L’arrêt des fouilles sur le site des Dames blanches à Namur
Session : 2024-2025
Année : 2025
N° : 92 (2024-2025) 1
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Question écrite du 02/04/2025
de HAZEE Stéphane
à LESCRENIER Valérie, Ministre du Tourisme, du Patrimoine et de la Petite enfance
J'ai eu l'occasion d'interroger Mme la Ministre en commission en date du 24 février 2025 et du 17 mars 2025 relativement aux enjeux de patrimoine liés au parc des Dames blanches à Namur.
Une série d'interrogations demeurent, en particulier quant aux éléments scientifiques ou légaux qui ont conduit à prendre cette décision d'arrêter les fouilles.
Elle indique que « parmi ces éléments (qui auraient conduit à arrêter les fouilles) figuraient surtout la pollution importante du terrain, la réduction des délais pour mener à bien une fouille conforme aux standards scientifiques, ainsi que l'approche de l'hiver, période peu propice à ce type d'opération ». De manière générale, les informations transmises par la Ville le 11 décembre 2024 justifient-elles de ne pas mettre en application le Code du patrimoine dans ses objectifs de protection de notre patrimoine archéologique wallon ?
Elle évoque la réduction des délais pour mener à bien une fouille « conforme aux standards scientifiques ». De quelle réduction de délais est-il question ? Ces délais n'avaient-ils pas été négociés par l'AWaP pour conduire à l'intervention prévue jusqu'en avril 2025 ? Des infrastructures n'étaient-elles pas prévues pour mener à bien le travail dans ces conditions négociées ?
Serait-il plus « conforme aux standards scientifiques » d'abandonner ces vestiges et ces biens archéologiques apparents en cours de fouilles ?
Elle évoque « l'approche de l'hiver ». Dès le départ, ces fouilles n'étaient-elles pas prévues essentiellement durant la période hivernale ?
En quoi cet élément prévisible et prévu peut-il justifier un arrêt aussi brutal qu'inopiné ?
Elle évoque « la pollution importante du terrain ». La présence d'une pollution du site n'est pas un cas isolé dans le secteur. Des moyens, avec les équipes et l'équipement de terrain nécessaires, ne permettent-ils pas habituellement de rencontrer une telle réalité lorsque ses services y sont confrontés ?
En mettant en œuvre cette opération, ne s'agissait-il pas pour l'AWaP de répondre aux obligations du Code du patrimoine en veillant, de manière raisonnable, rigoureuse et scientifique, à la recherche, à l'enregistrement et le cas échéant à la valorisation de ce patrimoine archéologique wallon ?
Pourquoi dès lors, après avoir fait ses meilleurs efforts pour initier et organiser les fouilles sur ce site alors même que le permis ne l'imposait pas, après y avoir travaillé plusieurs semaines, avoir ensuite abandonné du jour au lendemain les recherches en cours, les vestiges dégagés ou les biens archéologiques en train d'être mis au jour et d'autres actuellement toujours enfuis sur ce terrain ?
Réponse du 22/04/2025
de LESCRENIER Valérie
Je remercie l’honorable membre pour son suivi attentif de ce dossier.
Comme je l’ai déjà indiqué dans mes réponses précédentes, la Ville de Namur a suspendu, via ses courriers des 3 et 11 décembre, l’autorisation d’accès au site pour l’Agence wallonne du Patrimoine (AWaP). Cette décision reposait principalement sur des préoccupations liées à la gestion des terres polluées et au respect des niveaux de terrassement prévus dans le protocole initial. La Ville, propriétaire du terrain, a donc conditionné tout nouvel accès à la signature d’un avenant à ce protocole.
Je tiens à rappeler qu’une intervention archéologique préventive doit être réalisée dans un délai raisonnable, afin de permettre une documentation adéquate des vestiges, tout en respectant les exigences de sécurité inhérentes à un chantier.
Dans le cadre des négociations avec la Ville, l’AWaP a obtenu une période d’intervention de six mois sur un chantier où, je le rappelle, elle n’avait initialement pas été prévue. Les fouilles devaient s’étendre du 5 août au 4 avril, soit 243 jours ouvrables. Un budget de plus de 600 000 euros avait été alloué, incluant le recours à une équipe renforcée d’archéologues via un marché public.
Cependant, ce marché n’ayant pu aboutir, l’AWaP a mobilisé une équipe interne, réduite, ce qui a repoussé le début des fouilles au 4 novembre. Dès lors, la période effective d’intervention a été ramenée à 102 jours ouvrables, hors intempéries. Malgré ces contraintes, une fouille restreinte restait envisageable, avec des résultats encore exploitables.
L’arrêt du chantier intervenu le 3 décembre - soit un mois après le début des travaux - en raison des problèmes de gestion des terres polluées et de non-respect des niveaux, a ouvert plusieurs scénarios : • soit la mise en conformité du site, nécessitant le lancement de marchés publics pour le traitement des terres polluées, ce qui, dans le meilleur des cas, aurait permis une reprise en janvier ou février après au moins un mois et demi de procédure ; • soit la contestation des conclusions techniques de la Ville via un expert indépendant, ce qui impliquait également le lancement d’un marché public, sans garantie sur l’issue, et potentiellement suivi d’une mise en conformité tout de même.
Dans ces hypothèses, la durée restante d’intervention aurait été réduite à 69 jours ouvrables (en cas de reprise le 6 janvier), sans compter les jours d’intempéries, congés ou absences pour maladie éventuelle. Par ailleurs, tous les archéologues disponibles avaient déjà été mobilisés, l’AWaP devant également répondre à d’autres chantiers importants à travers la Wallonie.
L’honorable membre souligne à juste titre que les archéologues de l’AWaP sont familiers de la gestion des terres polluées. Toutefois, le cas présent présentait des caractéristiques exceptionnelles : une pollution plus importante qu’à l’accoutumée, la présence avérée d’amiante, et un contexte urbain sensible, à proximité immédiate d’une école. Le traitement du site nécessitait le respect d’un cahier des charges très strict, imposé par les normes européennes en vigueur, et pris en charge par la société de dépollution.
C’est donc bien la suspension d’accès au site, décidée par la Ville de Namur, qui a eu un impact majeur et inattendu sur le calendrier d’intervention de l’AWaP. C’est pourquoi la hiérarchie de l’AWaP a pris cette décision. Voici toutes les informations qu’ils m’ont communiquées.
J’insiste néanmoins sur le fait que, comme dans d’autres situations, L’AWaP a tenté de passer d’une opération préventive à une opération de sauvetage, ce qui exige une capacité d’adaptation importante. Malheureusement, dans ce cas-ci, les délais réduits ne permettaient plus une intervention archéologique sérieuse, ni conforme aux législations pour la gestion des terres polluées et la sécurité sur chantier.