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Les perspectives d'emploi en Wallonie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 253 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 10/08/2020
    • de DURENNE Véronique
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Dans son édition du 9 juin dernier, le journal L'Écho relayait les chiffres du baromètre trimestriel de ManpowerGroup sur les perspectives d'emploi en Belgique. Selon ces données, si 11 % des employeurs comptent renforcer leurs effectifs d'ici la fin du mois de septembre, 16 % d'entre eux prévoient à l'inverse de réduire leur personnel.

    Ainsi, la prévision nette d'emploi atteint la valeur négative de -5 %. C'est la première fois qu'une valeur négative est enregistrée depuis le lancement de ce baromètre en 2003, selon L'Écho.

    Enfin, dans le détail, cet indicateur atteint son plus bas niveau depuis 17 ans en Flandre (-7 %) et à Bruxelles (-1 %), tandis qu'il demeure légèrement positif en Wallonie (+3 %).

    Madame la Ministre a-t-elle pris connaissance de ces chiffres ?

    Selon elle, quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette légère différence entre la Wallonie et ses voisins flamands et bruxellois ?

    Alors que l'économie wallonne redémarre doucement, quelles sont les prévisions en termes d'emploi pour les prochains mois en Wallonie ?

    Enfin, de manière concrète, comment compte-t-elle d'une part préserver les emplois au sortir de cette crise sanitaire, et d'autre part, stimuler la création d'emploi parallèlement à ce redémarrage de notre économie ?
  • Réponse du 24/09/2020
    • de MORREALE Christie
    Avant toute chose, il convient de préciser que le Baromètre ManpowerGroup (Source : Baromètre ManpowerGroup des perspectives d’emploi – Q3 2020. Voir https://www.manpowergroup.be/wp-content/uploads/2020/06/BE_FR_release_3Q20.pdf) des Perspectives d’Emploi demeure une enquête dont l’objectif est de mesurer l’évolution des intentions de recrutement des entreprises pour le trimestre à venir et par rapport au trimestre précédent. Il faut avoir à l’esprit que, s’agissant d’une enquête, les résultats peuvent dépendre d’aléas liés à l’échantillonnage (461 employeurs interrogés en Belgique) ou de biais de sélection au niveau des répondants.

    Si ce baromètre est un bon outil pour mesurer les tendances, se référer aux données administratives permet d’avoir une approche plus exhaustive et consolidée. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement wallon s’appuie prioritairement sur les données du Bureau fédéral du Plan, de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse, de Statistiek Vlaanderen, de l’IWEPS et du FOREm. Ainsi, l’IWEPS utilise un modèle de prévision de l’emploi développé au plan fédéral et adapté à la Wallonie. Les résultats ont d’ailleurs été synthétisés dans le rapport « Perspectives économiques régionales 2020-2025 » (Source : Bureau fédéral du Plan, Institut bruxellois de statistique et d’analyse (IBSA), IWEPS et Statistiek Vlaanderen, « Perspectives économiques régionales 2020-2025 », juillet 2020. Voir https://www.plan.be/uploaded/documents/202007171231410.FOR_HermReg_2020_12182_F.pdf), paru en juillet 2020.

    Concernant les facteurs qui peuvent expliquer la différence entre la Wallonie et ses voisins flamands et bruxellois, selon les « Perspectives économiques régionales 2020-2025 » du Bureau fédéral du Plan (BFP) et de l’IWEPS, en 2020, la Flandre enregistre une plus forte baisse du PIB que les deux autres Régions du pays (-11,1 %, contre -10,3 % en Wallonie et -9,3 % à Bruxelles), en raison de la structure de ses secteurs d’activité économique.

