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Les conditions suspensives et le droit de rétractation dans les contrats de vente immobiliers

  • Session : 2024-2025
  • Année : 2025
  • N° : 169 (2024-2025) 1

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  • Question écrite du 24/04/2025
    • de HUBERTY François
    • à NEVEN Cécile, Ministre de l'Energie, du Plan Air-Climat, du Logement et des Aéroports
    Le secteur des agences immobilières m'a récemment interpellé au sujet des conditions suspensives. Ces conditions, qui peuvent être intégrées aux compromis de vente ou aux contrats de vente, ont la particularité d'annuler la promesse d'achat si certaines conditions venaient à être remplies (crédit ou permis de bâtir non octroyé, vices cachés, et cetera). Il s'agit donc d'une protection de l'acheteur envers certaines situations susceptibles de compromettre son projet immobilier.

    Selon certains représentants du secteur, les conditions suspensives, anciennement optionnelles, seraient désormais obligatoires, et prévaudraient donc pour tout compromis de vente immobilier. Auparavant, un acheteur (qui, par exemple, n'avait pas besoin de crédit pour financer son achat) pouvait donc décider de ne pas inclure de telles conditions dans le compromis ou le contrat de vente afin d'en accélérer le processus, en évitant une période de « flottement » durant laquelle la vente pouvait être annulée.

    Mme la Ministre peut-elle m'éclairer sur les dispositions législatives prévalant en la matière ?

    Y a-t-il eu une généralisation des conditions suspensives ou une modification récente desdites dispositions récemment ?
    Le cas échéant, par quoi le changement dans la législation est-il motivé ?

    Parallèlement aux conditions suspensives, le « droit de rétractation » existe dans certains pays. Il s'agit d'une période de temps durant laquelle un acheteur peut se retirer du processus de vente immobilière sans devoir fournir de justification. En France, un acheteur a 10 jours pour notifier son retrait d'une vente via l'exercice de son droit de rétractation, par exemple.

    Des informations contradictoires circulent au sujet de l'existence d'un tel droit de rétractation en Wallonie.

    Qu'en est-il ?
    Un délai de rétractation existe-t-il bel et bien chez nous ?
    Le cas échéant, quelle est sa période d'application pour l'acheteur ou le vendeur et depuis combien de temps un tel droit existe-t-il ?

    Une législation spécifique est-elle d'application aux ventes conclues via des agences immobilières ?
  • Réponse du 13/05/2025
    • de NEVEN Cécile
    Préalablement, j’attire l’attention de l’honorable membre sur le fait que sa question porte sur des sujets relevant de la compétence de l’État fédéral.

    La condition suspensive en matière de vente immobilière est régie par le Code civil. En l’occurrence, la condition suspensive est définie par l’article 5.139 du Code civil entré en vigueur le 1er janvier 2023.

    Cette disposition précise que : « L’obligation est conditionnelle lorsque son exigibilité ou son extinction dépend d’un évènement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque sa réalisation rend l’obligation exigible. La condition résolutoire lorsque sa réalisation entraine l’extinction de l’obligation. »

    À ce jour, la condition suspensive n’est pas imposée par le législateur en matière de vente immobilière. Les parties sont donc libres d’y avoir recours ou non.

    En raison de la nature incertaine de l’obtention d’un crédit, il arrive fréquemment que l’acquéreur ait recours à cet instrument juridique afin d’éviter des frais d’indemnisation en cas d’échec du projet. Cette pratique s’inscrit dans un souci de sécurité juridique, en particulier de l’acquéreur.

    Toutefois, il convient de relever que l’accord de coalition fédérale a annoncé la volonté du législateur de rendre obligatoire la condition suspensive d’obtention de prêt dans tout contrat de vente immobilière. À ce sujet, l’accord précise que : « Les personnes qui contractent un prêt hypothécaire seront mieux protégées en inscrivant dans la loi que le contrat de vente est automatiquement assorti d’une condition suspensive jusqu’à l’obtention du crédit nécessaire. Sans cette condition, le contrat n’est pas valable. Nous garantissons ainsi non seulement la sécurité financière de l’acheteur, mais renforçons aussi la confiance dans le marché immobilier. ».

    En ce qui concerne sa question relative au droit de rétractation, en droit des obligations, le contrat de vente est formé dès que les volontés du vendeur et de l’acquéreur se rencontrent sur la chose et sur le prix. La signature d’un compromis de vente sous seing privé, si fréquente soit-elle dans la pratique, n’en constitue pas une condition nécessaire. Si, cependant, l’offrant retire son offre durant sa période de validité, il engage alors sa responsabilité contractuelle et s’expose à réparer le préjudice, par le paiement de dommages et intérêts à la partie lésée.

    Le Code civil ne prévoit donc pas de droit de rétractation automatique qui permettrait à la partie qui le souhaite, sans aucuns frais, de se dédire de son engagement endéans un délai spécifique.

    Toutefois, il convient de relever que l’article 5.22 du Code civil dispose que : « La loi ou le contrat peut accorder un droit de rétractation. En vertu de celui-ci, une partie dispose après la conclusion du contrat d'un délai pendant lequel elle peut porter à la connaissance de l'autre partie qu'elle renonce au contrat.

    En ce cas, sauf disposition contraire de la loi ou du contrat, cette partie peut se rétracter du contrat sans paiement de frais ou d'une indemnité et sans avoir à donner de motifs. ».

    Ainsi, rien n’interdit aux contractants de convenir expressément d’une faculté de dédit de manière contractuelle et de réserver à l’une ou l’autre des parties la faculté de renoncer au contrat dans un délai déterminé.

    À côté de cette faculté volontaire, le Code de droit économique impose dans certaines hypothèses précises un droit de rétractation au profit du consommateur. C’est notamment le cas lorsque celui-ci s’engage dans un contrat d’intermédiation conclu avec une entreprise qui fait de l'intermédiation immobilière à titre professionnel, soit notamment les agents immobiliers.

    En effet, l’arrêté royal du 28 septembre 2023, pris en exécution du Code de droit économique et applicable aux contrats d’intermédiation, dispose que le consommateur dispose, à compter de la conclusion du contrat d’intermédiation, d’un délai de 14 jours de rétractation, et ce, peu importe le lieu de la conclusion de la convention. Ainsi, à titre d’exemple, le propriétaire d’un bien, non professionnel, qui ferait appel aux services d’une agence immobilière pour la mise en vente ou la mise en location de son bien, a la possibilité de se rétracter du contrat d’intermédiation conclu avec l’agence, sans frais, dans les 14 jours suivant sa conclusion.

    Il importe toutefois de préciser que la simple formulation d’une offre d’achat ou de location, par un candidat acquéreur ou un candidat locataire, selon le cas, adressée par le biais d’un intermédiaire, n’établit pas entre le consommateur et l’agent immobilier un contrat distinct, mais crée un lien juridique avec le vendeur (ou le bailleur) du bien. Dès lors, en l’absence de disposition particulière, aucun droit de rétractation n’entoure pareil acte. L’offre acceptée engage son auteur de manière irrévocable.