à DALCQ Anne-Catherine, Ministre de l'Agriculture et de la Ruralité
Le Tétras lyre représente l'une des espèces d'oiseau les plus emblématiques des Hautes-Fagnes, voire de Wallonie ou d'Europe. Inféodées à un habitat très particulier, mais aussi très menacé, les populations de Tétras lyre ont malheureusement décliné au cours des décennies.
Fin des années 1970, on pouvait encore compter plus d'une centaine d'individus sur le Haut-Plateau fagnard. Début des années 2000, ils étaient moins de 20. En outre, le tristement célèbre incendie du printemps 2011 ayant ravagé plus de 1 300 ha de la Fagne des Deux-Séries a eu un impact catastrophique sur le Tétras lyre. En effet, depuis 2011, la population s'est drastiquement réduite jusqu'à atteindre le seuil critique de 2 mâles et 2 femelles en 2017.
Depuis lors, des opérations de renforcement de population, notamment via des réintroductions, sont menées. Les réintroductions se réalisent à partir d'individus et populations suédois, là où l'espèce se comporte bien mieux. C'est ainsi qu'en 2017, 10 Tétras suédois (5 mâles et femelles) ont été importés, 18 (10 mâles et 8 femelles) en 2018 et 25 (10 mâles et 15 femelles) en 2019.
Fin 2024, en commission, Mme la Ministre précisait que le Tétras lyre faisait l'objet d'une protection très stricte, ainsi que d'un ambitieux programme de réintroduction depuis plusieurs années.
Qu'en est-il de la situation actuelle de l'espèce, notamment des effectifs ?
Quelle est l'évolution constatée via les comptages annuels et le suivi régulier ?
Les efforts consentis portent-ils leurs fruits ?
Des réintroductions ont-elles eu lieu après 2019 ? Certaines sont-elles encore planifiées ?
Quelle est la vision de Mme la Ministre concernant la conservation d'espèces emblématiques et gravement menacées comme celle-ci ?
Des mesures additionnelles sont-elles envisagées au vu de l'évolution de la population ?
Comment est financé le programme global de conservation du Tétras lyre, et via quels acteurs (si plusieurs) ?
Réponse du 10/04/2025
de DALCQ Anne-Catherine
Le projet de renforcement de la population de Tétras lyre en Belgique a débuté en 2017 dans les Hautes-Fagnes, dernier site de présence de l’espèce en Belgique.
Alors qu’il ne restait plus que 2 tétras mâles indigènes, les premiers renforcements de population ont été réalisés en 2017, à partir d’individus suédois. Les translocations se sont poursuivies en 2018 et 2019.
Après 2019, il était prévu de continuer ce programme de translocation. Toutefois, si le projet a bien été poursuivi, la crise covid a empêché la réalisation de la mission en Suède en 2020 et 2021. Après deux années sans translocation, le renforcement a pu être poursuivi dans les années 2022, 2023 et 2024, grâce aux autorisations délivrées par les autorités suédoises et wallonnes, à l’engagement renouvelé des partenaires du projet, et au soutien d’un nouveau partenaire privé : AVES Liège.
Depuis 2022, la Suède a accepté la demande d’augmenter le quota de capture à 35 individus, soit 20 femelles et 15 mâles. Une nouvelle mission en Suède est prévue fin avril début mai 2025.
Entre 2017 et 2020, le renforcement avait permis d’augmenter la taille de la population. Les comptages printaniers aux arènes de parades avaient montré que la population de tétras mâles (les seuls pouvant être comptés avec précision) était passée de 2 à 12 individus. Malheureusement cette dynamique positive a été stoppée par la crise covid. L’absence de translocation en 2020 et 2021 a refait chuter la population de 12 à 5 mâles. Depuis la reprise du programme, la population remonte. Grâce au comptage printanier et au suivi d’oiseaux relâchés en 2023, on sait que les Hautes-Fagnes abritaient au minimum 14 mâles en 2024. Ce résultat est déjà remarquable, car le comptage printanier de 2023 n’avait signalé que 6 mâles.
Un comptage printanier aux arènes de parades est prévu mi-avril 2025, afin de réévaluer l’état de la population à la sortie de l’hiver et avant l’arrivée de nouveaux individus.
Le suivi des oiseaux relâchés dans les Hautes-Fagnes est basé sur l’utilisation de plusieurs méthodes de suivi complémentaires. Cela permet notamment de suivre le devenir des oiseaux relâchés, de détecter les zones de nidification, ainsi que de documenter les cas de prédation.
La prédation semble être le frein principal de la réussite du projet. Le monitoring mis en place montre qu’en moyenne il y a 26,7 % de mortalité par mois les deux premiers mois chez les oiseaux relâchés. Par la suite, le taux de mortalité diminue fortement et une grande partie de ces mortalités est imputable à la prédation. Celle-ci est monitorée par le projet.
Le monitoring a permis de dresser une carte des zones de risque élevé de prédation, basée sur la synthèse des données collectées depuis 2018. Les principaux foyers se situent : (1) en Fagne wallonne, (2) en Fagne de Botrange ; (3) dans la partie ouest de la Fagne des Deux Séries. Ce printemps, les services du DNF organisent le piégeage du raton laveur et des tirs du renard dans ces secteurs sensibles.
Dans le futur, l’Université de Liège compte lancer un projet d’élevage de tétras in situ. Une volière a été construite à la Station Scientifique des Hautes-Fagnes de l’ULiège (Mont-Rigi). Elle est aujourd’hui structurellement prête à accueillir des Tétras lyres, et est désormais parfaitement équipée électriquement.
Ensuite, une volière de reproduction devrait être construite in situ, dans la réserve naturelle des Hautes-Fagnes
Le projet de renforcement de la population belge de Tétras lyre est porté par l’Unité de Biologie du Comportement de l’Université de Liège et l’Unité de baguage des oiseaux BeBirds de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, en collaboration avec l’Unité de biologie de la conservation. Le projet est principalement soutenu financièrement par une subvention du SPW ARNE. Sa mise en œuvre est aussi conditionnée à la participation financière de partenaires privés, cette année AVES Liège (mission de translocation) et Pairi Daiza Foundation (volet élevage en préparation).
Les gestionnaires du programme envisagent également de déposer prochainement un projet de type LIFE, afin de pérenniser les efforts de conservation entrepris jusqu'à présent et de renforcer les moyens financiers et techniques dédiés à la conservation du Tétras lyre.
Ma vision est clairement de poursuivre les efforts engagés en faveur de la conservation du Tétras lyre et de maintenir l'allocation de moyens financiers pour assurer la viabilité à long terme de cette espèce emblématique et gravement menacée.