à MAGNETTE Paul, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances
J’ai envie de dire, en commençant mon intervention, que les journées qui commémorent une cause ou un combat de société, sont l’occasion, pour nous, responsables politiques, de mettre en avant des sujets au sein de nos commissions dont les débats sont parfois en décalage avec les besoins que vivent nos concitoyens au niveau local.
Mais, en même temps, passé le temps de la commémoration et une fois les projecteurs éteints, il importe de maintenir l’attention pour faire reculer l’injustice dénoncée. C’est précisément le cas, ici, avec mon interpellation sur le dispositif des Relais Santé, dans le cadre de la Journée mondiale du refus de la misère.
Les Relais santé sont assez récents. Ils viennent compléter le Relais social sur le plan sanitaire pour les plus précarisés de notre société.
On peut dire que le Relais santé fait partie de ces institutions de première ligne, en contact frontale avec la misère de nos villes.
Comme tout dispositif récent, il connaît encore des changements pour répondre au mieux aux besoins des sans-abris.
Or comment dispenser l’aide et les soins les plus appropriés aux SDF si nous ne disposons pas de suffisamment de données sur les attentes des sans-logis, sur les besoins des Relais au niveau de leurs staffs locaux ?
En pratique, serait-il possible de faire en sorte que les Relais santé tiennent une banque de données tout en veillant, bien sûr, à ne pas tomber dans les réflexes technocratiques qui lui imputeraient une charge de travail supplémentaire ?
Toujours en ce qui concerne la question du cadre, serait-il possible de renforcer la formation du staff pour traiter au mieux les problèmes les plus rencontrés chez les SDF ?
Deux problèmes reviennent régulièrement : les maux de pieds (en effet, les sans logis marchent énormément, d’abris de fortune en abris de fortune) et les problèmes respiratoires, imputables, souvent, à l’humidité, à l’insalubrité des endroits où ils trouvent un refuge précaire dans la rue.
L’équipe des Relais santé – un médecin et des assistant(e)s sociaux – doivent faire face à une foule de demandes et de besoins. Monsieur le Ministre peut-il nous faire le point sur ces structures actuellement en place au niveau de la Région ?
En complément des deux problèmes spécifiques que je viens de soulever ci-dessus, serait-il possible d’envisager des permanences de spécialistes dans le domaine de la pédologie et des maladies respiratoires ?
Je pense également qu’il faudrait renforcer l’information à destination des sans abris sur les services rendus par les Relais santé. Bien souvent, encore, un grand nombre d’entre eux ignorent ce qui est mis à leur disposition.
Complémentairement à tout ce qui vient d’être dit – et pour l’avoir moi-même constaté sur le terrain – je pense que la question sanitaire participe directement à l’équilibre de l’individu et peut être un vecteur de réinsertion.
Concrètement, je pense que les Relais santé devraient pouvoir offrir aux sans abris ce que l’on pourrait appeler « une veille sanitaire ». En pratique, outre un régulier réalisé par le médecin, cela devrait aller avec la mise à disposition de douches pour qu’ils puissent retrouver un état sanitaire décent.
Leur permettre d’avoir accès régulièrement à des douches serait directement bénéfique au niveau de leur hygiène corporelle (et permettra de mieux combattre les maladies qui y sont liés), participera à leur équilibre personnel (avec ce que cela peut avoir comme effets bénéfiques en termes de santé mentale) et, d’une manière plus générale, contribuera à renouer avec la société car, se présentant sous un meilleur aspect, ils devraient être en état de s’inscrire plus facilement dans des circuits de réinsertion socioprofessionnelle.
Le chemin est long, le combat difficile. Il l’est autant pour les sans abris que pour les intervenants de première ligne dont font partie les Relais santé.
Réponse du 03/12/2007
de MAGNETTE Paul
Les Relais santé ont été créés à partir du constat que les personnes en situation précaire rencontrent des obstacles majeurs dans leur accès aux soins, et ce, malgré les dispositifs mis en œuvre comme l'aide médicale urgente ou le « Code 207 » pour les demandeurs d'asile.
Les Relais santé développent une action spécifique orientée vers ces publics parfois méfiants à l'égard des services (para)médicaux traditionnels et vers les prestataires dont certains refoulent ces publics en raison de leur précarité financière ou de leurs comportements. La santé n'est pas la première préoccupation de ces personnes, leurs problèmes sont autres et leurs priorités sont de manger, se loger, se chauffer.
Le premier Relais santé a été créé à Liège où les associations et les institutions publiques avaient démarré une réflexion et une coordination de leurs pratiques. Liège servira de modèle et le Gouvernement wallon prit, le 19 octobre 200S, la décision dans le Plan stratégique n° 3 sur l'inclusion sociale de créer, en complément dans chaque Relais social, un Relais santé dans les sept villes wallonnes suivantes : Liège, Charleroi, Mons, La Louvière, Verviers, Namur et Tournai.
