à DALCQ Anne-Catherine, Ministre de l'Agriculture et de la Ruralité
Lors de la dernière Foire de Libramont, l'ASBL Valbiom a mis en avant les avantages de la culture de silphie en Wallonie.
Cette plante, non indigène et originaire d'Amérique du Nord, aurait de véritables atouts pour la biométhanisation, voire pour le fourrage. Cette plante, malgré une mise en place compliquée avec un semis sensible, a l'avantage, à l'instar du miscanthus, d'être pérenne et d'être récoltée durant de nombreuses années. Valbiom parle de 40 à 50 tonnes de matières fraîches à l'hectare.
Valbiom met en exergue d'autres avantages de cette plante mellifère : elle permet une bonne structuration du sol, elle résiste aux sécheresses grâce à des racines profondes, et elle permet également de limiter le lessivage des nitrates.
Plusieurs essais ont déjà été réalisés à Viroinval, à Buzet ou encore à Bonlez. Ces résultats ont l'air décevants lors de la 1re année d'installation, mais nettement plus encourageants lors de la 2e année.
Mme la Ministre a-t-elle pris connaissance des premiers résultats des essais réalisés ?
Considère-t-elle que la silphie puisse jouer un rôle important en Wallonie à l'avenir, notamment en ce qui concerne ses avantages de biométhanisation ?
Cette plante peut-elle être définitivement considérée comme non invasive ?
Actuellement, il n'y aurait qu'une centaine d'hectares occupés par cette culture en Wallonie.
Ces chiffres sont-ils corrects ?
Mme la Ministre a-t-elle assez d'informations scientifiques sur cette plante mellifère en sa possession afin d'éventuellement soutenir l'installation de celle-ci sur nos terres agricoles wallonnes ?
Réponse du 19/03/2025
de DALCQ Anne-Catherine
La silphie perfoliée (Silphium perfoliatum L.) est une plante originaire d'Amérique du Nord, appartenant à la famille des Asteraceae. Cette plante peut atteindre 3,5 mètres de hauteur. Reconnue pour ses nombreuses fleurs jaunes, la silphie a une floraison s'étalant de mi-juillet à fin septembre, attirant de nombreux pollinisateurs et insectes. Elle possède un système racinaire profond qui lui permet de tolérer des conditions variées, telles que des étés secs, des excès d'eau en sortie d'hiver, ainsi que des températures froides et des gelées printanières.
La silphie possède de multiples atouts : elle résiste à la sécheresse, elle ne nécessite pas de traitements de protection, elle est frugale, mellifère, et peut être utilisée en alimentation animale, comme en biométhanisation.
Des premiers essais d’implantation ont été réalisés en Wallonie dès 2021 pour vérifier les multiples intérêts de la silphie, et en préciser les modalités culturales dans notre contexte régional. Ainsi est né l’« Observatoire de la silphie », soutenu par la Région et suivi par le SPW-ARNE, regroupant rassemblant plusieurs acteurs clés, tels que le CIPF, Valbiom, Protect’Eau, Natagriwal, le centre de Michamps, la ferme de la Roche Madou, Agraost, UCLouvain et le parc naturel de Viroin-Hermeton. Les essais multilocaux (Baisy-Thy, Bonlez, Brye, Louvain-la-Neuve, Mellet, Houtain, Viroinval et Zetrud-Lumay) ont permis de tirer de premiers enseignements.
Depuis 2021 également, un projet est réalisé par le CIPF (qui étudie les aspects agronomiques de la culture) en collaboration avec Natagriwal (pour les aspects environnementaux), Valbiom (pour la valorisation énergétique de la biomasse) et fourrages mieux (pour la valeur alimentaire du fourrage) sur cette culture afin de vérifier les divers intérêts que l’on prête à cette dernière. L’unité Production animale du CRA-W est également partenaire du projet pour réaliser une activité ponctuelle. Il s’agit de la mise en place d’un test d’appétence d’ensilage de silphie par le bétail laitier.
Au niveau des techniques culturales, le démarrage de la culture est lent et délicat, mais elle reste en place pendant environ une quinzaine d'années. Si la plante résiste bien à la sécheresse, le démarrage de la culture est fortement dépendant des conditions météorologiques, particulièrement de conditions sèches à la levée.
Des associations d’espèces et des semis sous couverts sont testés pour trouver un bon équilibre entre les effets protecteurs et concurrentiels. Une maitrise satisfaisante des adventices nuisibles peut être obtenue mécaniquement. En situation de rattrapage, un gyrobroyage bien positionné apparaît comme une solution efficace.
