à COPPIETERS Yves, Ministre de la Santé, de l'Environnement, des Solidarités et de l'Economie sociale
L'ISSeP travaille notamment sur l'exposition de la population aux pesticides agricoles. Une étude menée récemment fait peur : elle montre que près de 3 830 Namurois subiraient une exposition très élevée. En Hainaut, ils seraient 13 751 à être exposés à ce niveau. Toutes les communes ne sont pas touchées ou sont touchées à des degrés divers.
Néanmoins, cela pose question sur la santé des Wallons et des Wallonnes !
L'exposition résidentielle aux pesticides est fortement influencée par les périodes de pulvérisation. Heureusement, elles ne sont pas constantes toute l'année. Plus on est proche du lieu de pulvérisation, plus l'exposition est élevée et plus la contamination est forte.
Je pense également aux conséquences de l'exposition (directe) sur les agriculteurs et leur famille, mais aussi à l'agribashing. Souvent associés à la dispersion des produits phyto, les sources d'exposition ne sont pas uniquement la cause des agriculteurs. Elles sont nombreuses : l'alimentation, l'eau, l'usage domestique comme les anti-poux et les produits utilisés dans le jardinage (30 % de l'exposition).
Comment Monsieur le Ministre analyse-t-il les résultats de cette étude de l'ISSEP ?
Qu'en est-il de l'existence des zones tampons entre les zones de pulvérisation et les zones résidentielles ?
Une simplification et une harmonisation sont-elles à l'ordre du jour de ses travaux ? De nouvelles zones seront-elles créées ?
Un registre des pulvérisations digital et public est-il en cours d'élaboration ?
Qu'en est-il de la protection des agriculteurs et de leur famille ?
Réponse du 11/12/2024
de COPPIETERS Yves
Je salue l’intérêt de l’honorable membre pour la question des produits phytopharmaceutiques qui constitue un enjeu de santé publique et environnementale.
Pour commencer, je souhaite préciser la situation wallonne sur cette question.
En effet, plusieurs mesures visant à réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ont été prises dans le cadre des Programmes wallons de réduction des pesticides qui se sont succédé depuis 10 ans.
Comme l'exige l’arrêté du Gouvernement wallon du 11 juillet 2013, les utilisateurs professionnels de pesticides doivent respecter des normes de distance minimale à proximité des zones sensibles (protection de la ressource aquatique et des zones fréquentées par des populations vulnérables) où toute application de pesticides est interdite afin de réduire les risques liés aux pesticides.
Depuis 2018, ces zones protégées ont été étendues autour des sites scolaires, des crèches et des milieux d’accueil de la petite enfance où une zone tampon non traitée de 50 m doit être respectée pendant les heures de fréquentation de ces lieux.
D'autres mesures incluent le « zéro phyto » pour les gestionnaires d'espaces publics depuis le 1er juin 2019, l'application obligatoire des principes de lutte intégrée ou encore l'interdiction des herbicides de synthèse dans les espaces privés depuis le 1er janvier 2020. Les efforts politiques ont montré la volonté de la réduction de l'exposition, mais l'élimination complète reste un défi.
Concernant l’étude de l’ISSEP qu’il évoque, il convient avant tout de replacer le contexte de la réalisation de cette étude et du développement de cet indicateur. Cela permettra d’en saisir les limites. Cette étude se rattache au cadre plus large d’un projet qui a pour objectif d’identifier, d’acquérir et d’intégrer dans un système d’information géographique des données environnementales, populationnelles et sanitaires afin de localiser et hiérarchiser des zones potentiellement à risques en Wallonie et d’analyser les liens environnement santé.
Le travail s’articule autour de plusieurs volets de recherche, avec l’identification des points noirs environnementaux, la caractérisation des pressions environnementales et des publics vulnérables, la construction d’indicateurs de vigilance autour de ces publics. Dans ce contexte, l’ISSeP a développé un indicateur spatialisé de la charge de pesticides agricoles sur les cultures afin d’évaluer la pression phytosanitaire potentielle sur le territoire et sur différents publics, ainsi que la localisation des zones de vigilance.
Ce travail offre des indications précieuses sur la pression phytosanitaire dans l’environnement et constitue une étape importante vers la quantification de l'exposition aux pesticides des personnes vivant à proximité des champs.
Comme détaillé dans les articles, plusieurs limites et précautions d'interprétation doivent être prises en compte. Les cartes actuelles sont basées sur des taux d'application estimés reflétant l'utilisation agricole générale pour 12 types de cultures principales.
En outre, les estimations ne prennent en compte que les pesticides appliqués sur la culture principale de la parcelle au cours de chaque année. Autrement dit, les traitements sur les cultures secondaires, intercultures, traitements des bords de champs, semences ou anti-germes ne sont malheureusement pas encore pris en compte, faute de données disponibles.
Rappelons également qu’il s’agit ici d’un indice basé sur une analyse de voisinage. Il ne s’agit pas d’un modèle complexe de dispersion atmosphérique des pesticides agricoles, prenant en compte la direction des vents dominants et la topographie. Les valeurs de l'indice ne peuvent pas être utilisées pour prédire les concentrations de pesticides ou les charges de pesticides, et ne se réfèrent à aucun seuil de risque. L'interprétation des résultats, surtout à fine résolution, doit donc être faite avec précaution.
Ces premières estimations permettent néanmoins de cibler les zones prioritaires pour y mener des études complémentaires et d'éventuelles mesures d'atténuation. Il est essentiel d’agir pour protéger nos citoyens.
Dans le cas de la carte présentée dans l’article, la catégorie la plus exposée couvre un total de 40.954 personnes. Elle permet de cibler 1.1 % des habitants potentiellement les plus exposés en Wallonie, autrement dit où les cultures traitées de manière plus intensive dominent à proximité des habitations.
Cependant, ces travaux traduisent une réalité agronomique que nous connaissons. Je souhaite clairement que ce niveau d’exposition diminue tant pour nos agriculteurs que pour notre population. Je travaille avec mon administration sur ce point et comme prévu dans la DPR, afin de réduire l’exposition globale de la population, je poursuivrai les concertations avec le Fédéral et plaiderai au niveau européen pour établir un haut niveau de règlementation.
Comme l’honorable membre le sait, l'exposition des agriculteurs aux produits phytopharmaceutiques sera évaluée dans le cadre du biomonitoring. Dans ce cadre, c’est l’exposition globale aux substances qui est évaluée, toutes sources et toutes voies d’exposition confondues.
Le Centre de recherche agronomique de Gembloux développe une boîte à outils reprenant les moyens et techniques d’atténuation de l’exposition des riverains à ces produits ainsi qu’un outil d’aide à la décision permettant de sélectionner les outils les plus appropriés selon les situations rencontrées. La SOCOPRO bénéficie d’un soutien financier afin d’accompagner les communes à mettre en place sur le terrain des aménagements qui limite cette exposition.
Pour ce qui est du registre électronique d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à usage professionnel, c’est une obligation légale européenne qui entrera en vigueur le 1er janvier 2026. La Wallonie a anticipé cette nouvelle règle et elle développe actuellement une application qui permettra de répondre aux obligations européennes et à d’autres possibilités intéressantes pour les utilisateurs de PPP. La version Beta de l’application est en test actuellement auprès d’un panel de producteurs.