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La réintroduction du castor en Wallonie picarde

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 346 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 12/03/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le castor est le plus gros rongeur d'Europe. Historiquement, il était présent en Wallonie picarde. Chassé intensivement, il finira par disparaître complètement au XIXe siècle. Grâce à des programmes de réintroduction débutés il y a une trentaine d'années, les populations de ce rongeur se sont reconsolidées dans différentes régions. Ce sera bientôt le cas de la vallée de l'Escaut où des spécimens ont été relâchés dans les communes de Pecq et Celles.

    Madame la Ministre peut-elle préciser le nombre d'animaux qui ont été relâchés à Pecq et Celles ? À quelle date ?

    L'opération est-elle terminée et s'est-elle bien déroulée ?

    D'autres communes sur les bassins de la Dendre, de la Haine et de l'Escaut-Lys seront-elles concernées par une réintroduction dans les mois ou années à venir ?

    Cela porte à combien de spécimens sur l'ensemble du territoire wallon depuis que le programme de réintroduction a été lancé ?

    Sur quelles rivières le programme doit-il encore être développé ?

    Quand on évoque le castor, beaucoup songent aux désagréments qu'il peut occasionner, comme l'abattage d'arbres ou la construction de barrages accroissant le risque d'inondation. Sur l'Escaut et ses affluents, la surveillance est désormais assurée par de Département de la Nature et des Forêts (DNF) conjointement avec le Contrat de rivière Escaut-Lys.

    Comment se répartissent les tâches et responsabilités de ces deux organismes ?

    Sur les autres cours d'eau wallons, tient-on des statistiques concernant les problèmes rencontrés ?

    Sont-ils nombreux et à quelle fréquence ?

    Y a-t-il une saisonnalité ?

    Sur la base des enseignements sur d'autres cours d'eau, si les castors devaient construire un barrage et si l'on voit que sa création peut occasionner une inondation, même très localement, comment la chose serait-elle gérée ?

    Si des propriétaires terriens ou des riverains étaient impactés, existe-t-il un procédé d'indemnisation ?
  • Réponse du 28/05/2024
    • de TELLIER Céline
    Alors que la Wallonie fait bien partie de l’aire de répartition naturelle du castor européen, cette espèce avait disparu de notre région vers le milieu du 19e siècle du fait des différentes pressions humaines, dont principalement la chasse.

    Profitant d’une série de réintroductions clandestines à la fin des années 1990, l’espèce a progressivement recolonisé nos cours d’eau dans les années 2000. Elle est aujourd’hui présente dans de nombreux bassins versants wallons, certains étant largement occupés par le castor alors que d’autres présentent encore un potentiel de colonisation.

    Sa présence en Wallonie Picarde et plus précisément dans les bassins de la Dendre, de l’Escaut et de la Lys est récente et encore ponctuelle mais des observations de traces de passage, d’activités voire d’installations se multiplient. Il s’agit vraisemblablement d’individus en provenance de Flandre via l’Escaut ou en provenance de France. Mon administration n’a pas connaissance de réintroduction de castors sur les communes de Celles ou de Pecq.

    La recolonisation des cours d’eau wallons par le castor n’est donc pas le fruit de réintroductions volontaires inscrites dans un programme soutenu par les autorités wallonnes. La réintroduction d’espèces, même si elle est bénéfique pour la biodiversité, ne peut s’envisager que dans des conditions très spécifiques encadrées par la législation.

    Le castor étant une espèce protégée par la directive 92/43/CEE sur la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, le suivi de sa population fait l’objet d’un rapportage officiel tous les six ans. Lors du recensement effectué en 2018, la population du castor européen en Région wallonne a été estimée à environ 3.000 individus répartis sur plus de 700 sites. Une actualisation de cette estimation est en cours, sous le pilotage du DEMNA, en collaboration avec les Contrats de rivières wallons. Il est déjà avéré que l’espèce est toujours en phase d’expansion.

    La restauration des populations de cette espèce autrefois disparue peut être considérée globalement comme un succès. En effet, le rôle joué par le castor pour la biodiversité est positif. Le castor a la capacité d’aménager son habitat pour répondre à ses besoins (assurer sa sécurité, faciliter son accès aux ressources alimentaires), avec parfois une transformation importante des milieux et notamment une renaturation qui profite à toute une série d’espèces. De même, par la création de milieux humides, il peut jouer un rôle positif sur le régime d’écoulement de l’eau.

    Toutefois, l’activité du castor peut aussi causer des difficultés de cohabitation. Les problèmes fréquemment rencontrés ont trait à l’abattage d’arbres, à l’obstruction de pertuis et à la construction de barrages pouvant causer des débordements de cours d’eau ou encore à l’endommagement de berges d’étangs.

    En cas de nuisance, la première démarche est d’envisager une cohabitation avec l’espèce par la mise en place de mesures de prévention ou d’aménagement du milieu. Une brochure intitulée « Cohabiter avec le castor en Wallonie » éditée en 2015 par le DNF et le DEMNA afin d’informer et de donner des conseils techniques est ainsi disponible sur le portail Biodiversité de la Wallonie.

    Certaines situations présentent un risque pour la sécurité publique ou un risque de dommages importants aux biens qui ne peut être résolu uniquement par des mesures préventives. Dans ce cas, une intervention sur l’habitat du castor (destruction de barrage) ou en dernier recours la mise à mort des individus peut être envisagée. Ce type d’intervention ne peut être réalisé qu’après l’obtention d’une dérogation aux mesures de protection des espèces. Une telle autorisation doit respecter les critères d’octroi prévus par la Loi sur la Conservation de la Nature, à savoir :
    - le respect d’un des motifs admissibles (dont en particulier l’intérêt de la santé ou de la sécurité publique, la prévention des dommages importants aux biens ou la préservation d’espèces sauvages) ;
    - l’absence d’autre solution alternative satisfaisante ;
    - l’absence de nuisance à l’état de conservation favorable de la population de l’espèce concernée, tant à l’échelle locale que régionale.

    Le nombre de demandes de dérogation visant le castor d’Europe s’élève à une centaine par an.

    Enfin, les professionnels qui subissent une perte de revenus du fait de l’activité du castor peuvent solliciter une indemnisation pour les dommages directs causés aux cultures, récoltes, bois ou animaux. Dans le cadre de cette procédure, la mise en place de moyens de prévention peut être prescrite et subventionnée.