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Le maintien du droit au chèque-habitat et le taux d’enregistrement à 3 pour cent

  • Session : 2024-2025
  • Année : 2024
  • N° : 83 (2024-2025) 1

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  • Question écrite du 18/12/2024
    • de MOCKEL Freddy
    • à DOLIMONT Adrien, Ministre-Président et Ministre du Budget, des Finances, de la Recherche et du Bien-être animal
    Le chèque-habitat est un dispositif fiscal réservé à l'acquisition d'une propriété immobilière unique destinée à l'habitation propre des acquéreurs. La majorité MR-Les Engagés a décidé de supprimer le dispositif du chèque-habitat au 1er janvier 2025, et a voté en ce sens un décret le 4 décembre dernier au Parlement.

    Ma question porte donc sur des cas existants, parfois anciens qui sont en suspens, voire litigieux, et qui tournent autour de la question de savoir si les conditions d'une propriété immobilière unique à destination de l'habitation propre sont bel et bien remplies pour avoir droit au chèque-habitat.

    Mais, pour le futur, elle concerne aussi le droit au taux de 3 % pour l'enregistrement, même si, dans le cas d'une nécessaire revente d'un autre bien, le délai est prolongé à trois ans. 

    Par rapport au principe de propriété immobilière unique, il existe des exceptions, notamment dans les cas de copropriété, nue-propriété ou usufruit d'habitations acquises par héritage ou donation (dont on ne jouit donc pas pleinement) ou dans le cas des conditions du chèque-habitat, lorsqu'un immeuble antérieur est mis sur le marché immobilier avant la fin de la même année (et effectivement vendu avant la fin de l'année suivante). 

    Cependant, il existe dans la pratique de l'administration fiscale et des tribunaux certains cas « frontières » où l'application du dispositif légal est problématique. C'est le cas notamment de procédures d'expropriation (qui ne sont pas considérées comme des ventes) ou des impossibilités juridiques de ventes dans les délais prescrits. 

    Lors des échanges en commission parlementaire autour du « chèque-habitat », le Ministre en charge à l'époque (M. Paul Furlan) justifiait l'exception suivante :  « Si vous héritez d'un bien, soit vous en héritez seul et dans ce cas vous perdez l'avantage fiscal, sauf à vendre votre bien dans le délai d'un an ou… ; si vous en héritez ou si vous avez une donation en copropriété, on part du principe que vous n'avez pas la maîtrise, souvent même pas la jouissance et en tout cas pas la maîtrise. C'est pour cela que pour les donations et les héritages en copropriété, on maintient un avantage fiscal sur la première maison parce que l'on peut considérer que vous n'avez pas tout à fait la maîtrise du bien qui vous est transmis ».

    Dès lors, en quoi les cas cités de l'expropriation ou de l'impossibilité juridique de vente, comme dans des procédures de divorce, ne seraient-ils pas également des situations où on ne maîtrise pas tout à fait non plus « son » bien ? Fréquemment, d'ailleurs, ces biens sont même devenus inoccupés ou improductifs.

    Concrètement, dans des procédures de divorce, il arrive régulièrement qu'un des (ex)-partenaires fait obstruction à la vente en engageant une procédure judiciaire et provoque ainsi le dépassement du délai de cession du bien pour l'autre, qui espère maintenir son droit au chèque-habitat.

    Et dans le cas d'un bien où une procédure d'expropriation fait dépasser les délais, quel principe justifierait une « discrimination » / distinction entre vente et expropriation dans l'éligibilité du chèque-habitat ou du maintien du droit d'enregistrement au taux de 3 % ?

    Bref, en cas d'impossibilité juridique de vendre l'autre habitation qui de surcroît serait improductive et inoccupée (distinction à faire ?), le contribuable wallon peut-il :
    - dans le respect de l'esprit de la loi/du décret, bénéficier de la dérogation prévue au point 1° de l'article 145/46 quater du CIR 92, pour ceux qui bénéficient encore du chèque-habitat ?
    - maintenir le droit au taux d'enregistrement de 3 % dans la cadre du décret du 4 décembre 2024, qui produira ses effets au 1er janvier 2025 ?

