à DALCQ Anne-Catherine, Ministre de l'Agriculture et de la Ruralité
Je souhaiterais faire le point sur un enjeu fondamental pour nos concitoyens vivants dans les zones rurales, leurs communes, les organismes d'encadrement et leurs employés : la réforme annoncée de la politique de développement rural.
Dans la DPR, le chapitre « Ruralité » tient en 5 paragraphes et concernant la politique de développement rural, on peut y lire : « Le Gouvernement renforcera et simplifiera les Programmes communaux de développement rural pour accélérer leur mise en œuvre et augmenter les services et la pertinence des projets ».
Contrairement à d'autres matières, la politique de développement rural n'a pas connu d'évolution ni d'initiative particulière depuis votre entrée en fonction. Par exemple, contrairement à la FCO, il n'y a pas eu d'enveloppe particulière pour soutenir les projets de développement rural, le seul acte politique en cette matière est donc le budget initial 2025.
On peut avoir une lecture politique différente d'un budget, on peut avoir des visions et des priorités différentes, c'est heureux et sain en démocratie. Par contre, il y a une vérité qui s'impose à nous, c'est celle des chiffres et, eux, ils sont têtus.
Dans le budget de Mme la Ministre, le programme, destiné à financer la politique de développement rural, est le programme 061 : Espace rural et naturel. Et comme nous l'avions évoqué lors des discussions budgétaires, ce programme subit une diminution drastique de ses budgets : ses moyens d'action diminuent de 30%, en valeur absolue, cela représente une diminution d'un peu plus de 11 millions d'euros ; ses moyens de paiement diminuent, eux, de 40 %, cela représente, en valeur absolue, une diminution d'un peu plus de 20 millions d'euros.
En relisant de plus près son programme justificatif, on remarque que ce sont principalement les communes et les organismes d'encadrement qui doivent supporter l'impact de ces économies.
Ces constats, nous les avions posés en décembre dernier et Mme la Ministre avait répondu : « Les budgets directs et indirects liés aux opérations de développement rural ont été diminués. Pour 2025, ils seront de 9.905.000 euros. Aujourd'hui, les budgets de certains projets sont anormalement coûteux. J'ai eu l'occasion, ces derniers mois, d'analyser de nombreux PCDR et je dois avouer que j'ai été plusieurs fois étonnée des montants très importants engagés en vue des résultats obtenus. »… « Le développement de la ruralité est d'une importance capitale. Toutefois, on est typiquement dans une situation où les moyens offerts via les PCDR ne poussent pas certains auteurs de projet à se surpasser ».
À ce stade de ma question, je tiens quand même à rappeler que les projets PCDR ne sortent pas d'une armoire magique. Il s'agit d'un processus de co-construction entre les communes et leurs citoyens qu'ils sont le fruit d'un travail mené au sein des Commissions locales de développement rural, qu'ils sont élaborés avec le soutien des organismes d'encadrement et qu'ils sont validés par l'administration de Mme la Ministre. Mme la Ministre a le droit d'avoir un a priori négatif sur les projets de développement rural. Ce n'est pas mon cas. Au contraire, je salue le travail de l'ensemble des citoyens, des services concernés et des agents des organismes d'encadrement.
Mme la Ministre a annoncé vouloir améliorer les opérations de développement rural en simplifiant leur fonctionnement pour accélérer leur mise en œuvre. On ne peut que la suivre sur cette voie, car aujourd'hui, cela prend trop de temps et force est de constater que cela démotive les citoyens.
Ces opérations étant codifiées dans un décret, je souhaiterais connaître son calendrier de réforme, les axes de celles-ci et la méthode qu'elle mettra en place pour élaborer ce nouveau décret ?
On se souviendra à ce sujet qu'au cours de la législature précédente, l'Inspection des Finances avait émis des considérations qui pourraient servir de base à une réforme : - limitation du nombre de communes pouvant participer à une opération de développement rural ; - définition de critères objectifs et connus quant au montant que les communes peuvent recevoir par projet ; - limitation du nombre de projets à financer durant la durée de l'opération.
Relativement aux organismes d'encadrement en général et à la FRW en particulier, le 5 décembre, vous aviez annoncé des échanges avec le Président de la FRW, notre collègue Vincent Palermo. Ces contacts ont-ils eu lieu ?
Peut-on connaître aujourd'hui l'impact concret de la diminution de 11% de la dotation de la Fondation ?
Cela aura-t-il des impacts sur l'emploi et/ou sur les services rendus aux communes ?
Par ailleurs, comme je l'avais rappelé en commission, la convention-cadre qui lie la Wallonie à la FRW court jusqu'en 2031.
Que se passe-t-il lorsqu'un signataire d'une telle convention ne respecte pas ses engagements ? Mme la Ministre envisage-t-elle de revoir la convention-cadre ?
Relativement au soutien aux communes et à leurs projets, comment envisage-t-elle de résorber l'encours qui était, en décembre, de plus de 90 millions d'euros ?
Pour 2025, le soutien au financement des communes dans le cadre de leur PCDR a diminué de 30% en moyens d'action et de 27 % en moyens de paiement, c'est colossal. Comment, dans ce cadre, honorer les engagements de la Wallonie ?
