Les bénéfices sur les soins dispensés en maisons de repos
Session : se2024
Année : 2024
N° : 2 (se2024) 1
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Question écrite du 02/09/2024
de MARTIN Nicolas
à COPPIETERS Yves, Ministre de la Santé, de l'Environnement, des Solidarités et de l'Economie sociale
Le secteur des maisons de repos représente un enjeu de plus en plus important à bien des égards.
Le coût des maisons de repos est souvent trop élevé pour bien des familles et des résidents potentiels. Or le vieillissement de la population doit pousser les pouvoirs publics à en faciliter l'accès.
Ce secteur réalise pourtant des bénéfices significatifs et offre des marges qui peuvent être très importantes pour leurs actionnaires.
Aussi, la volonté des négociateurs du prochain Gouvernement flamand d'interdire les bénéfices sur les soins dispensés en maison de repos me semble un élément interpellant à retenir.
Il est en effet difficilement concevable que ces institutions puissent augmenter leurs marges sur la base de soins donnés aux résidents.
Monsieur le Ministre peut-il m'indiquer si, en l'état, des maisons de repos wallonnes touchent des bénéfices sur les médicaments donnés aux résidents ? Est-ce le cas sur d'autres soins ?
Si c'est le cas, le Gouvernement wallon envisage-t-il de suivre l'approche voulue par la Flandre ?
Réponse du 23/09/2024
de COPPIETERS Yves
La consommation de médicaments est liée à la pratique médicale qui relève de l’autorité fédérale, dans le cadre de sa compétence sur l’art de guérir. Il n’appartient donc pas à la Région wallonne de définir des normes en la matière.
Cependant, voici quelques éléments de réponses.
Depuis le 1er avril 2015, la réforme du système de tarification des médicaments ayant une forme d’administration orale-solide (comprimés, gélules, et cetera) a modifié les pratiques en matière de gestion de la médication destinée aux résidents des MR et MRS.
Jusqu’à cette date, la distribution des médicaments se faisait par boîte entière. Afin de limiter le volume de médicaments facturés à l’assurance soins de santé, et ainsi permettre à l’INAMI et au patient de réaliser des économies, une tarification des médicaments à l’unité (tarification par unité de prise – TUH) a été instaurée.
Auparavant, la MRS passait commande et le pharmacien livrait la boîte entière.
Si la MRS s’apercevait que le traitement était inadapté, que le patient souffrait d’une réaction allergique, ou si le résident décédait, la boîte facturée entièrement était perdue, ce qui n’est plus le cas avec ce nouveau système de tarification qui limite la facturation pour le résident, évite d’avoir des stocks de médicaments importants et diminue au final la totalité des médicaments en circulation.
En ce qui concerne spécifiquement la réglementation wallonne, le 2.1.2 du CRWASS (Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé) définit les éléments compris dans le prix journalier, on y retrouve notamment : - « l’approvisionnement, la gestion, le stockage et la distribution des médicaments, sans préjudice du libre choix du pharmacien par le résident ; »
De plus, il existe une liste de petit matériel de soins faisant partie du forfait B2 définie par un arrêté royal du 11 mars 2002 qui liste une série de produits devant servir aux soins quotidiens du résident et ne pouvant pas être facturés aux résidents. Cette liste a été soumise à modification auprès de la commission CAHPA afin d’actualiser cette liste.
Les établissements fonctionnent donc de plus en plus sous un système de préparation individualisée des médicaments en travaillant avec une pharmacie de référence qui fournit l’ensemble des médicaments.
La ristourne reçue par l’établissement doit être rétrocédée au résident et ce point est vérifié par la Direction de l’audit et inspection.
Les établissements doivent donc fournir les médicaments aux résidents sans marge bénéficiaire.
En théorie, il n’est donc pas possible de faire du bénéfice sur les soins sauf dans le cas des conventions avec des prestataires externes.
Certains établissements inscrivent dans leurs conventions des rétrocessions sur l’activité du prestataire externe, ce qui pour l’AViQ est illégal, mais attend un avis tranché de la part de son service juridique (exemple d’une MR qui prend 10 % sur les prestations du kinésithérapeute indépendant prestant sur les résidents MR de l’établissement, à l’instar de ce qu’il fait pour la coiffure). En effet, l’établissement argumente en disant qu’il met à disposition une infrastructure adaptée aux besoins du prestataire indépendant et qu’il est donc normal de facturer cette mise à disposition.
Enfin, pour ce qui concerne les prestations de soins à charge de l’autorité publique, à savoir le financement du personnel de soins, il appartient aux mutuelles, via le contrôle Kappa (taux de concordance entre les catégories de dépendance notifiées par les MR(S) et celles contrôlées par le Collège intermutualiste), d’examiner que le personnel de soins financé conformément à la situation de chaque résident selon l’échelle de Katz est bien présent.
Considérant qu’il s’agit d’un financement relevant de la gestion paritaire et donc attaché à la situation de chaque résident, il n’existe pas de contrôle d’utilisation des moyens autres que le contrôle Kappa.
Lorsque des subventions sont allouées par l’AViQ, elles sont justifiées comme dans tout régime subventionné, lequel ne permet pas de dépasser les sommes réellement exposées par le bénéficiaire.
Considérant la pénurie de personnel de soins dans le secteur, il est raisonnable de penser que les établissements dépensent plus qu’ils ne reçoivent, dans certains cas, pour rester attractifs pour ce personnel et ne font pas de bénéfice, en conséquence.
Enfin, la gestion paritaire conduit à la conclusion de conventions en matière de soins au niveau régional, comme c’était le cas lorsque la compétence était exercée par l’INAMI : en adhérant à la convention conclue à la commission accueil et hébergement des aînés, les prestataires de soins acceptent de respecter le cadre de financement, sans quoi ils se privent des ressources du financement public. Mettre en place une autorisation d’effectuer des bénéfices sur les soins de santé financés par l’autorité publique, requérait de revoir la convention, ce qui n’est certainement pas à l’ordre du jour des parties prenantes. Il y va de l’accessibilité et de la qualité des soins.
Si bénéfice il y a, ils sont à considérer sur les frais d’hôtellerie. Une attention y est portée, en particulier au regard du bien-être des résidents, en cas de plainte : dans ces cas, l’audit et l’inspection évaluent les dépenses de nourriture pour vérifier que quantité et qualité sont suffisantes. Mais chaque résident est libre de choisir l’établissement qui lui correspond le mieux, y compris un établissement offrant une variété de services supplémentaires et dont le prix de journée est plus élevé pour cette seule raison.