    Quel principe justifierait l'exclusion de ces deux régimes fiscaux pour des personnes n'ayant pas pu vendre leur premier bien immobilier pour des raisons indépendantes de leur volonté ?
  • Réponse du 28/01/2025
    • de DOLIMONT Adrien
    Il convient de rappeler que, comme le précise l’exposé des motifs du décret du 5 décembre 2024 portant réforme de la fiscalité wallonne et instaurant un taux réduit de droits d’enregistrement pour l’acquisition d’une habitation propre et unique ainsi qu’une diminution générale des droits de succession (ci-après, le décret), le chèque habitat est un régime de soutien des ménages endéans une période postérieure à l’acquisition de leur habitation. Il s’agit d’un dispositif fiscal d’aide à la possession au détriment d’une aide à l’acquisition de l’habitation propre et unique.

    Il convient dès lors de ne pas confondre aide à la possession (chèque-habitat) et aide à l’acquisition (taux réduit de 3 %). Il s’agit de deux mécanismes qui interviennent à des moments distincts. Le taux réduit intervient au moment où les acquéreurs en ont le plus besoin, à savoir lors de l’achat, en vue de favoriser l’accès à la propriété, tandis que le chèque habitat intervient après l’acquisition immobilière et vise à faciliter le remboursement de l’emprunt hypothécaire, de sorte qu’il n’impacte que très faiblement la faculté pour un ménage de procéder à une acquisition immobilière. D’autant que l’octroi de la réduction d’impôt (chèque-habitat) est subordonné au respect de conditions très strictes.

    Le décret a été publié au Moniteur belge du 13 décembre 2023 et instaure un droit réduit de 3 % pour les actes authentiques d’acquisition passés à partir du 1er janvier 2025 et les compromis de vente enregistrés, conclus à partir de la même date. Dans le même temps, le décret prévoit de mettre fin à divers avantages fiscaux liés à la possession et à l’acquisition d’une habitation (abattements, taux réduits, chèque-habitat).

    Le chèque-habitat suppose que l’opération ait pour objet l’acquisition de la pleine propriété de l’habitation. Il ne s’applique pas en cas d’acquisition de la nue-propriété, de l’usufruit et de constitution d’un droit d’emphytéose ou de superficie. Il doit s’agir de l’habitation unique du contribuable qu’il occupe personnellement au 31 décembre de l’année de la conclusion du contrat d’emprunt.

    Le contribuable ne peut posséder que cette seule habitation. Il ne peut être (co)propriétaire, nu-propriétaire, usufruitier, superficiaire, emphytéote ou possesseur d’autres habitations, SAUF s’il s’agit :
    - d’une habitation reçue par succession ou par donation et détenue en indivision avec une tierce personne ;
    - d’une habitation mise en vente au 31 décembre de l’année de conclusion du crédit et pour autant qu’elle soit vendue au plus tard le 31 décembre de l’année suivante ;
    - d’une habitation louée via une agence immobilière sociale ou par une société de logement public ;
    - d’une habitation non occupée personnellement par le contribuable :
    * pour des raisons professionnelles ou sociales (ex. l’acquéreur est licencié par son employeur et trouve un emploi dans une autre province ; l’acquéreur doit être hospitalisé pour une maladie grave) ;
    * en raison d’entraves légales ou contractuelles qui rendent impossible l’occupation de l’habitation par le contribuable à cette même date (ex. l’immeuble fait l’objet d’un arrêté d’expropriation d’extrême urgence ; dans le cadre d’une procédure de divorce, le conjoint reprend la part du contribuable) ;
    * en raison de l’état d’avancement des travaux de construction ou de rénovation qui ne permettent pas au contribuable d’occuper l’habitation à la même date (ex. les travaux ont pris plusieurs mois de retard en raison d’un fournisseur négligent, de la faillite de l’entrepreneur, de l’effondrement des murs, etc.).

    Si l’habitation ne reste pas unique (si cette condition était remplie au moment de la conclusion du crédit, mais pas ensuite, car le contribuable a acquis une autre habitation dans les années qui suivent la conclusion du contrat de crédit), l’avantage est réduit et porté à celui existant à partir de la 11e année (50 %). En effet, l’avantage (100 %) est octroyé les 10 premières années et se retrouve réduit de 50 % les 10 dernières années.

