à COPPIETERS Yves, Ministre de la Santé, de l'Environnement, des Solidarités et de l'Economie sociale
Le sans-abrisme et l'absence de "chez soi" représentent des formes significatives d'exclusion sociale, constituant une préoccupation majeure tant dans le cadre de la lutte contre la pauvreté que de la santé publique. La ville de Liège fait actuellement face à une augmentation notable de personnes sans-abris, accompagnée d'une mendicité parfois perçue comme agressive, ce qui accroît le sentiment d'insécurité parmi les citoyens.
Monsieur le Ministre dispose-t-il d'informations sur les raisons principales de l'augmentation du sans-abrisme à Liège ?
Existe-t-il des études ou enquêtes qui analysent les causes de cette hausse, telles que la précarité, les problèmes d'addictions, ou d'autres facteurs spécifiques à la ville ?
Bien qu'il soit délicat d'établir une corrélation directe entre cette situation et la hausse des cas de toxicomanie, il semble néanmoins que l'augmentation du sans-abrisme s'accompagne d'un accroissement du nombre de toxicomanes présents dans la ville.
Monsieur le Ministre a-t-il des données plus récentes pour déterminer combien de personnes sont dans cette situation de sans-abrisme à Liège ?
Quel est le pourcentage de personnes présentant des assuétudes ou de la toxicomanie ?
Dans cette optique, il apparaît urgent de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge efficace des personnes sans-abri à Liège, pour lutter contre la pauvreté, assurer la santé publique et renforcer la sécurité.
Quelles actions, programmes spécifiques ou financements sont mis en place par la Région wallonne pour soutenir concrètement les villes dans leur prise en charge des sans-abris, en particulier ceux déployés à Liège ?
De nouvelles mesures sont-elles envisagées ?
En 2014, la Région wallonne a d'ailleurs signé un accord de coopération concernant le sans-abrisme et l'absence de chez soi.
Quelle est la compétence de la Région wallonne dans le cadre de cet accord ?
Nécessite-t-il une mise à jour dans le périmètre des compétences de Monsieur le Ministre ?
En 2021, la Fondation Roi Baudouin a publié les résultats du recensement des personnes sans-abris effectué en octobre 2020 à Liège, faisant état de 422 adultes et 78 enfants dans cette situation. 43,8 % présentaient des problèmes d'assuétude. Une prise en charge efficace des personnes sans-abris avec ou sans assuétude doit commencer avec une vision claire et objectivée quant au nombre de personnes qui sont concernées.
Monsieur le Ministre a-t-il des données actualisées ? Le cas échéant, pourrait-il les fournir ?
Réponse du 16/12/2024
de COPPIETERS Yves
La Déclaration de politique régionale (DPR) souligne clairement la volonté de notre Gouvernement de promouvoir l’inclusion des personnes en situation de sans-abrisme ou d’absence de chez soi. Ces situations résultent le plus souvent de causes multifactorielles : crises successives, accident de vie, et cetera, et nécessitent une action publique concertée.
Depuis 2009, les relais sociaux collectent des données pour l’IWEPS, offrant une vue sur les services dédiés à la grande précarité ainsi que sur le profil des utilisateurs de ces derniers. Parallèlement, des dénombrements initiés par la Fondation Roi Baudouin en 2020 visent à connaitre la situation du phénomène sur un territoire donné. Ces dénombrements sont désormais soutenus financièrement par la Wallonie jusqu’en 2026, qui a chargé l’Observatoire wallon du sans-abrisme (OWSA) de leur organisation. Ils sont réalisés dans les territoires qui manifestent leur intérêt à quantifier, connaître et mieux comprendre les situations d’exclusion du logement vécues par leurs citoyens. Par ailleurs, l’équipe de recherche du CIRTES de l’UCLouvain a pu réaliser une 1re extrapolation de ces dénombrements à l’échelle du territoire wallon : on estime que 14 342 adultes sont concernés par une situation de sans-abrisme ou d’absence de chez soi et que 4 713 enfants partageraient la situation de mal-logement de leurs parents, soit un total de 19 055 personnes.
Les interprétations et les analyses qui sont réalisées sur la base des chiffres obtenus mettent en évidence les causes, mais aussi les liens qui peuvent être faits entre différents facteurs. Ainsi, environ 28 % des personnes ont des problèmes d’assuétudes, alors que 30 % souffrent de trouble de santé mentale, et 14 % cumulent les deux problématiques. Et l’on sait que plus le temps en rue est long, plus le risque de développer des difficultés de santé mentale est important.
Aujourd’hui, plusieurs dispositifs agissent avec efficacité sur l’ensemble du territoire wallon :
Le programme Housing First, basé sur l’accès immédiat au logement pour les personnes sans-abri, démontre une efficacité certaine en matière de réinsertion. Les 13 dispositifs Housing First en Wallonie, coordonnés par l’OWSA, bénéficient d’un monitoring continu et de formations spécifiques. Toutefois, un manque de logements salubres et accessibles reste un frein majeur.
Le projet «Territoires zéro sans-abrisme», coordonne 10 expériences pilotes, dont une est menée à Liège, englobe des actions préventives et des partenariats avec des acteurs en santé mentale et assuétudes. Les résultats seront évalués pour intégrer des recommandations dans une stratégie de lutte contre le sans-abrisme.
Enfin, en ce qui concerne l’ensemble du pays, l’OWSA a collaboré à la révision de l’Accord de coopération entre l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale, la Communauté flamande, la Communauté germanophone, la Commission communautaire française de la Région Bruxelles-Capitale, la Commission communautaire commune et la Communauté française concernant le sans-abrisme et l’absence de chez soi. Cet accord vise à clarifier les objectifs communs des différents Gouvernements et à y introduire des aspects méthodologiques actualisés, tels que : les échanges des données qualitatives et quantitatives ou encore la diffusion de bonnes pratiques entre les différentes entités dans l’objectif commun de mettre fin au sans-abrisme et au mal-logement. Dans le cadre du Housing First notamment, l’OWSA et le Housing First Lab au niveau national ont d’ores et déjà initié une collaboration avec la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale afin de développer une récolte de données harmonisée et fiable sur l’ensemble du territoire belge.
En cela, la Wallonie s’inscrit dans la lignée de l’accord de coopération susmentionné qui, dans son article 10, §3, recommande un dénombrement périodique et régulier des personnes sans abri.
La révision de cet accord de coopération a été finalisée et celui-ci suit actuellement son processus législatif.
Rappelons pour conclure que la Ville de Liège a, en 2020, joué un rôle précurseur en soutenant l’organisation d’une action de dénombrement sur son territoire.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’implication de l’ensemble des acteurs locaux qui sont indispensables à une telle action et ne peux qu’encourager la tenue d’un nouveau recensement dès lors que celui-ci est un outil important pour rendre compte des réalités et de la complexité du phénomène du sans-abrisme et de l’absence de chez soi sur un territoire donné. Les difficultés énoncées pourront ainsi être objectivées et les politiques publiques orientées en conséquence, pour un impact ciblé et opérant, dans l’intérêt de toutes et tous.