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Les recherches d'alternatives aux produits tels que le glyphosate pour les utilisateurs professionnels

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 388 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 14/07/2020
    • de EVRARD Yves
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le Conseil d'État vient de casser une décision du Gouvernement wallon visant à restreindre l'utilisation des néonicotinoïdes dans les cultures lorsque cela ne s'avère pas indispensable. C'est un long débat que nous avions mené au Parlement sous la précédente législature pendant lequel d'autres produits comme l'usage du glyphosate ont suscité beaucoup d'analyses contradictoires.

    Au-delà du contexte actuel lié au climat et au respect de l'environnement auquel nous sommes tous sensibles, il existe également une réalité économique, fonctionnelle et des impératifs auxquels doit se confronter le monde agricole dans un contexte de plus en plus compliqué.

    Si chacun comprend que nous devons aller vers des techniques culturales plus respectueuses encore de notre environnement, la responsabilité politique est de définir le chemin que nous allons prendre vers cet objectif partagé par tous.

    Ainsi, il est aujourd'hui acquis que des produits tels que le glyphosate sont des condamnés en sursis.

    Monsieur le Ministre peut-il dresser le bilan des actions entreprises, des programmes de recherches en cours pour favoriser cette transition et pour trouver des alternatives crédibles et réalistes à certaines méthodes culturales ?

    À l'heure d'aujourd'hui, des solutions sont-elles applicables et efficaces pour le monde agricole ?
  • Réponse du 10/08/2020
    • de BORSUS Willy
    Dans l’introduction à sa question écrite, l’honorable membre qualifie les produits « tels que le glyphosate » de « condamnés en sursis ». Je pense qu’il a raison. Je dirais même que cette fin inéluctable ne concerne pas l’un ou l’autre produit particulier, mais bien de nombreux pesticides. En effet, tous les mois, et sans que cela ne fasse les titres de la presse, des produits disparaissent du marché, ou voient leur champ d’application sensiblement réduit.

    Le glyphosate et les quelques néonicotinoïdes dont le public connaît désormais le nom, ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt : tous les pesticides méritent la même attention de la part des experts et des autorités. Tous peuvent directement ou indirectement exercer des effets inattendus, à court ou à long terme. Certains effets peuvent échapper à la batterie de tests auxquels les pesticides sont soumis avant d’obtenir une autorisation. Il est donc impératif de maintenir la vigilance après l’autorisation d’un produit, et de rapporter toute suspicion d’effet indésirable en vue de permettre au Comité d’agréation (organe fédéral) de rectifier les usages, voire de retirer l’autorisation.

    Les pesticides « naissent, vivent et meurent ». Ils « naissent », lorsqu’on découvre que leur efficacité permet de maîtriser des organismes nuisibles. Certains « vivent » longtemps, d’autres à peine quelques saisons. Ils « meurent » enfin, lorsque des alternatives plus efficaces ou moins nuisibles peuvent les remplacer. Pour éviter de laisser le monde agricole désarmé, il est évidemment préférable de disposer d’alternatives efficaces avant de condamner des produits essentiels.

    La recherche d’alternatives est un objectif constant au CRA-W. Les pesticides, mais aussi les techniques alternatives ou complémentaires aux pesticides sont testées en toute objectivité, quoi qu’en pensent ou en disent certains, avec comme objectif d’avancer vers une agriculture moins dépendante des pesticides, voire à terme sans pesticides.
    Ces travaux relèvent de différents axes :
    À l’échelle des cultures annuelles (recherche d’alternatives techno-centrées) :
    - l’amélioration des plantes en vue de la tolérance ou de la résistance aux maladies et aux insectes (exemple : Phénotypage des variétés de céréales quant à la résistance à la cécidomyie orange. Test de résistance de la betterave au virus BYMV, pour éviter les néonicotinoïdes) ;
    - l’évaluation des variétés des principales cultures rencontrées en Belgique du point de vue de leur résistance/tolérances aux maladies (ex : pommes de terre robustes, liste des variétés de froment recommandées pour des itinéraires faibles intrants ou bio) ;
    - l’étude de l’efficacité de bio-pesticides (exemple : Conventions WalBioPest & Pest’Over : mesure d’efficacité d’extraits végétaux et d’huiles essentielles) ;
    - l’étude des résistances aux pesticides en vue, notamment, d’éviter les surdosages (exemple : Conventions Resist & Eurores.) ;
    - l’étude des leviers agronomiques (fumure, dates semis, travail du sol, cultures associées, et cetera) dans l’optique d’éviter la concurrence des adventices et l’exposition aux organismes nuisibles (exemple : Convention Gain. Plateformes CRA-W) ;
    - les études des moyens alternatifs incluant le désherbage mécanique et combiné, le désherbage thermique/électrique, les robots désherbeurs, l’agriculture de précision ;
    - l’étude de l’impact des techniques agricoles sur la santé de l’abeille (exemple : Conventions Bee Wallonie, Polbees, Beesyn) ;
    - test officiel d’efficacité (BPE) des nouveaux pesticides issus de l’industrie ou d’institutions publiques (exemple : L’université de Tübingen aurait récemment trouvé un substitut naturel au glyphosate. Il s’agit d’un sucre phosphorylé d’une cyanobactérie qui peut affecter la même voie métabolique que celle touchée par le glyphosate (la synthèse du tryptophane). Apparemment c’est au moins aussi efficace, et cela pourrait être produit naturellement https://www.nature.com/articles/s41467-019-08476-8
    Cet exemple montre que des alternatives pourraient bien émaner d’institutions tant privées que publiques, et que le CRA-W a tout intérêt à rester en contact constant avec les opérateurs de l’ensemble du secteur).

    À l’échelle des systèmes de culture (recherche d’alternatives système) : l’étude d’alternatives à l’échelle de la rotation des cultures, via une approche pluriannuelle et intégrative, basée sur les différentes formes émergentes d’agricultures. Ceci au sein de plateformes système en culture conventionnelles et biologiques, en grandes cultures, en maraîchage et en arboriculture fruitière, incluant des approches « zéro-phyto ».

    À ces deux échelles d’approche complémentaires, le CRAW veille constamment, en partenariat avec les autres acteurs, à diffuser, encadrer et transférer au maximum les acquis vers le monde agricole et en particulier les producteurs, utilisateurs professionnels.

    Les alternatives au niveau de chaque culture et de chaque se développent donc, et présentent actuellement des degrés divers de maturité et d’efficacité. Il est évident et inévitable que des alternatives crédibles et pertinentes prendront encore quelques années pour être implémentées à large échelle sur l’ensemble du territoire wallon.