Le traitement de la partie combustible de déchets ménagers, le fluff.
Session : 2006-2007
Année : 2007
N° : 68 (2006-2007) 1
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Question écrite du 25/01/2007
de BROTCORNE Christian
à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme
Plusieurs enquêtes scientifiques l'attestent. Le principe de précaution face à un risque présumé se trouve confronté désormais à un risque démontré. Ainsi, la précaution à prendre doit être relevée : actuellement, l'incinération des déchets est la principale source de dioxines dans notre environnement. La dioxine a été classée comme substance cancérigène par l'OMS.
La nocivité des dioxines et autres biphényles polychlorés est encore aggravée par le fait que ces molécules ne sont pas dégradées dans la nature, ce qui leur confère une durée de vie pratiquement illimitée et assure leur persistance dans l'organisme, où elles continuent à s'accumuler durant toute la vie.
Ces dioxines ont des répercutions importantes sur la santé et provoquent des cancers du foie, du tube digestif et du sang ; des affections dermatologiques (acné chlorée), cardiovasculaires, hépatiques et endocriniennes ; des troubles du développement des organes sexuels et de la reproduction dont la cryptorchidie (absence de descente des testicules chez les jeunes garçons), l'endométriose, responsable de douleurs abdominales intenses et d'infertilité chez la femme, la diminution de la synthèse d'hormones thyroïdiennes ; des troubles du développement psychomoteur.
Une fois les dioxines introduites dans l'organisme, elles y restent, en raison de leur capacité inquiétante à se dissoudre dans les graisses. Pour un homme, il n'y a aucun moyen d'élimination, et pour une femme, deux moyens existent : au travers du placenta jusqu'au fœtus et dans le lait maternel, ce qui montre que les personnes les plus exposées sont aussi les plus faibles : nos bébés.
Malheureusement, en Belgique, la contamination de la population par les dioxines est déjà excessive à l'heure actuelle.
Alors que l'ONU considère l'effet de serre et ses répercussions sur notre climat et notre environnement comme la plus grave menace que l'humanité devra affronter au cours du siècle prochain, le traitement de nos déchets par incinération contribue grandement à la surcharge de l'atmosphère en CO2.
Actuellement, la partie combustible des déchets ménagers (le fluff), notamment composée de plastiques, peut être incinérée dans les fours des cimenteries.
Cette incinération permet aux cimenteries de faire des économies d'énergie et de recevoir des rentrées financières supplémentaires (de 25 à 30 euros la tonne).
L'intercommunale Itradec ayant en charge le traitement des déchets sur l'axe Mons-La Louvière, ne s'est pas dotée d'un incinérateur et a un problème avec son fuff qu'elle met en partie en décharge pour 60 euros la tonne.
Le bénéfice financier que pourrait retirer l'intercommunale Itradec de faire incinérer son fluff serait du simple au double. Les cimentiers y verraient également le double avantage mentionné plus haut. Ce serait ainsi une opération « win-win ».
Cependant, une telle opération avait déjà capoté suite à des problèmes d'ordre technique : les déchets contiendraient trop d'humidité et de chlore.
Il semblerait que des essais ont eu lieu en laboratoire pour répondre à ce problème. Mieux encore, la cimenterie Holcim à Obourg a accepté d'effectuer des essais grandeur nature.
Parmi les pistes explorées, celle de brûler le fluff avec des gaz chauds à la sortie du four est envisagée. Cette dernière piste n'offre aucune valorisation en terme énergétique.
Monsieur le Ministre pourrait-il me dire pourquoi cette prérogative n'est pas uniquement réservée aux incinérateurs publics ?
Les fours des cimenteries qui traiteraient le fluff sont-ils soumis aux mêmes exigences et autres normes que les incinérateurs publics ? Le même principe de précaution est-il envisagé ? Quelles sont les normes auxquelles sont soumis les incinérateurs publics et les cimenteries pour le traitement des fluffs ? Quelles sont les différences d'exigences et pourquoi ?
En outre, pourquoi, chez un cimentier comme CCB, un contrôle séquentiel des émissions de dioxines et des furannes a été mis en place et qu'il n'en est rien à CBR (des recours sont toujours au Ministère) et à Holcim-Mons ? D'autres différences existent-elles entre les incinérateurs de cimenteries ?