    Enfin, je me permets de commenter certaines mesures transitoires prévues dans le décret, liées à la suppression du chèque habitat et d’évoquer l’instauration du taux réduit de 3 %.

    Les articles 14546ter et 14546quater du CIR 92 sont adaptés afin de prévoir que ce régime ne s’appliquera plus pour les nouveaux emprunts hypothécaires conclus à partir du 1er janvier 2025 (nouveaux contrats). Toutefois, les avantages fiscaux liés aux contrats d’emprunt conclus au plus tard le 31 décembre 2024 (contrats en cours) sont, eux, maintenus afin de respecter les principes de sécurité juridique et d’attente légitime.

    L’acquéreur d’un nouveau bien acquis en 2025 (B) pourra continuer à bénéficier du régime du chèque habitat sur un ancien bien (A) dans les cas suivants :
    - A (où l’acquéreur reste inscrit jusqu’à la revente en 2026 ou 2027) : pour l’exercice d’imposition 2026, il peut bénéficier du chèque habitat réduit de 50 % ;
    - L’acquéreur construit une habitation sur B (terrain à bâtir) : A reste l’habitation propre et unique, et l’acquéreur peut bénéficier du chèque habitat ordinaire de 100 % ou du chèque habitat réduit de 50 % selon l’année concernée.

    Comme le rappelle l’honorable membre, le nouveau taux réduit de 3 % suppose notamment que l’immeuble obstructif (possédé au jour de l’acquisition) soit cédé non pas dans l’année, mais dans les 3 ans qui suivent l’acte d’acquisition. La cession peut être faite à titre onéreux ou à titre gratuit. Ce nouveau délai de 3 ans (au lieu d’un an) semble largement suffisant pour éviter toute mauvaise surprise.

    En toute hypothèse, le contribuable qui n’a pas respecté ce délai peut toujours invoquer un cas de force majeure ou une raison impérieuse de nature familiale, médicale, professionnelle ou sociale (art. 9, § 5, al. 2, du décret). Pour la force majeure, il appartient au contribuable de démontrer que les éléments constitutifs de la force majeure au sens de l’article 5 226 du Code civil sont réunis dans son chef, à savoir :
    - l’impossibilité effective d’exécuter une obligation ;
    - cette impossibilité doit résulter d’une circonstance ou d’un événement imprévisible, inévitable et qui ne lui est pas imputable.

    L’impossibilité ne doit pas être absolue, mais être appréciée de manière humaine et raisonnable. Autrement dit, le contribuable doit démontrer qu’il n’a commis aucune faute et qu’il s’est comporté comme toute personne normale, prudente et raisonnable, placée dans les mêmes circonstances de fait. L’Administration fiscale fédérale admet comme force majeure (voir réponse ministérielle à la question n° 764 du député L. VAN BIESEN, Q.R., Chambre, 2013-2014, n° 53-153, séance du 24 mars 2014, p. 299) :
    - la mort naturelle ou le suicide de l’un des deux acquéreurs du bien immobilier, ou de son/leur(s) enfants cohabitant ou domicilié(s) à la même adresse ;
    - la maladie grave ou l’accident grave des personnes susvisées ;
    - la délocalisation du lieu de travail de l’acquéreur provoquée par l’employeur ou perte d’emploi par un des deux acquéreurs (et a fortiori par les deux) ;
    - les difficultés financières n’ayant pas été organisées par le/les redevable(s) et qui ne sont pas de nature temporaire ;
    - la modification de la vie familiale de(s) acquéreur(s) : divorce, cessation de la cohabitation légale ou de fait (à condition que la cohabitation légale ait présenté une certaine stabilité) ;
    - les troubles de droit (par exemple, expropriation pour cause d’utilité publique).

    Si l’Administration de Sécurité juridique n’admet pas la force majeure ou une raison impérieuse, le contribuable peut toujours introduire une action en justice : le juge saisi statuera « in concreto » en ce sens qu’il appréciera au cas par cas, en fonction des circonstances particulières de chaque cas d’espèce.

    La question de l’octroi d’un délai extraordinaire dépendra donc de l’appréciation de l’administration fédérale tant que la Région n’aura pas repris le service de l’impôt en la matière. Il n’est donc pas possible de développer plus en avant cette réponse actuellement sur les pratiques administratives précises de l’Etat fédéral.