Quels seront les critères qui permettront de définir si tel ou tel projet est financé ?
Pour réduire l'encours et soutenir les communes, le Gouvernement précédent avait intégré une fiche (228) au sein du PRW. Elle était, initialement, dotée de 10,9 millions d'euros.
Combien de communes ont-elles pu bénéficier d'un soutien via cette fiche ? Tous les crédits ont-ils été consommés ? La fiche 228 fait-elle partie des projets « abandonnés » ou réduits par le Gouvernement wallon ?
En matière d'organisation du développement rural, on est donc face à un triple enjeu : révision générale du cadre, soutien aux communes et soutien aux organismes d'encadrement. Ce sont sur ces trois volets que nous attendons des réponses.
Réponse du 20/02/2025
de DALCQ Anne-Catherine
La politique de développement rural évoquée constitue effectivement un enjeu fondamental pour le bien-être des zones rurales de leurs habitants. Depuis sa création dans les années 1990 et à travers les différentes législations, cette politique a permis la concrétisation de nombreux projets initiés par les communes en collaboration avec les organismes d’accompagnement et les citoyens grâce au processus de participation citoyenne. Toutefois, cette politique souffre de lourdeurs administratives qui démotivent les acteurs concernés et entraînent une augmentation des coûts en raison des délais d’élaboration des projets.
Afin de remédier à ces difficultés et conformément à la Déclaration de politique régionale, mon ambition est bien de « renforcer et simplifier les Programmes communaux de développement rural pour accélérer leur mise en œuvre et augmenter les services et la pertinence des projets ». Il s’agit d’une ambition claire qui démontre une réelle volonté d’efficacité et d’efficience pour cette politique rurale.
Concernant les moyens actuellement prévus pour 2025 dans le cadre de la politique de développement rural, ils sont effectivement moindres que ceux prévus ces dernières années. Je ne reviendrai pas sur les débats budgétaires que nous avons déjà menés à ce sujet. Comme je l’ai dit à cette occasion, nous allons poursuivre l’évaluation des politiques et au besoin réallouer des moyens.
À ce sujet, je tiens à informer que j’ai approuvé 25 dossiers de subventions pour des projets PCDR en fin d’année passée. Pour permettre ce soutien, j’ai mobilisé 2,26 millions d’euros additionnels au budget qui était prévu lors de ma prise de fonction.
J’ai réalloué ces moyens en fin d’année 2024 et je n’exclus pas de le faire en 2025. Mais nous devons avant tout poursuivre l’objectif de simplification et l’évaluation d’une politique qui ont peu été questionnés par le passé, alors que le contexte et les besoins ont pourtant bien évolué.
En matière de simplification, l’administration m’a proposé un premier panel de mesures nécessitant des changements décrétaux ou réglementaires que je suis en train d’analyser. Concernant la question des axes et du calendrier de ce projet de réforme, j’y reviendrai plus loin en réponse à la question concernant la fiche 228 du PRW.
Sans attendre ces changements de normes, un choc de simplification est déjà en cours pour le suivi financier des dossiers. Depuis novembre dernier, des procédures basées sur le principe de confiance et la responsabilisation des communes ont été mises en œuvre.
Auparavant, les communes envoyaient pour chaque état d’avancement, et donc chaque mois, un dossier en plusieurs exemplaires comprenant plusieurs justificatifs, dont les factures des entreprises, mais aussi tous les mètres. Cela pouvait représenter un nombre de documents assez conséquent.
La Région vérifiait tous ces documents, ce qui constituait un double travail puisque ces communes procèdent déjà à cette vérification. Très souvent, des paiements étaient bloqués pour des problèmes qui relevaient de la manière d’arrondir les montants. Dans ce cadre, de nombreuses communes ont dû refaire des déclarations de créances pour parfois seulement quelques centimes.
Depuis novembre, la Région se base sur le contrôle des communes et la certification du directeur financier pour payer les avances. Dorénavant, la commune n’envoie plus qu’un rapport tenant en une page et peut décider de grouper plusieurs états d’avancement. Pour ce qui concerne le décompte final, l’objectif est de se baser sur les éléments des comptabilités communales et d’adopter une logique d’audit sur un échantillon de projets.
Je n’ai pas comme l’affirme l’honorable membre d’a priori négatif sur la toute grande majorité des projets de développement rural. Je reconnais tout comme l’honorable membre l’important travail réalisé par les citoyens, les élus, les organismes d’accompagnement et mon administration. Je tiens ici à saluer le travail de chacun d’entre eux. Mais il faut aussi reconnaitre et avoir le courage de dire que par le passé, des budgets fort importants ont parfois été mobilisés pour certains projets d’ampleur avec un coût-bénéfice questionnable. Tout un chacun dans son parcours est amené à se remettre en question et personne n’est parfait. Il en va de même pour cette politique dont j’ai à cœur de maximiser les résultats. Si l’honorable membre trouve normal que deux logements entrainent une facture finale de plus d’un million d’euros, cela n’est pas et ne sera jamais mon cas. Oui, je veux défendre la ruralité et ses habitants, mais c’est au prix de projets multifonctionnels, qui servent au plus grand nombre et qui sont utilisés le plus souvent possibles, à des coûts raisonnables.