    Ainsi, entre autres, on retiendra la part relativement plus grande de la branche « commerce et HORECA » (15 %, contre 12 % en Wallonie et 10 % à Bruxelles) qui est fortement touchée par la crise et le poids plus important de l’industrie, notamment des branches « biens d’équipement » (biens d’équipement = fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques + fabrication d’équipements électriques + fabrication de machines et d’équipements n.c.a. + fabrication de matériels de transport) et « biens de consommation » (biens de consommation = industries alimentaires, fabrication de boissons et de produits à base de tabacs + fabrication de textiles, industrie de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure + travail du bois, industrie du papier et du carton et imprimerie + fabrication de meubles et autres industries manufacturières, réparation et installation de machines et d’équipements). Or ces deux branches manufacturières sont plus affectées que la branche des « biens intermédiaires » (biens intermédiaires = industries extractives + industrie chimique + produits pharmaceutiques + fabrication de produits en caoutchouc et d’autres produits minéraux non métalliques + métallurgie et fabrication de produits métalliques, à l’exception des machines et équipements), par exemple. Néanmoins, les auteurs du rapport soulignent que les écarts attendus globalement entre Régions apparaissent faibles en proportion du choc baissier. À Bruxelles, les auteurs soulignent l’effet baissier, en termes de contribution à la croissance totale, plus spécifique de la branche « crédit et assurances » (malgré un recul pourtant relativement moins fort que celui d’autres branches) et, en Wallonie, celui de la branche « action sociale ».

    Concernant la question de l’honorable membre relative aux prévisions en termes d'emploi pour les prochains mois en Wallonie, toujours selon les perspectives du Bureau fédéral du Plan et de l’IWEPS, résumées dans le rapport « Perspectives économiques régionales 2020-2025 », « au début de la période de projection, la contraction de l’emploi restera bien en deçà de celle de la valeur ajoutée. En particulier, en 2020, dès le début de la crise sanitaire, la mise en place de mesures destinées à soutenir les entreprises et à réduire les prestations de travail sans licenciement a permis d’amortir le choc en termes d’emploi. Ces mesures, et en particulier l’assouplissement des conditions d’accès au chômage temporaire en cas de force majeure, sont toujours d’actualité et ont été prolongées. Le maintien prolongé de l’activité à un niveau inférieur à celui qu’il aurait été dans un scénario sans pandémie va inévitablement conduire à une adaptation des besoins de main-d’œuvre dans les trois régions du pays. Mais, pour l’heure, la résistance de l’emploi semble toujours de mise et les pertes d’emploi resteraient encore contenues en moyenne sur l’année de l’ordre de -0,5 % à Bruxelles et en Wallonie et de -0,6 % en Flandre. »

    Les auteurs prévoient que l’emploi pourrait reculer davantage en 2021, une fois les mesures publiques levées en Wallonie et en Flandre. L’emploi intérieur total baisserait de 1,7 %, tandis qu’il diminuerait de façon plus limitée à Bruxelles, soit de 1,4 %. Sur l’ensemble des deux années 2020 et 2021, le marché du travail en Belgique compterait un total de 108 000 personnes en moins à l’emploi : 13 000 emplois en moins à Bruxelles, 29 000 en Wallonie et 66 000 en Flandre. Selon ce scénario, le niveau d’emploi intérieur de 2019 serait retrouvé en Flandre et en Wallonie en 2023, mais il ne serait atteint à Bruxelles que l’année suivante. »

    Toujours selon les données du Bureau fédéral du Plan et de l’IWEPS, « l’emploi indépendant serait en net recul en Flandre (-1,0 % en 2020 et -1,8 % en 2021) et en Wallonie (-1,2 % en 2020 et -1,8 % en 2021). En revanche, à Bruxelles, la baisse du nombre d’indépendants resterait d’abord limitée en 2020, avant de s’aggraver elle aussi en 2021 (-1,6 %). L’emploi indépendant bruxellois serait alors soutenu par un effet de composition sectorielle, provenant notamment d’un poids plus important de la branche « autres services marchands » (autres services marchands = édition, services audiovisuels et diffusion de programmes de télévision + services informatiques et services d’information + activités immobilières + activités juridiques et comptables, activités des sièges sociaux, conseil de gestion, activités d’architecture et d’ingénierie, activités de contrôle et analyse technique + recherche-développement scientifique + publicité et études de marché, autres activités spécialisées, scientifiques et techniques + services administratifs et autres activités de soutien + activités artistiques, récréatives et de loisir + autres services) dans laquelle l’emploi indépendant devrait relativement moins baisser.
    L’emploi indépendant devrait rebondir assez nettement en 2022 dans les trois régions (3,2 % à Bruxelles, 2,4 % en Flandre et 1,9 % en Wallonie). Ces rythmes de croissance s’amoindriraient ensuite (...). Le nombre de salariés renouerait aussi avec la croissance en 2022 (0,7 % à Bruxelles, 1,4 % en Flandre et 1,3 % en Wallonie), mais à des rythmes qui resteront plus modérés ensuite. »