Réponse du 19/02/2007
de LUTGEN Benoît
Plusieurs sources potentielles de dioxines sont identifiées actuellement, parmi lesquelles la co-incinération et l'incinération de déchets, en ce compris l'incinération sauvage des déchets. La production réelle de dioxine dépendra des conditions de combustion et des dispositions d'épuration adoptées (quand nécessaire) dans les installations.
Suite à la généralisation des collectes sélectives, en particulier les PMC, une source importante de dioxines produites par la combustion des matières plastiques a considérablement diminué au cours de ces dernières années.
Par ailleurs, l'incinération et la co-incinération sont régies par une directive européenne 76/2000/CE du 4 décembre 2000. Les conditions sectorielles adoptées sur cette base par le Gouvernement wallon le 27 février 2003 ont fixé dans les deux cas la norme à 0,1ng/m3. Une norme identique est également fixée pour les métaux lourds. Par contre, d'autres dispositions varient en fonction de la nature de l'installation : les normes des installations de co-incinération qui brûlent moins de 40 % de déchets sont calculées à la proportionnelle entre les normes relatives à l'activité propre du procédé industriel et celles de l'incinération. Certains polluants sont en effet inhérents au procédé et non à l'incinération, comme le soufre provenant du gisement calcaire par
exemple. Par ailleurs, les permis ayant été délivrés à des époques différentes, pour du matériel et des procédés parfois légèrement différents, ils comportent des impositions susceptibles de varier également. La révision des permis au travers de la procédure IPPC devrait permettre de gommer les différences, tout en tenant compte des spécificités des installations.
Les fours de cimenterie sont des systèmes qui fonctionnent à contre-courant. A la sortie, les gaz sont en contact avec la masse des matières froides qui entrent dans le four. Il n'est pas concevable d'accepter que le fluff soit traité à basse température, car rien ne garantit alors que les dioxines ne se formeront pas en quantité. Les essais qui devraient être réalisés porteraient plutôt sur l'introduction du fluff à la tuyère, soit à très haute température.
S'agissant du contrôle séquentiel des émissions, CCB a procédé à l'installation d'un équipement de prélèvement en application de son permis d'exploiter délivré en 2005. Holcim et CBR ont accepté de pratiquer le prélèvement et l'analyse séquentielle des dioxines. Le matériel est en commande chez Holcim.
Vous posez enfin la question de l'existence même de filières de destruction du fluff. Je tiens à rappeler que ceci relève de la compétence des exploitants publics et privés des installations de traitement, dans la limite des permis octroyés.
La Région wallonne n'est ni propriétaire, ni exploitante de ces unités. Elle peut cependant favoriser la prise de certaines orientations et inciter aux meilleurs comportements. C'est l'objectif notamment du projet de décret fiscal favorisant la prévention et la valorisation des déchets, qui sera déposé sur les bancs du Parlement dans les prochaines semaines.
Il paraît clair également que la réflexion sur les interdictions de mise en CET devra se poursuivre par une réflexion sur le caractère combustible ou non du déchet.
S'agissant enfin du fluff produit par l'intercommunale Itradec, je signalerai pour terminer qu'en vertu d'une convention signée voici plusieurs années avec l'intercommunale " Ipalle", une réserve de valorisation est garantie à Itradec au niveau du site de l'incinérateur à Thumaide. La mise en place de cette réserve de capacité avait été encouragée par la Région dans le cadre de la subsidiation des installations de Thumaide. Itradec utilise à ce jour partiellement cette capacité. Le fluff n'est par ailleurs pas un combustible adéquat, s'il est introduit en forte proportion dans des installations d'incinération. Si l'intention d'Itradec est d'orienter son fluff vers les cimenteries, il lui reviendra de s'assurer que les limites techniques d'acceptabilité du produit (hétérogène vu son origine) par le processus industriel ne constituent pas un handicap majeur dans la continuité du service à rendre aux usagers.
Il m'appartiendra par ailleurs d'examiner avec l'administration si la combustion en sortie du four relève de la co-incinération ou de l'incinération, ce qui ne doit nullement empêcher les opérateurs d'investiguer davantage dans leurs possibilités de collaboration.