Concernant la Fondation Rurale de Wallonie, il lui a été demandé comme à de nombreux organismes wallons de contribuer à l’effort pour assainir le budget wallon. Un avenant à la convention-cadre liant la Région à la Fondation a été approuvé par le Gouvernement wallon. Cet avenant prévoit notamment des mesures de simplifications pour le suivi et le financement de la FRW, mais aussi une révision en termes de suivi des dépenses liées à la subvention que nous leur allouons. En effet, il semble légitime de s’assurer que chaque euro issu des contributions citoyennes soit investi de façon efficiente.
De premiers échanges ont eu lieu avec le Président de la FRW ces dernières semaines. Ils se poursuivront avec comme objectif d’accompagner la FRW dans le cadre de l’effort budgétaire qui lui est demandé, de la réforme et ainsi que des objectifs liés aux PCDR prévus dans la DPR.
Concernant l’encours des PCDR, celui-ci est important puisqu’il avoisine les 100 millions d’euros. Il s’agit soit de projets qui ont été abandonnés par les communes et dont les visas d’engagement doivent être supprimés, soit de retards de paiements pour des projets déjà réalisés. Chacun doit prendre ses responsabilités et cette situation, je l’hérite de mes prédécesseurs. Depuis des années, il y a des retards de paiement et cela n’est pas acceptable pour les communes rurales qui, en tenant compte de leur taille, ont déjà fort à faire en termes de gestion administrative de leurs dossiers. Je travaille avec mon administration pour régler celle-ci au mieux. En 2023, la Région avait payé 10,8 millions d’euros aux communes dans le cadre des subventions PCDR.
En 2024, ce montant est de 19,1 millions d’euros, dont plus de 10 millions d’euros payés à la suite de la mise en œuvre de cette simplification en novembre.
Comme expliqué précédemment, j’ai mobilisé 2 millions d’euros de plus que les budgets initialement prévus. Ce travail est le résultat de l’investissement de mon administration qui a mis en œuvre cette simplification et qui poursuivra ce travail pour réduire cette dette envers les communes.
À côté de ces simplifications sur le plan financier, un ensemble d’autres simplifications administratives ont déjà été identifiées par mon administration. Elle évalue actuellement les possibilités de mise en œuvre de celles-ci dès que possible.
On évoque la fiche 228 du Plan de relance nommée communément « Boost PCDR ». Cette fiche comportait 2 volets. Le premier volet a permis de mobiliser environ 11 millions d’euros pour soutenir des projets de développement rural. Cette enveloppe a été entièrement consommée et a permis de soutenir 44 projets en zone rurale. Reconnaissons-le, le PRW a été utilisé comme budget additionnel alors qu’il aurait été plus logique de revaloriser les budgets classiques. Ce choix a amené une complexité administrative, à l’inverse de ce qu’on cherche à mettre en œuvre.
Le deuxième volet de cette fiche du PRW concernait le lancement d’une étude par rapport à l’évolution de la politique du développement rural. Ces travaux sont en cours et sont réalisés en bonne collaboration entre mon administration et le Centre de recherches et d’études pour l’action territoriale de l’UCLouvain, le CREAT. Ces travaux intègrent les idées émises par divers acteurs par le passé que ce soit celles de l’Inspection des Finances, mais aussi celles issues des acteurs de terrain, dont le mémorandum de la FRW. Il est bien entendu que les organismes d’accompagnement, qu’est la FRW, mais aussi la WFG et le GREOVA, sont associés à ces travaux ainsi que plusieurs communes rurales.
Des premières conclusions et propositions concrètes sont attendues à ce sujet au printemps prochain. C’est à ce moment que des axes et un calendrier plus précis pourront être établis. En plus d’améliorer la simplification des procédures que nous menons déjà, ces travaux permettront une évolution de l’outil PCDR pour accroitre ses résultats.
Concernant la réforme nécessaire, les règles de financement ont déjà été revues par le passé pour améliorer la situation. Mais cela a malheureusement entraîné une complexification avec de nouvelles règles ajoutées par les ministres successifs. Mon ambition n’est pas de rajouter une couche, mais bien de revoir l’ensemble pour accroitre les effets de chaque euro investi en zone rurale.
En conclusion, il me paraît important de souligner que la politique du développement rural n’a que très peu évolué depuis le premier décret de 1991. Les procédures se sont en revanche complexifiées.
À côté de la simplification déjà en cours, le moment est opportun pour questionner le fond de cette politique, son efficience, son rôle et la moderniser. Mon objectif est de répondre au mieux aux enjeux actuels de nos communes rurales et de nos citoyens, en collaboration avec l’ensemble des acteurs du monde rural. Je souhaite remettre au cœur des PCDR leur vocation première : un développement durable garant de la préservation des générations futures. Cela implique la création de projets multifonctionnels, bénéfiques au plus grand nombre de nos citoyens des zones rurales, alignés sur les outils stratégiques régionaux et améliorant significativement les conditions de vie des habitants.