    Il faut toutefois avoir à l’esprit en lisant ces prévisions issues de modèles peu adaptés aux effets de la crise sanitaire actuelle, l’avertissement des auteurs de ce rapport : « Tant par son origine non économique que par son ampleur, la récession que nous traversons actuellement est inédite en temps de paix. Ce caractère inédit est encore renforcé par le fait que cette récession résulte à la fois d’un choc d’offre négatif et d’un choc de demande négatif. Pour ces raisons, le choc qui frappe notre économie met à mal les mécanismes et paramètres des modèles économétriques habituellement utilisés et complique considérablement l’exercice d’élaboration de perspectives économiques. En raison de la crise sanitaire, ce scénario est sujet à plus d’incertitudes qu’à l’accoutumée. »

    Concernant les moyens mis en œuvre pour, d'une part, préserver les emplois au sortir de cette crise sanitaire et, d'autre part, stimuler la création d'emploi parallèlement à ce redémarrage de notre économie, outre les aides qui ont été prises au niveau fédéral, le Gouvernement wallon a pris les mesures suivantes :

    Aides structurelles (avec aménagement en raison de la crise sanitaire)
    - pour les PME et Indépendants : Adaptation du prêt « coup de pouce ».
    - pour les employeurs / demandeurs d’emploi / stagiaires : prolongation des délais dans les procédures régionales (demandes de primes, de subsides …) :
    • APE ;
    • SESAM ;
    • Impulsion ;
    • PFI ;
    • FALT ;
    • Formation ;
    • Crédit adaptation (jusqu’au 30 avril) ;
    - pour les demandeurs d’emploi : accompagnement dit « instantané » des personnes qui ont perdu leur emploi pendant la crise (contact endéans les 48 h) (voir détails ci-après).
    - pour les entreprises en restructuration et travailleurs licenciés : aide à l’outplacement et soutien à l’autocréation d’emploi dans les cellules de reconversion.

    Aides exceptionnelles (dans le cadre de la crise sanitaire)
    - « Get up Wallonia ! » :
    ◦ gérer l’urgence sanitaire ;
    ◦ diminuer les impacts économiques et sociaux ;
    ◦ relancer l’activité socio-économique ;
    ◦ renforcer la résilience ;
    - pour les PME et indépendants :
    ◦ Fonds Covid-19 : indemnité forfaitaire (plus en vigueur) ;
    ◦ Fonds extraordinaire de solidarité pour les entreprises à l’arrêt (indemnité complémentaire de 3 500 euros) ;
    ◦ Prêt Ricochet ;
    ◦ dispositif Ré-Action : accompagnement économique (audit) et soutien financier ;
    - pour toutes les entreprises :
    ◦ mesures relatives aux prêts et aux garanties sur les prêts bancaires de la SRIW, de la SOWALFIN, de SOFINEX et de la SOGEPA ;
    ◦ report des factures d’eau et d’énergie (plus en vigueur).

    Aides et mesures de soutien à la relance sectorielle :
    - secteurs essentiels :
    ◦ mise à disposition de travailleurs d’autres secteurs (en chômage temporaire notamment) ;
    ◦ diffusion et gestion actives d’offres « urgentes » par les services aux entreprises du FOREm (voir détails ci-après).
    - HORECA :
    ◦ prolongement jusqu’au 31/12/2020 du « droit passerelle » et du chômage temporaire ;
    ◦ réduction de TVA (6 % du 8 juin 2020 au 31 décembre 2020).
    - secteur culturel :
    ◦ prêts d’urgence ;
    ◦ mesures en faveur du secteur de l’audiovisuel et des médias ;
    ◦ assimilation des chercheurs d’emploi « artistes » aux demandeurs d’emploi ciblés par l’aide à l’emploi « impulsion 12 mois + ».
    - secteur de la santé :
    ◦ appel à des volontaires du 1er mai au 30 août 2020 et mise en place d’une plateforme et d’une collaboration spécifique entre l’AViQ et le FOREm.
    - secteur des titres-services :
    ◦ mesures de soutien et de maintien de la subvention régionale pour toute heure de travail rémunérée, même si non prestée et majoration du montant de la subvention pour soutenir la reprise des activités.
    - Agriculture :
    ◦ augmentation du nombre de jours de travail occasionnel dans l’agriculture et l’horticulture ;
    ◦ Collaboration spécifique entre le secteur et les services aux entreprises du FOREm pour le recrutement des travailleurs saisonniers.

