investissement et le mécanisme de transition juste avant d’aborder la communication.

    En ce qui concerne le plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe (le Green deal), il présente les instruments financiers qui doivent permettre d’atteindre les objectifs du pacte vert et d’accompagner les mutations économiques et sociales profondes qu’entrainera le passage à une Europe climatiquement neutre en 2050.

    Grâce à ce plan, la Commission espère mobiliser 1 000 milliards d’euros en 10 ans via :
    - l’orientation de 25 % des investissements du cadre financier pluriannuel 2021-2027 vers des investissements durables (503 milliards d’euros) ;
    - les effets leviers du programme Invest EU (279 milliards d’euros), qui remplace le Fonds européen pour les investissements stratégique (EFSI) ;
    - le mécanisme pour une transition juste (100 milliards d’euros de fonds européens et 114 milliards d’euros de cofinancement national) ;
    - les contributions ETS (25 milliards d’euros).

    Le mécanisme pour la transition juste est plus spécifiquement dédié aux régions et aux secteurs les plus touchés par la transition en raison de leur dépendance à l’égard des combustibles fossiles ou à des procédés industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre.

    La Commission évalue à environ sept millions le nombre d’emplois concernés par ces activités en Europe, dont 100 000 en Belgique.

    Le mécanisme pour la transition juste est composé de trois piliers :
    1) Le fonds pour une transition juste : ce fonds serait doté d’un budget de 7,5 milliards d’euros.
    La dotation du fonds sera complétée par un transfert spécifique et définitif des fonds FEDER et FSE+. Concrètement, un euro dépensé par le fonds pour une transition juste devra être complété par 1,5 à 3 euros de FEDER et FSE ainsi que d’un cofinancement national.
    Le fonds devrait au final générer des investissements de l’ordre de 30 à 50 milliards.
    2) Un volet dédié à la transition juste sous le programme Invest EU qui devra mobiliser 45 milliards d’euros, dont les modalités de mise en œuvre doivent encore être clarifiées.
    3) Les prêts au secteur public via la Banque européenne d’investissement (BEI) qui devraient mobiliser 25 à 30 milliards d’investissement. La Commission présentera une proposition législative dans les semaines à venir.

    En ce qui concerne l’accès au mécanisme de transition juste pour la Wallonie, je peux confirmer que notre région pourra bénéficier des trois piliers de ce mécanisme.

    Parmi ces trois piliers, la question du fonds pour une transition juste fait cependant l’objet de questionnements.

    Ce fonds doit aider à ce que la transition d’une économie fortement dépendante des combustibles fossiles vers une économie climatiquement neutre s’effectue de manière équitable et sans laisser personne sur le bord de la route, selon la Commission européenne.

    Il vise à accélérer la diversification économique des territoires où l’effort de transition économique est le plus important mais aussi à accélérer la reconversion et l’inclusion active des travailleurs et demandeurs d’emploi.

    Il bénéficiera à tous les États membres.

    L’enveloppe dévolue à la Belgique est très modeste : 68,4 millions d’euros pour la période 2021-2027.

    La commission a mis une proposition sur la table sur base des critères inscrits dans le règlement. Elle y précise qu’il doit s’agir des territoires les plus touchés par la transition vers une économie bas carbone. Par ailleurs, elle précise que la sélection des territoires qui bénéficieront d’une intervention se fera en dialogue avec la commission et dans le cadre du semestre européen.

    Petite subtilité supplémentaire par rapport à la politique de cohésion, les territoires désignés le seront au niveau NUTS 3, c’est-à-dire au niveau des arrondissements en Wallonie ou une partie de ceux-ci.

    Le soutien du fonds se fondera sur les plans territoriaux de transition juste qui seront soit intégrés dans les programmes opérationnels de la politique de cohésion, soit dans un programme opérationnel dédié.

    Ces plans territoriaux recenseront les défis économiques, sociaux et environnementaux rencontrés et préciseront les besoins éventuels en matière de diversification économique, de reconversion et de réhabilitation environnementale. Ces plans devront par ailleurs être en conformité avec les plans nationaux Energie/ climat (PNEC).

    En ce qui concerne la position que la Wallonie défend dans ce débat, nous accueillons positivement les propositions de la commission.

    Nous considérons par contre qu’il reste encore plusieurs questions techniques sur ce fonds.

    Lors des diverses réunions de coordination à ce sujet au sein du SPF affaires étrangères, la Wallonie a déjà pris position pour que les 7,5 milliards d’euros annoncés par la commission constituent bien de l’argent frais. La Wallonie craint que ces montants soient prélevés dans l’enveloppe politique de cohésion, et plus particulièrement dans le budget dédié aux régions en transition. Pour la Wallonie, il serait totalement illogique de financer la transition juste au détriment des régions, elles-mêmes, en transition.

    En ce qui concerne un recours aux investissements européens prévus par le Plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe, je peux confirmer que la Wallonie compte bien y avoir recours pour financer en partie sa triple transition.

    Comme je l’ai dit précédemment en commission, il est cependant encore un peu tôt pour évaluer l’impact concret de toutes ces décisions sur la Wallonie mais il va de soi que nous utiliserons tous les leviers disponibles.

    Avec sa communication sur l’Europe sociale, la Présidente von der Leyen veut prendre en compte la dimension sociale de la transition.

    Il s’agit de faire en sorte que les transitions liées à la neutralité climatique, mais aussi à la numérisation de l’économie et aux changements démographiques, soient justes et équitables sur le plan social.

    Le socle européen des droits sociaux, qui a été proclamé en décembre 2017, énonce vingt principes qui ont pour objectif d’améliorer l’égalité des chances et d’assurer l’emploi pour tous, d’offrir des conditions de travail équitables et de garantir la protection sociale et l’inclusion sociale.

    Vu les compétences réduites de l’Union en matière sociale, ces engagements reposent essentiellement sur les États.

    Au travers de cette communication, la Commission von der Leyen met en avant sa volonté de poursuivre la mise en œuvre du socle.

    Il est difficile de dire si elle veut acquérir par-là plus de compétences sociales. Elle respecte surtout les engagements pris lors du sommet social pour une croissance et des emplois équitables qui s'est tenu à Göteborg, en Suède, en novembre 2017.

    La commission compte maintenant présenter un plan d’action à cet effet en 2021.

    Dans cette communication, la commission invite surtout à un vaste débat en appelant les partenaires sociaux mais aussi toutes les autorités européennes, nationales, régionales et locales à donner, d’ici novembre 2020, leur point de vue sur les mesures nécessaires à la mise en œuvre du socle.

    Ces débats et contributions alimenteront la réflexion de la commission dans l’élaboration de son plan d’action.

    Le gouvernement, et en particulier la Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes, prendront attitude prochainement sur la meilleure manière de contribuer à ce débat.

    Sur la question des salaires minimums en Europe, la commission a l’intention de lancer une phase de consultation des partenaires sociaux à ce sujet.

    Par contre la législation sur les salaires n’est pas de compétence régionale.