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Pénurie des pédopsychiatres - Offre actuelle en Région wallonne.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 122 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 05/05/2008
    • de COLICIS Ingrid
    • à DONFUT Didier, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Monsieur le Ministre me permettra d'évoquer un problème de santé mental majeur: la pénurie dramatique de pédopsychiatres que connaît la Belgique et qui a fait grand bruit dans la presse récemment. Le constat émane de l'Association professionnelle belge de psychiatres qui affirme qu'il en manque 300 dans le pays. Et ce, à l'heure où : « Les troubles psychiques sont de plus en plus fréquents, en particulier chez l'enfant », explique le Docteur Françoise Matthys, psychiatre à l'UZ Gand et trésorière de ladite association. Ainsi, les troubles psychiques vont croissant chez les jeunes, ce qui est d'autant plus inquiétant puisque la Belgique affiche le taux de suicide le plus élevé d'Europe occidentale: 2.000 par an.

    Cette pénurie de psychiatres pour enfants et adolescents va forcément de pair avec des listes d'attente souvent très longues pour obtenir un rendez-vous auprès de ces spécialistes. Or lorsque l'enfant en difficulté manifeste des signes de détresse alarmants, il sera d'autant plus difficile pour lui comme pour son entourage de gérer la situation quand on sait qu'il va falloir patienter de trois à six mois parfois.

    Sans compter qu'il s'agit d'une problématique extrêmement complexe et multifactorielle: les âges comme les pathologies varient. Ces dernières se traduisent aussi bien par des cauchemars, par des idées morbides, des chagrins, de l'anxiété, des troubles de l'alimentation ou du comportement, ...

    Les modalités d'intervention peuvent elles-mêmes être psychopharmacologiques ou non. Sans compter que l'émergence des nouvelles addictions avec (sniffing) ou sans drogue (cyberdépendance) peuvent être elles-mêmes un facteur aggravant.

    Outre le fait que la population fait de plus en plus vite appel à l'assistance mentale, il apparaît que seules quelques dizaines de psychiatres sont annuellement diplômés en Belgique. Et de tous les spécialistes, ce sont les psychiatres qui s'avèrent être les moins bien payés. Enfin, la féminisation de la profession amène les psychiatres débutants à se consacrer davantage à la vie familiale.

    A noter encore que la consultation en psychothérapie nécessite plus de temps qu'une consultation traditionnelle. Et que l'évaluation pédopsychiatre nécessite environ trois fois plus de temps que l'évaluation du patient adulte.

    Au niveau wallon, en termes d'offre, ce sont les services de santé mentale (57 agréés en Wallonie) qui font office d'aide de première ligne. Malheureusement, ces équipes pluridisciplinaires composées obligatoirement d'un psychologue, d'un assistant social et d'un psychiatre et/ou pédopsychiatre connaissent, elles aussi, de sérieuses difficultés à embaucher des psychiatres. La raison en est simple: les psychiatres des services de santé mentale sont moins bien rémunérés que dans les structures hospitalières et ont bien souvent une marge de manoeuvre plus réduite.

    En ce qui concerne l'aide aux jeunes, on peut aussi citer les centres de planning familiaux qui sont, quant à eux, composés de psychologues et de médecins mais non de psychiatres et qui traitent plutôt des problèmes de sexualité. Ils ne font donc pas le poids lorsque l'état du jeune réclame un diagnostic psychiatrique.

    Dès lors, lorsque le jeune ou le très jeune nécessite une aide pédopsychiatrique en urgence, il n'a que très peu d'alternative. ce qui amène à réfléchir et surtout à nourrir l'envie de faire bouger les choses, quand on sait que sur la population globale qui fréquente les services de santé mentale, la moitié est composée de personnes de moins de 18 ans.

    Aussi, une des solutions au problème résiderait évidemment dans une valorisation de cette profession, et qui passe par une meilleure rémunération de ces prestations dites « intellectuelles ». Consciente que ces revendications ne sont pas du ressort de Monsieur le Ministre, il ne serait néanmoins pas vain, à mon sens, qu'il fasse l'écho auprès de son homologue fédéral.

    A côté de cela, outre leur ampleur grandissante, les problèmes de santé mentale chez les jeunes s'avèrent de plus en plus complexes. On peut arguer le côté sociétal de la chose, la conjoncture actuelle de plus en plus difficile, la région sujette à une plus forte précarisation tout comme l'émergence des nouvelles addictions. Bref, de nombreux facteurs entrent en jeu.

    Il serait dès lors plus qu'opportun de mener une étude sur les raisons de cette augmentation de la demande en matière de pédopsychiatrie en Wallonie. D'autant que la Région wallonne possède un organe tout à fait approprié pour mener cette mission à bien, à savoir l'Institut wallon pour la santé mentale.

    Enfin, Monsieur le Ministre a-t-il envisagé, malgré sa récente entrée en fonction, de nouvelles mesures et/ou pistes de solution en ce sens ? Plus que jamais, la Région wallonne doit continuer à donner la priorité aux problèmes de santé mentale dont souffre cruellement la jeunesse.
  • Réponse du 23/07/2008
    • de DONFUT Didier

    La question de l'honorable Membre comporte d'emblée de nombreux éléments de la problématique envisagée, laquelle a et fait encore l'objet de divers travaux sous cette législature.

