La légalité d’une procédure bâillon financée avec l’argent public
Session : 2024-2025
Année : 2025
N° : 294 (2024-2025) 1
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Question écrite du 20/01/2025
de HAZEE Stéphane
à DESQUESNES François, Ministre du Territoire, des Infrastructures, de la Mobilité et des Pouvoirs locaux
J'ai interrogé M. le Ministre au début du mois de novembre relativement à la légalité d'une procédure bâillon financée avec l'argent public par la Ville d'Andenne, en l'espèce contre le magazine Wilfried, et plus spécifiquement contre une journaliste, à la suite d'un article portant sur l'ancien bourgmestre de la ville.
Je l'ai réinterrogé en date du 17 décembre 2024 et il m'a indiqué que « l'instruction a effectivement été sollicitée auprès du SPW IAS et elle est toujours en cours. Je n'ai pas encore reçu le rapport. Je sais que les délibérations et les compléments sollicités ont été transmis et que le délai de tutelle expirera le 27 décembre prochain ».
Dans l'intervalle, le délai de tutelle a été prorogé de quinze jours.
Il a annoncé ce lundi sa décision d'annuler la délibération prise par le Conseil communal d'Andenne le 21 octobre 2024 autorisant le Collège communal à engager une action en justice contre l'auteure d'un article publié dans la revue Wilfried et la société d'édition du périodique, au titre de ce qu'il s'agit d'un acte administratif in extremis, c'est-à-dire un acte pris juste avant la désinvestiture d'une autorité administrative. Les actes in extremis ne sont toutefois admissibles que si l'urgence le commande.
J'avais du reste attiré son attention sur plusieurs éléments de calendrier et de forme dans une précédente question orale.
L'acte est donc annulé et il n'y a donc plus en l'état de recours de la Ville d'Andenne. Je m'en réjouis vivement.
Je souhaite permettre à M. le Ministre de développer son analyse.
Peut-il préciser les contours de sa décision ?
J'ai pu lire dans la presse qu'il indiquait que « on ne remet pas ici en question la capacité de la commune à ester en justice. (…) S'il le juge opportun, le nouveau conseil communal pourra reprendre la procédure à zéro ».
Je souhaite bien comprendre ce propos, car je ne voudrais pas qu'il puisse en être conclu qu'il suffirait à la ville de reprendre sa décision dans les bonnes formes pour qu'elle devienne légale.
En effet, M. le Ministre indique aussi que « en l'occurrence, selon le rapport fait par l'administration, cette décision prise par le conseil communal en fin de mandat n'est pas liée à une urgence. C'est un motif d'illégalité. Un seul suffit ».
Si la Ville d'Andenne continuait à vouloir se perdre dans cette utilisation problématique des deniers publics, M. le Ministre peut-il confirmer que les autres moyens n'ont à ce stade pas été examinés et que l'autorité garde son pouvoir d'analyse et d'annulation si l'acte viole la loi ou blesse l'intérêt général, pour ce qui concerne les autres dimensions ?
Réponse du 05/02/2025
de DESQUESNES François
Le principe de la séparation des pouvoirs m’interdit de m’immiscer dans les attributions de l’ordre judiciaire. Je ne peux que vérifier si les actes pris par les autorités communales concernant l’introduction d’une action en justice au nom de la commune sont bien conformes aux règles édictées par le Code de la démocratie locale et de la décentralisation.
Relativement à l’utilisation des deniers publics, dès lors que les budgets communaux ont été approuvés par l’autorité de tutelle, en vertu de leur autonomie communale, les communes sont libres de gérer leur budget comme elles l’entendent, sous réserve de rencontrer l’intérêt général. Les communes ne peuvent pas - comme d’ailleurs toute autorité publique - utiliser leurs moyens financiers pour mettre à mal un droit fondamental, qu’il s’agisse d’ailleurs de la liberté d’expression ou d’un autre droit fondamental.
Comme l’honorable membre a pu le lire, j’ai décidé d’annuler la décision du Conseil communal d’Andenne du 21 octobre 2024, car il s’agissait d’un acte pris in extremis, qui aurait dû être pris par le Conseil communal d’Andenne nouvellement installé, soit après le 2 décembre 2024. L’urgence n’était pas justifiée en ce que, suivant les jurisprudences respectives du Conseil d’État et de la Cour de cassation, la décision du conseil communal autorisant l’introduction d’une action en justice au nom de la commune peut survenir après la décision du collège communal décidant d’introduire ladite action, pour autant que la décision du conseil communal survienne, au plus tard, avant la clôture des débats.
L’examen de ce seul motif m’a amené à annuler la délibération du 21 octobre 2024.
Néanmoins, en cette affaire, je tiens à lui préciser que l’avocat de la Ville d’Andenne vient récemment de m’informer que le Collège communal d’Andenne a décidé de se désister de son action en justice, sous réserve d’une décision du Conseil communal d’Andenne autorisant un tel désistement, comme la procédure l’impose.