à COPPIETERS Yves, Ministre de la Santé, de l'Environnement, des Solidarités et de l'Economie sociale
À la faveur de son interview de rentrée, Monsieur le Ministre évoquait son rêve d'un monde sans pesticide, nous avons donc au moins un rêve en commun. On peut dire, sans risque de se tromper, que sa collègue Ministre régionale de l'Agriculture ne partage pas notre rêve puisqu'elle n'a de cesse de rappeler le rôle utilitaire de ces substances.
Au niveau de la DPR, il plaide pour un alignement sur les positions européennes et fédérales, mais aussi pour une diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires.
Comment concilier un monde sans pesticide et une position européenne qui, on le sait, va perdre en ambition ?
Il entend développer des projets pilotes. Cela revient-il à dire qu’il juge les expériences actuelles insuffisantes ?
Quel budget Monsieur le Ministre va-t-il mettre sur la table en vue d'implémenter ces projets pilotes ?
Il évoquait des contacts avec sa collègue Madame la Ministre Dalcq sur le sujet. Qu'est-il ressorti de ces contacts ?
Il a la qualité des masses d'eau dans ses compétences. Peut-il dresser un bilan rapide de leur contamination par des résidus de pesticides ? Arrive-t-on à les éliminer ? Quel est le coût annuel de leur gestion ?
Réponse du 18/09/2024
de COPPIETERS Yves
Malgré le revirement de la Commission européenne en février 2024 qui a décidé de retirer son projet « SUR » c’est-à-dire le règlement sur l’utilisation durable des pesticides qui devait remplacer la Directive-cadre Pesticides 2009/128/CE, le Programme wallon de réduction des pesticides 2023-2027 (PWRP 3) maintient l’objectif de réduction d’utilisation des pesticides et des risques y associés porté par la Stratégie européenne « de la fourche à la fourchette » (Farm2Fork (Stratégie européenne « de la fourche à la fourchette » = stratégie appelée Farm2Fork = la stratégie proposée par la Commission européenne qui vise un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement)).
La Présidente de la Commission ayant été reconduite à son poste, nous espérons qu’elle tiendra son engagement de revenir avec une nouvelle proposition de règlement SUR mieux concertée avec toutes les parties prenantes dont les agriculteurs.
La Wallonie peut se féliciter d’avoir supprimé, depuis 10 ans, l’utilisation des pesticides dans les espaces publics et les espaces fréquentés par des groupes vulnérables tels que les femmes enceintes ou les enfants. Il reste cependant encore du travail à faire pour agir intelligemment et durablement avec le secteur agricole.
Les différents PWRP mis en œuvre depuis 2013, s’attachent à mettre en œuvre des mesures pour atteindre les objectifs, mais le travail est toujours en cours et il nécessite des moyens importants.
Le budget du PWRP 3 actuel avoisine les 12 millions d’euros pour la période 2023-2027. Il contient 29 actions dont certaines concernent directement le secteur agricole. Citons, par exemple les actions qui visent à : • définir des scénarios de transition agricole multi-filières à l’échelle régionale ; • développer un réseau d’exploitants exemplaires dans le domaine de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP) ; • mettre en évidence des itinéraires techniques privilégiant à la fois une diminution des produits pharmaceutiques et un accroissement de la biodiversité fonctionnelle.
À côté du PWRP proprement dit, il faut citer également le Plan Agro-Ecologie « Terraé » mis en place dans le cadre du Plan de relance.
Je serai attentif aux recommandations et bonnes pratiques identifiées afin de pouvoir tirer des conclusions de certains projets pilotes.
J’ai pu pleinement mesurer les enjeux du monde agricole lors de mes rencontres lors de la Foire agricole de Libramont notamment.
J’ai évidemment déjà abordé la question avec ma collègue, la Ministre Dalcq, qui je suis certain, est très attentive aux questions de santé publique, qui rappelons-le, intègre également la santé de nos agriculteurs.
Les troisièmes Plan de gestion par district hydrographique (PGDH 3), élaborés pour la période 2022-2027 pour répondre aux obligations de la Directive-Cadre sur l’Eau et qui ont été adoptés par le Gouvernement le 13 juillet 2023, montrent que 7 de nos 34 masses d’eau souterraines sont classées en mauvais état suite à des contaminations par les pesticides.
Par ailleurs, 80 des 352 masses d’eau de surface wallonnes étaient impactées par au moins un pesticide dont la concentration mesurée dans l’eau dépassait la norme en vigueur.
Ce sont les cours d’eau situés en zone de culture qui connaissent le plus de dépassements des normes, comme dans le District de l’Escaut où 67 % des masses d’eau sont déclassées, principalement par des herbicides et des insecticides.
Cependant, la pollution des rivières aux pesticides est sans doute plus importante que ne le montrent ces chiffres, car les normes en vigueur se basent sur des substances actives dont l’utilisation est désormais interdite, alors qu’elles ont été remplacées par des molécules non encore intégrées dans les normes actuelles.
À ce titre, lors de l’élaboration des derniers PGDH, on a détecté la présence de 114 substances actives différentes dans nos cours d’eau, toutes les masses d’eau en contenaient au moins une.
Mon administration est en train d’élaborer les futurs PGDH4 qui doivent être adoptés d’ici 2027 et je souhaite pleinement m’y impliquer. Les données seront d’ailleurs mises à jour dans les mois à venir.
Selon l’analyse des coûts supplémentaires liés aux nitrates, aux pesticides présents dans les captages d’eau souterraine potabilisable réalisée en 2021, les surcoûts annuels liés au traitement des pollutions d’origine anthropique pour les trois producteurs d’eau potable considérés dans l’étude NIPEST (SWDE, CILE et INASEP) s’élèvent à un peu plus de 3 millions d’euros. Ce montant, rapporté au volume produit total représente un surcoût de production de 1,5 centime d’euro/m³ produit et un surcoût sur le prix facturé de 2,4 centimes d’euros/m³ distribués.
Sous les mêmes conditions, le coût moyen de traitement de 1m³ d’eau est de 15,3 centimes d’euros/m³ traités. Ces chiffres indiquent l’importance de continuer à œuvrer pour la préservation qualitative de la ressource en eau vis-à-vis des pollutions anthropiques.