Aujourd'hui, deux Relais santé sont financés, celui de Liège depuis 2006 et celui de Charleroi depuis 2007. Le budget de l'année 2008 prévoit le financement de deux nouveaux relais, il s'agit de Mons et de La Louvière. En 2009, suivront Verviers, Namur et Tournai. Chaque Relais Santé reçoit une subvention de 70.000 euros et les deux grandes villes ont obtenu des aides à l'emploi. L'équipe se constitue d'une infirmière soda le ou assistante sociale, d'un employé administratif, d'un médecin (vacation ou CPAS) et d'un psychologue (vacation). Il s'agit actuellement encore d'un stade expérimental du dispositif, les différences sur le terrain sont importantes, les pratiques doivent s'y adapter et il n'était pas souhaitable de fixer dans une réglementation le processus non encore abouti.
Après une évaluation de ces premières expériences, le cadre réglementaire sera fixé pour le 1er janvier 2009 au plus tard. Déterminer les besoins concrets des Relais Santé au niveau de leurs staffs locaux fait justement partie du processus initié.
L'étude des besoins des personnes en situation précaire fait partie des missions de démarrage des Relais santé, démarrage qui se fait à partir des CPAS et des Relais sociaux qui coordonnent les acteurs publics et privés sur les dispositifs d'urgence sociale, d'accueil de nuit, de jour et sur le travail de rue. Dans la phase de la consolidation de la structure des Relais santé, il est effectivement prévu que les Relais santé uniformisent leurs récoltes de données afin que ces chiffres concernant les sept villes wallonnes soient comparables et uniformes. Un projet semblable a lieu en ce moment dans le secteur des Associations de santé intégrée, les Maisons médicales agréées par la Région wallonne.
Je travaille, par ailleurs, à la mise sur pied d'un Observatoire de la santé qui doit doter la Région wallonne d'un outil statistique en rassemblant les données dont notre Administration et ceux dont d'autres niveaux de pouvoir disposent. Cet Observatoire sera une aide précieuse à la décision dans le domaine de la santé, le vieillissement et l'accès aux soins pour le Gouvernement wallon.
La formation des travailleurs sociaux est une des missions du Relais santé et l'on peut même dire un de leurs piliers. la personne aidée et ses particularités occupent la place centrale. Il faut créer un réseau de soins adapté à ce public et avec ce public. la nécessité de formation est générale et concerne les travailleurs sociaux, les médecins, les éducateurs, les personnes en situation précaire afin d'identifier les demandes et de les clarifier, de dépister les problèmes de santé et de les prévenir, d'adapter le circuit de soins à la situation que vivent les personnes concernées.
L'étude faite par l'association « Comme chez nous » que l'honorable Membre mentionne semble tout à fait intéressante. Malheureusement, je n'en dispose pas et il m'est donc difficile d'en débattre. Je propose que Madame Caprez, représentante de la structure en question au Relais social de Charleroi et Présidente de son Comité de pilotage, permette à l'ensemble des associations et des institutions publiques sur le terrain, dans ce Comité élargi au Relais santé de Charleroi, d'en débattre et d'en retirer tous les bénéfices pour mieux guider leurs actions et adapter leurs pratiques. C'est vraiment à cet endroit, avec les centres de planning, les maisons médicales, les médecins généralistes, le CPAS et leurs services d'aide à domicile, qu'un circuit de soin doit être rendu opérationnel.
En ce qui concerne la permanence de spécialistes, la possibilité doit être donnée à la population en situation précaire de consulter les spécialistes dans le circuit « traditionnel», ce qui correspond justement à la mission du Relais santé. La Belgique est dotée de l'un des meilleurs systèmes de soins de santé du monde et l'objectif des Relais Santé consiste à aider ces personnes à réintégrer ce système plutôt que d'organiser de nouveaux dispositifs curatifs qui aboutiront à une médecine parallèle pour les pauvres. Je veillerai, dans l'évaluation des Relais santé comme je dirai encore en phase « expérimentale », que cet objectif soit clairement atteint.
Renforcer l'information auprès des sans-abri doit se faire via les éducateurs de rue, les travailleurs sociaux du terrain, le bilan de santé effectué au Relais Santé, le suivi par le médecin généraliste, par la Maison médicale ou par le médecin spécialiste dans une institution hospitalière. Il s'agit bien de faire fonctionner cette « chalne» dans la même optique de soins adaptés à la personne via la coordination, la formation, la mise en commun de bonnes pratiques et l'impulsion du pouvoir politique.
Les douches sont mises à disposition dans les endroits où les sans-abris passent régulièrement et rencontrent les travailleurs sociaux, dans les dispositifs d'accueil d'urgence, les restos du cœur,... La Région wallonne finance ces dispositifs et les douches qui doivent, pour moi, rester au plus près des personnes formées à pouvoir entamer avec les personnes sans abri, un travail de prévention et d'éducation à la santé. là encore, il appartient au Relais Santé de faire l'étude des besoins sur leur territoire et de la relayer à l'ensemble des partenaires afin de remédier aux manquements.
Je voudrais revenir sur le chemin qui reste à parcourir. Le 17 octobre dernier, la Journée mondiale du refus de la misère nous l'a rappelé à tous. Aussi, dans notre pays, dans nos régions, la lutte pour résister à la misère et l'éliminer doit se poursuivre en considérant les plus pauvres comme les premiers acteurs de cette lutte. C'est dans cette philosophie que les Relais Santé doivent se développer et atteindre leurs objectifs.