    Outre les dispositifs existants et les aides de soutien à la relance fédérales et régionales repris ci-dessus, notons que le FOREm est intervenu dès le début de la crise sanitaire, en vue de soutenir les entreprises wallonnes et de préserver les emplois. Je pense notamment au :

    - Plan FOREm d’urgence proactif d’aide aux entreprises wallonnes.

    Dès le début de la crise sanitaire, le FOREm a mis en place un plan d’urgence proactif au bénéfice des entreprises wallonnes en « boostant » son offre de services adaptée à distance, notamment via ses conseillers entreprises. Il a tout d’abord apporté un soutien proactif auprès de ses 65 000 entreprises clientes en les conseillant par rapport aux dispositifs existants (par exemple le PFI) comme aux mesures de crise leur étant accessibles, qu’il s’agisse de mesures fédérales ou régionales (droit passerelle, forfaits de soutien de 5 000 ou 2 500 euros, étalement des dettes sociales ou fiscales, chômage temporaire, et cetera).
    Les canaux utilisés étaient assez divers : site internet, mailing, conseiller entreprises à distance, ...

    Parallèlement, le FOREm a aussi mené un plan d’actions d’envergure pour les entreprises des secteurs essentiels. Ainsi, les conseillers entreprises du FOREm ont contacté proactivement les entreprises de ces secteurs pour leur proposer un soutien et collecter les besoins de recrutement urgents pour leur fonctionnement. Les offres d’emploi qui en ont résulté ont été largement diffusées via le site en ligne du FOREm ou via les réseaux sociaux afin de mobiliser les demandeurs d’emploi sur ces offres. Le FOREm a ainsi contacté directement et individuellement l’ensemble des candidats potentiels et plus de 5 500 entreprises des secteurs de la santé, de l’agriculture et de l’horticulture, du commerce et de la distribution, de l’agro-alimentaire, de la chimie et de la pharmacie ainsi que du transport et de la logistique. Le constat est que la crise a généré pas moins de 2 500 opportunités d’emploi dans ces secteurs, dont 1 000 rien que pour la santé.

    - Plan FOREm de relance des entreprises wallonnes :
    Dès la sortie du confinement, le FOREm a de plus proposé un plan de relance concerté avec les organisations représentatives des secteurs, se fondant sur une collaboration entre le FOREm, les partenaires sociaux du secteur et les entreprises. Au départ de constats et enjeux partagés, ce plan vise à soutenir la relance, à accompagner et conseiller, tout au long de cette sortie de crise, les entreprises en matière d’aides publiques (de relance notamment), de recrutement et de formation.

    Pour les entreprises des secteurs essentiels, déjà contactées au début de la crise, il s’agit tout d’abord de poursuivre l’action de soutien et de satisfaire au mieux les offres d’emploi récoltées. Pour rappel, début mai, afin d’accompagner rapidement les travailleurs venant de perdre leur emploi, le FOREm a développé une nouvelle formule d’accompagnement, « l’accompagnement instantané ». Ce dernier consiste à contacter dans les 48 h ces demandeurs d’emploi en vue d’entreprendre une série de démarches pour leur permettre de retrouver rapidement un emploi ou, à défaut, de les inscrire dans un accompagnement ad hoc. Ce dispositif constitue une source supplémentaire de candidats expérimentés, compétents et proches de l’emploi. Bien que faisant partie des secteurs essentiels, certaines de ces entreprises sont fortement impactées par la crise et les actions proactives du FOREm, menées pendant la phase d’urgence ont montré que la priorité était aujourd’hui au maintien et à la relance de l’activité.

    Parallèlement à ce plan de relance, le FOREm a développé des actions concernant les licenciements collectifs (collaborations avec les autres services publics de l’emploi, prestations d’accompagnement à distance adaptées, …) et développe actuellement des actions pour aider les indépendants en difficultés (ou en faillite) pour les aider à rebondir dans l’entreprenariat. Cette offre de service est construite à partir de l’action « entreprenariat », développée au sein des cellules de reconversion et l’offre « Créa » (Création d’entreprise) des Carrefours Emploi Formation Orientation. Cette action de soutien tout au long de leur projet se fera en lien avec les opérateurs présents sur le marché de l’emploi, spécialisés dans l’accompagnement ou le conseil aux porteurs de projets.