à COPPIETERS Yves, Ministre de la Santé, de l'Environnement, des Solidarités et de l'Economie sociale
La onzième édition du Grand Nettoyage de Be WaPP a une fois de plus mobilisé près de 100 000 citoyens wallons dans un effort collectif de ramassage des déchets dans l'espace public. Cet engagement citoyen est indéniablement louable et témoigne d'une prise de conscience croissante de l'importance de la propreté publique.
Toutefois, dans une optique d'évaluation des politiques publiques, il est logique de se poser la question de l'efficacité réelle à long terme de cette campagne et du partage des responsabilités en matière de gestion des déchets.
Ainsi, je me permets d'interroger M. le Ministre quant à ces différents points.
M. le Ministre pourrait-il dresser un premier bilan chiffré de la campagne de 2025 en termes de participation et de volume de déchets collectés ?
Peut-on observer une évolution par rapport aux éditions précédentes en matière de propreté publique ?
Quel budget la Région wallonne investit-elle spécifiquement dans l'achat de matériel tangible pour ces opérations de nettoyage (supports publicitaires, gilets, sacs-poubelle, pinces, gants, etc.) ? Quelle part de ce matériel est réutilisable et quelle part est destinée à être jetée après usage ?
Quelle proportion du budget alloué à Be WaPP est consacrée à des actions de prévention et de sensibilisation visant à limiter l'abandon de déchets à la source ?
Bien que le ramassage des déchets soit une nécessité actuelle, il ne peut devenir une finalité en soi. Quels sont les efforts entrepris pour inverser la tendance et réduire structurellement la production de déchets sauvages ?
Quelles sont les stratégies envisagées à long terme pour que de telles campagnes de nettoyage deviennent progressivement obsolètes ?
La répression des incivilités est un outil complémentaire à la sensibilisation. Dispose-t-on d'une évaluation de l'efficacité des sanctions appliquées en Wallonie pour lutter contre la pollution publique ?
Quels autres dispositifs sont envisagés pour renforcer la lutte contre les déchets sauvages ?
Réponse du 24/04/2025
de COPPIETERS Yves
La 11e édition du Grand Nettoyage, organisée par BeWaPP du 20 au 23 mars 2025, a rassemblé près de 99 000 citoyens wallons répartis en quelque 3 600 équipes venues du monde scolaire, des associations, des entreprises et des pouvoirs publics, illustrant l’ancrage profond de cette opération dans le calendrier citoyen régional.
Au total, environ 234 tonnes de déchets ont été collectées – 79 tonnes de PMC et 155 tonnes de tout‑venant – avec une prédominance de mégots de cigarette. Ce résultat, stable en termes de participation, mais marqué par une légère diminution du volume de déchets rapporté par participant, s’inscrit dans une tendance générale à l’amélioration de la propreté publique confirmée par deux récentes études du Service public de Wallonie.
Le coût opérationnel annuel de cette campagne est estimé à 340 000 euros, dont 230 000 euros sont consacrés à l’achat et à la gestion logistique du matériel (gilets fluorescents, sacs-poubelle, pinces, gants, supports de communication, et cetera). Si BeWaPP encourage la réutilisation des équipements, seuls 30 % des gants et gilets sont récupérés et employés lors des éditions suivantes, en raison de leur usure, de la recomposition des équipes ou de l’appropriation personnelle par les participants.
Le budget global de l’ASBL pour 2025 s’élève à 4,2 millions d’euros : 3 millions provenant du secteur privé (COMEOS, FEVIA, Fost Plus) et 1,2 million de fonds publics. Parmi ces fonds publics, 52 % sont alloués à des actions de prévention et de sensibilisation visant à limiter l’abandon des déchets à la source, 36 % au soutien des mesures répressives et 12 % à l’accompagnement des communes dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur Plan local de propreté.
Au‑delà de l’événement annuel, des milliers de volontaires se portent tout au long de l’année « ambassadeurs de la propreté », adoptant un tronçon de territoire qu’ils entretiennent avec l’appui logistique de leur commune et de BeWaPP.
Pour toucher de nouveaux publics, l’ASBL a développé des partenariats ciblés : l’opération « Scoutmain » en collaboration avec les scouts, le label « Club Plus Propre » auprès de clubs sportifs, et l’ouverture des activités aux jeudis pour faciliter la participation des entreprises dans le cadre de leurs activités de team building.
Dans la même logique, un projet pilote d’intégration des opérations de ramassage au sein des peines alternatives pour auteurs d’incivilités est à l’étude, offrant une expérience de sensibilisation active qui pourrait se révéler plus dissuasive et formatrice qu’une simple sanction financière.
Consciente que le ramassage ponctuel ne peut demeurer une fin en soi, la Région wallonne mise également sur la prévention à la racine du problème. La ratification prochaine d’un accord interrégional sur la responsabilité élargie des producteurs obligera ceux-ci à financer non seulement la collecte et le recyclage des déchets sauvages, mais aussi leur prévention. Les entreprises sont par ailleurs encouragées à adopter des pratiques d’écoconception – bouchons et languettes solidaires, réduction des couches d’emballage, optimisation des formats – afin de limiter la dispersion des petits objets dans la nature. Des campagnes pédagogiques innovantes, destinées aux écoles et au grand public, visent à ancrer ces bonnes pratiques dès le plus jeune âge.
Sur le plan de la répression, la stratégie wallonne repose sur un renforcement des contrôles et des sanctions à l’encontre des dépôts clandestins et des rejets de substances dangereuses, complétée par le déploiement d’outils numériques. Le QR code apposé sur les sacs de ramassage, qui permet un reporting instantané des quantités collectées et des localisations, coexiste avec l’application FixMyStreet Wallonie, favorisant la remontée rapide des signalements par les citoyens et la coordination entre agents de propreté et forces de l’ordre locales. Si une évaluation exhaustive de l’impact des sanctions reste à consolider, l’analyse des données issues des Plans locaux de propreté et des retours d’expérience permettra d’affiner les pratiques et de mesurer l’efficacité de cette politique répressive.
Parallèlement, l’administration régionale et BeWaPP vont pérenniser leur soutien aux communes. Elles renforceront l’accompagnement technique pour la rédaction et la mise en œuvre des Plans locaux de propreté, étendront le maillage des points de tri dans l’espace public et développeront de nouvelles ressources pédagogiques et modules de formation pour les agents municipaux. La mutualisation des retours d’expérience, organisée via des réseaux régionaux et des plateformes digitales, offrira aux intervenants de terrain un espace de partage des bonnes pratiques et d’harmonisation des procédures.
Au‑delà des opérations de nettoyage, l’objectif à long terme est d’instaurer un cercle vertueux dans lequel la responsabilisation collective et individuelle, la qualité de la conception des produits et l’efficacité des dispositifs de contrôle rendent progressivement superflu le recours massif à ce type d’événement. En combinant prévention à la source, sanctions adaptées, outils numériques et mobilisation citoyenne permanente, la Wallonie entend faire en sorte que ces campagnes deviennent, à terme, obsolètes parce que la propreté publique sera naturellement intégrée au quotidien de tous.