Une fois bien implantée, la culture requiert peu de suivi. C’est un atout en zone de protection des eaux, de proximité des habitations, et partout où il est souhaitable que le recours à des intrants soit réduit.
En ce qui concerne les intérêts de la silphie, le principal est celui de son utilisation en biométhanisation. La valeur fourragère est assez décevante, mais la culture pourrait constituer un appoint en situation de sécheresse ou de dégâts de sangliers, auquel elle est très peu sensible.
Les essais ont montré que les rendements obtenus en première année de récolte destinée à la biométhanisation sont faibles (4 à 17 t/ha à 31 – 32 % MS). Ils deviennent satisfaisants par la suite (de l’ordre de 45 à 66 t/ha à 21-26 % MS), mais peuvent aussi redescendre (30 à 40 t/ha). Dans ce cas, les rendements secs sont en deçà des 13-16 t/ha attendus.
Ces résultats d’essai quelque peu décevants s’expliquent par les faibles ensoleillements et la pluviosité persistante que l’on a connus. Mais il faut attendre d’avoir une vision sur un plus long terme, la culture est en place pour une quinzaine d’années au minimum.
La culture de la silphie pourrait donc bien jouer un rôle à l’avenir en Wallonie, notamment grâce à son utilisation en biométhanisation. Elle peut être envisagée comme alternative au maïs énergétique.
Les coûts d'implantation de la silphie par hectare se situent entre 2 000 et 2 250 euros HTVA, principalement en raison du prix des semences. Une première estimation des coûts annuels pour cultiver de la silphie indique un coût d'environ 750 euros par hectare, avec un investissement initial de mise en place d’environ 2 000 euros, amortissable sur 20 ans. En comparaison, la culture du maïs présente un coût annuel de 1 200 euros par hectare. Ainsi, même avec un rendement légèrement inférieur, la silphie pourrait représenter une option économiquement compétitive par rapport au maïs. Toutefois, cette conclusion devra être validée par la poursuite des essais et par l'évolution du potentiel productif de la culture à partir de la troisième année, période à partir de laquelle la silphie pourrait démontrer une meilleure rentabilité.
La silphie est une culture peu gourmande en azote. Grâce à son système racinaire profond, elle peut puiser l'azote en profondeur dans le sol, ce qui limite les risques de contamination des nappes phréatiques. Ces caractéristiques confèrent à la silphie un avantage important pour la qualité de l'eau. La mesure « Silphie » a été mise en place dans le but de réduire l'impact des cultures traditionnelles sur la qualité de l'eau, en limitant la migration de l'azote et des pesticides vers les nappes phréatiques. Cette mesure, appelée MECAP (Mesures Eau-CAPtage), consiste à remplacer, partiellement ou totalement, ces cultures par de la silphie. Les agriculteurs engagés dans le programme Contrat captage peuvent bénéficier d’une indemnisation forfaitaire de 300 euros/ha, afin de les encourager à adopter cette culture respectueuse de l'environnement.
La culture serait aussi favorable sur les plans agroenvironnemental (structure et vie du sol, limitation de l’érosion, biodiversité) et apicole. Vu son apport pour la biodiversité et mellifère, elle est d’autant plus intéressante sous des petites surfaces réparties dans la campagne.
Les surfaces emblavées en silphie sont relativement faibles en Wallonie : environ 75 ha. Cette culture reste une émergente en Wallonie, mais devrait se développer dans les prochaines années si les essais montrent un réel intérêt à son implantation sur le territoire wallon.
Il faut également tenir compte du fait que la plante est connue pour coloniser les milieux naturels humides, même si son côté invasif semble en général assez limité en dehors des zones de culture. Concernant l'aspect invasif : la silphie est considérée comme une espèce "C1 - risque écologique faible - populations isolées" selon le protocole ISEIA du Belgium Forum On Invasive Species (BFIS). Il s'agit d'une "espèce non indigène dont les populations sont isolées dans la zone évaluée, qui présente un faible risque écologique et qui n'est pas classée comme à risque" dans le système BFIS. Actuellement, nous n’avons aucune observation de propagation de silphie au-delà de la limite des parcelles cultivées. En terres arables la destruction de la culture est assez aisée mécaniquement.
Enfin, faire connaître la culture et les primorésultats des essais aux agriculteurs est aussi un impératif pour qu’ils puissent progressivement se l’approprier. Des initiatives, comme l’organisation de visites des essais (CIPF), la rédaction de brochures (Valbiom) et l’alimentation d’un site « Adaptations sécheresse » du SPW-ARNE ont déjà démarré.