L'analyse d'opportunité d'un bon d'État régional et le risque de décalage de la courbe des taux
Session : se2024
Année : 2024
N° : 3 (se2024) 1
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Question écrite du 26/07/2024
de HAZEE Stéphane
à DOLIMONT Adrien, Ministre-Président et Ministre du Budget, des Finances, de la Recherche et du Bien-être animal
En date du 11 mars 2024, j'ai eu l'occasion d'interroger Monsieur le Ministre-Président, en tant que précédent Ministre en charge du Budget, quant à l'évolution de la réflexion sur le bon d'état régional. Dans ce cadre, il a présenté plusieurs éléments qui fondent son appréciation, qu'il s'agisse de l'autorisation à solliciter auprès de l'État fédéral, du travail de documentation qu'il s'agirait de mener, de l'absence de compétence de la Région en matière de précompte mobilier ou de durée à prévoir pour de tels financements et des taux qui peuvent y être liés.
Il a aussi évoqué un risque de décalage de la courbe des taux et c'est un élément du raisonnement dont la compréhension ne m'apparaît pas évidente. Je l'avais interrogé à ce sujet via une question écrite déposée en avril dernier. Cette question est restée sans réponse et je la lui adresse donc à nouveau.
Pour reprendre ses propos, il a indiqué que « vient ensuite la question du taux que la Région devrait offrir. La Région, au contraire du Fédéral, ne pourrait pas se permettre de proposer aux investisseurs privés un taux plus attractif que celui offert aux investisseurs institutionnels, le risque étant de provoquer un décalage durable de sa courbe des taux vers une hausse des taux. Un tel mouvement engendrerait un coût sensiblement plus élevé des charges auxquelles la Région wallonne devrait faire face à l'avenir. »
Que vise-t-il en évoquant un risque de décalage de la courbe des taux ?
Il existe aujourd'hui un écart significatif entre le taux offert par les grandes banques aux épargnants pour rémunérer leur épargne et le taux auquel la Région rencontre ses besoins de financement. Si cet écart devait ouvrir la possibilité pour la Région de proposer un taux d'un éventuel bon d'État régional plus attractif pour les épargnants que les produits bancaires et meilleur marché pour la Région que les financements qu'elle obtient, pourquoi se priverait-elle d'étudier cette possibilité ?
Réponse du 04/09/2024
de DOLIMONT Adrien
Quand l’Agence fédérale se finance, elle se doit de suivre la voie la moins chère. En clair, si le financement est réalisé via l’émission d’un bon d’État, le taux offert aux citoyens ne pourra jamais être plus élevé que celui offert aux investisseurs institutionnels lors d’une émission d’une obligation linéaire (OLO).
La Région wallonne suit cette même logique. Par conséquent, si elle envisageait le lancement d’un bon régional, elle devrait impérativement proposer un taux qui ne dépasserait pas celui qu’elle proposerait aux investisseurs institutionnels. Une balise d’écart de taux (spread) maximum est, à cet égard, fixée et suivie de manière régulière par le Conseil Régional du Trésor (CORET) pour les maturités jusqu’à 10 ans et de 11 à 50 ans.
En effet, si le taux offert aux citoyens s’avérait plus avantageux que celui d’application aux investisseurs institutionnels, ces derniers exigeraient immédiatement les mêmes niveaux de taux que ceux obtenus par les investisseurs particuliers, ce qui compliquerait l’exécution des prochaines émissions.
La Région serait alors contrainte de répondre à cette demande d’alignement des taux dont bénéficient les investisseurs institutionnels à ceux appliqués aux particuliers, ce qui provoquerait un déplacement de la courbe des taux de la Région vers le haut.
Dans ce scénario, pour chaque maturité, le taux que la Région devrait alors offrir aux investisseurs institutionnels deviendrait plus élevé qu’avant l’émission d’un hypothétique bon régional.
S’agissant de l’écart entre le taux offert par les grandes banques aux épargnants et celui auquel la Région se finance, il convient de préciser un certain nombre de points : - depuis le succès du bon d’État émis en septembre 2023, les banques proposent des taux qui ont été nettement revus à la hausse ; - pour une maturité de 12 mois, malgré le fait que le taux proposé par la majorité des banques reste inférieur à celui auquel la Région se finance sur cette durée, l’échéancier de la dette ne permet pas de réaliser une émission à 1 an (les amortissements de la dette dépassent 1,55 milliard d'euros pour l'année 2025) ; - les bons à maximum 1 an recueillent potentiellement, auprès des épargnants, un succès nettement plus important que ceux proposant des maturités longues ; - à 12 mois et plus, il est plus opportun de comparer un potentiel bon régional à un placement présentant des caractéristiques très similaires et non à un compte d’épargne ; - cette comparaison est bien plus pertinente avec un bon de caisse que les banques reproposent depuis peu. Celui-ci était passé de mode avec les taux très faibles, voire négatifs. Compte tenu de l’évolution des taux depuis 2 ans, ils reviennent progressivement dans les bonnes grâces des épargnants ; - des banques proposent à nouveau ce produit très similaire à un bon d’État ou régional.
Pour qu’une potentielle émission d’un bon régional soit une réussite, ce qui est essentiel pour l’image et la crédibilité de la Région wallonne tant auprès des investisseurs particuliers qu’institutionnels, il faut des conditions de marché très spécifiques qui permettent d’offrir (tous frais préparatoires et commissions bancaires inclus), un surcroît de rendement brut sensible par rapport à des produits bancaires équivalents en termes de risques et de caractéristiques. Or, ce n’est pas le cas actuellement.