    En effet, les Assises de la Santé mentale qui se sont déroulées en 2007 ont relayé la préoccupation des professionnels de la santé mentale à l'égard de la situation des enfants et des adolescents.

    Sur cette base, le Gouvernement wallon a été informé par la Ministre alors en charge, Madame C. Vienne, de son intention de mener une étude visant à clarifier l'offre destinée à cette frange de la population dans les services de santé mentale, avec l'aide de l'Institut wallon pour la Santé mentale.

    Cette étude vient de s'achever tout récemment et n'est pas encore publiée. Elle souligne que « l'ensemble des intervenants témoigne d'une évolution dans la nature des situations qu'ils ont à gérer à l'heure actuelle. Les situations rencontrées sont de plus en plus compliquées, disent-ils: complexité et éclatement des structures familiales, multiplication du nombre des intervenants dans un travail en réseau parfois compliqué avec intervention de la Justice, des parents dans une grande difficulté à fixer des limites, des addictions de plus en plus précoces, des addictions psychopathologiques de plus en plus sévères, etc. ». L'autre élément sur lequel insistent les acteurs de terrain est la nécessité d'une formation continue.

    Par ailleurs, et on le comprendra à la lecture de ce témoignage, elle ouvre de nouvelles pistes de travail plutôt qu'elle ne conclut l'examen de la question.

    Ces pistes vont donc continuer à être étudiées par l'Institut wallon pour la Santé mentale dans le cadre du financement important qui lui est alloué sur le budget de la santé, cette première étude étant quant à elle à porter à la connaissance des professionnels concernés dans les prochaines semaines.

    Par ailleurs, une subvention a également été allouée dans ce même contexte au service de santé mentale de Braine-l'Alleud qui développe depuis plusieurs années la prise en charge précoce des enfants (0 - 6 ans), dès avant même la naissance dans certains cas. Il s'agit d'une recherche d’action à laquelle collabore aussi l'Institut wallon pour la Santé mentale pour l'aspect méthodologique, le rendu scientifique du projet et notamment sa comparaison avec d'autres interventions de même nature ou de nature analogue tel l'outreaching. L'objectif est, d'une part, de poursuivre la mise en pratique du projet qui se déroule au domicile, dans le cadre familial, et selon une démarche pluridisciplinaire (psychologue/psychiatre et thérapeute a media) et, d'autre part, de l'évaluer dans la perspective d'une diffusion de la pratique auprès des professionnels des services de santé mentale, tout en veillant à la cohérence avec la première étude menée sur l'offre « enfants».
    La problématique des délinquants psychiatriques a également retenu mon attention: l'Institut wallon pour la Santé mentale remettra sous peu une proposition de travail sur la prise en charge ambulatoire de cette population.

    Comme l’honorable Membre le constate, les travaux menés et envisagés sous l'égide de la Région wallonne en la matière et cités ici de manière non exhaustive, ainsi, l'appel à projets qui vient d'être lancé en matière d'assuétudes, aborde notamment la cyberdépendance ou encore la situation des parents, attestent de la préoccupation majeure que représente en général la santé mentale et plus particulièrement la situation des plus jeunes à laquelle une priorité est effectivement accordée.

    La pénurie de pédopsychiatres et de psychiatres en général, est également un point d'attention majeur: elle a fait l'objet d'un avis du Conseil régional des services de santé mentale, d'interpellations auprès de l'Autorité fédérale à plusieurs reprises sous la précédente législature et sous celle-ci, d'un suivi permanent de la part de l'Administration qui a également réalisé divers travaux d'analyse, en fonction de l'évolution de la situation.

    La levée du moratoire annoncée par la Vice-Première Ministre en charge de la Santé, Madame L. Onkelinx, répond en partie à la problématique générale de la pénurie des psychiatres et pédopsychiatres dans les services de santé mentale.

    Il est probable que cette initiative devra s'accompagner d'autres mesures visant à accroître et à maintenir l'implication des médecins spécialisés dans les services de santé mentale. Par leur nature pluridisciplinaire et leur organisation, ces services constituent des structures attractives pour une profession touchée par la féminisation mais plus spécialement aussi pour des pédopsychiatres dont l'intervention peut alors s'appuyer sur les compétences des autres fonctions psychologiques, sociales ou autres (logopédie, thérapie a media, etc).

    La revalorisation pécuniaire est un des aspects de l'attractivité ou non des structures: à cet égard, la concurrence des types de financement institutionnel influe considérablement sur le niveau de pénurie d'une structure à l'autre et par rapport à la pratique en cabinet médical. Mes services ont remis des simulations budgétaires à cet égard tout récemment à mon Cabinet, lesquelles devront faire l'objet d'une présentation en groupe de travail conformément à la décision du Gouvernement en la matière.

    Comme l’honorable Membre le mentionne, la problématique de la santé mentale est une priorité: on ne peut s'épanouir dans sa famille, dans le monde du travail, chercher un emploi, développer un projet de vie, participer à l'évolution de la société et aux activités sociales qu'en étant d'abord bien avec soi-même. Et je confirme dès lors à l’honorable Membre mon engagement en faveur de cette priorité.