Les conséquences de la faillite de l’entreprise de construction Batifer
Session : 2024-2025
Année : 2024
N° : 5 (2024-2025) 1
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Question écrite du 23/09/2024
de HUBERTY François
à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, du Numérique, de l'Emploi et de la Formation
L'entreprise de construction Batifer, établie jusqu'alors à Libin, en province de Luxembourg, a été déclarée en faillite au début de ce mois de septembre 2024. Le rapport de gestion pointe du doigt une cadence de production ralentie à partir de 2023, provoquée par les temps de construction des maisons devenus trop longs et ne permettant pas des mouvements de trésorerie capables de couvrir les frais en temps et en heure, avec pour conséquence, notamment, la disparition soudaine, sur les chantiers, de sous-traitants.
L'inflation, entre 2021 et 2023, du coût des travaux d'abords et de terrassement de fin de chantier pour des projets sur lesquels Batifer était à la fois promoteur et constructeur ont également fait « chuter la marge » sur différents chantiers, aggravant encore les problèmes de trésorerie.
Cette faillite signifie plusieurs choses : - tout d'abord, la perte d'emploi de 48 équivalents temps plein - dont certains avaient, sentant les difficultés arriver, déjà quitté l'entreprise dans les mois précédents la faillite de celle-ci ; - ensuite, des projets non achevés qui recherchent désormais repreneurs pour être menés à terme; - enfin, un manque à gagner pour Wallonie Entreprendre, l'outil économique ayant octroyé un prêt avec garantie à l'entreprise.
Quelle est la lecture de Monsieur le Ministre des difficultés évoquées par Batifer ?
D'autres entreprises du secteur de la construction, moteur essentiel de l'économie wallonne, lui ont-elles fait part de difficultés de trésorerie ?
Monsieur le Ministre pourrait-il nous fournir quelques chiffres sur l'évolution des durées de construction des bâtiments wallons et les conséquences économiques que leur allongement dans le temps est susceptible de provoquer ?
Peut-il nous donner plus d'information sur l'évolution de l'inflation des matériaux de construction et des travaux d'aménagement - notamment sur les chiffres témoignant de cette évolution et les causes de celle-ci ?
Sur le cas plus spécifique de Batifer, une prise en charge adaptée du personnel remis sur le marché de l'emploi a-t-elle été opérée ?
Ses services ont-ils pris contact avec les commanditaires des projets en cours ou le curateur de Batifer pour assurer la continuité des opérations ? Le cas échéant, a-t-il été contacté par l'un d'eux ?
Enfin, peut-il donner des indications plus précises sur le prêt octroyé par Wallonie Entreprendre et les pertes occasionnées pour la Région wallonne dans cette affaire ?
Réponse du 16/10/2024
de JEHOLET Pierre-Yves
Depuis janvier 2021, Wallonie Entreprendre (à ce moment, la SOGEPA) a accompagné Batifer dans son projet de retournement. Sur les années 2021 et 2022, une évolution positive avait été notée. La société avait réorienté son portefeuille de projets vers les segments de la « promotion immobilière » et des maisons « clé-sur-porte », secteurs où la marge était structurellement plus élevée. Toutefois, les bénéfices engrangés n’ont pas été suffisants pour constituer une trésorerie permettant de faire face aux augmentations de coûts et à la contraction de la demande, difficultés économiques principalement liées à la sortie de la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine. Une trésorerie tendue a amené l’entreprise à devoir prioriser les paiements entre fournisseurs, ce qui a conduit à des retards sur chantiers, et donc diminué drastiquement la capacité de l’entreprise à facturer à temps.
A la considération des pertes de 2023 à hauteur de 2,2 millions d’euros, des perspectives financières pour 2024 et de la recapitalisation élevée nécessaire, l’administrateur délégué et actionnaire majoritaire a décidé de cesser les activités de l’entreprise.
Le 23 août dernier, la société Batifer a été déclarée en faillite, soit une semaine après sa mise en liquidation volontaire et sur constatation d’une trésorerie exsangue par le mandataire liquidateur. Parmi les 10 employés licenciés, 7 prestaient un préavis résultant d’une démission. Environ 25 ouvriers ont également été licenciés, quelques départs volontaires dans les équipes de production ayant été actés lors des mois précédents. L’impact net de pertes d’emploi est estimé à 28 personnes (3 employés et 25 ouvriers).
Les perspectives pour retrouver rapidement un emploi sont bien réelles pour des profils tels que maçon, coffreur, conducteur, deviseur, et cetera, profils qualifiés pour lesquels une pénurie sur le marché est constatée.
Concernant les maisons individuelles, aucun chantier n’avait démarré sur l’année 2024.
Le travail propre à Batifer est le gros œuvre, le reste est sous-traité. De plus, les maîtres d’ouvrage paient par tranche, selon l’état d’avancement. Finalement, à la connaissance de Wallonie Entreprendre (WE), tous les chantiers en cours ont été couverts par une garantie loi Breyne souscrite par l’entreprise. L’impact financier net pesant sur les maîtres d’ouvrage est considérablement réduit par ces éléments.
Quant aux chantiers de construction d’immeubles, un premier a été repris par une société participée par WE à des fins de bonne continuité, un deuxième est toujours propriété de la société de promotion immobilière sœur de Batifer et le troisième, à l’état de gros œuvre fermé, suscite l’intérêt d’acheteurs potentiels.
En août 2020, WE est intervenue en faveur de la société Batifer en octroyant un prêt d’un montant de 200.000 euros, contribuant au financement nécessaire au plan de rebond de la société, dans un effort conjoint avec l’actionnaire et Luxembourg Développement. Batifer a honoré le paiement de l’ensemble des échéances en capital et en intérêts jusque fin juin 2024. Le solde restant dû au moment de la faillite de l’entreprise s’élève à 94 000 euros. Le prêt avait été doublement sécurisé par une garantie hypothécaire et par une co-débition solidaire et indivisible auprès de sociétés sœurs de Batifer. Par la qualité des sûretés prises, WE est confiant de pouvoir récupérer la quasi-totalité de sa créance auprès du curateur. Le curateur a également corroboré la confiance de WE.
De façon générale, le Gouvernement wallon reconnait l’impact structurant et sociétal pour la Région du secteur de la construction. WE accompagne quelques acteurs majeurs du secteur. Cependant, conformément au secret des affaires, il ne m’appartient pas de commenter sur des situations de trésorerie particulières. Mais il est manifeste que les difficultés de l’année 2023 et les très fortes intempéries du premier semestre 2024 ont eu un impact sur la trésorerie des acteurs du secteur.
Selon STATBEL, par rapport à une base 100 établie en 2015, l’indice des prix à la production dans la construction est passé d’une valeur 109,9 en l’année 2021 à la valeur 143,5 à la fin du deuxième trimestre 2024. Ceci représente une augmentation de 43,5 % sur les 9 dernières années et une augmentation notable de près de 25 % sur les trois dernières années. Cette augmentation de 25 % impacte de manière très similaire coûts salariaux et coûts des matériaux.
Quant à la demande en maisons neuves individuelles, la contraction du marché semble continuer en 2024, avec un nombre de permis accordés historiquement bas à hauteur 2 430 unités, soit une réduction de 30 % par rapport à 2022. L'augmentation du nombre d'appartements contrebalance toutefois cette tendance.