/

Effets pervers des dérogations de clôture accordées aux agriculteurs.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 400 (2007-2008) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 29/05/2008
    • de PARY-MILLE Florine
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    L’arrêté royal du 5 août 1970 portant règlement général de police des cours d’eau non navigables, entré en vigueur au 1er janvier 1973 dispose en son article 8 que « les terres situées en bordure d’un cours d’eau à ciel ouvert et servant de pâtures doivent être clôturées de telle sorte que le bétail soit maintenu à l’intérieur de la pâture. (...) Sur proposition dûment motivée faite par le conseil communal avant le 1er août 1972 et sur avis de la députation permanente, l’ensemble du territoire d’une commune peut, par arrêté royal, être soustrait à l’application de cet article. ».

    De nombreuses communes en Région wallonne se sont alors empressées d’introduire une demande de dérogation de clôture, estimant que « l’usage de l’eau du cours d’eau pour l’abreuvement du bétail était un usage depuis longtemps reconnu et revendiqué légitimement par les agriculteurs ».

    Cette position, si elle se comprend, pose toutefois plusieurs problèmes. Tout d’abord, l’abreuvage du bétail à un cours d’eau entraîne souvent l’affaissement des berges de ce dernier, phénomène qui est reconnu comme étant l’une des principales causes de l’érosion des terres agricoles. C’est d’ailleurs suite à cela, par exemple, que des actions ont été menées en province de Luxembourg dans le cadre du programme Interreg II Wallonie-Champagne-Ardennes.

    La fréquentation du cours d’eau par le bétail peut également amener à la pollution de celui-ci suite aux dépôts de déjections. Enfin, si les dérogations aux droits de clôture étaient sans grand danger il y a une trentaine d’années, la dégradation importante de notre environnement a aujourd’hui changé la donne.

    J’en veux pour preuve la situation vécue à Braine-le-Comte, où un agriculteur qui a abreuvé ses bêtes au ruisseau de bonne foi et dans son bon droit, se retrouve maintenant sans revenus suite à l’abattage de son troupeau qui avait consommé de l’eau polluée aux polychlorobiphényles (PCB).

    Par le passé, la Région a déjà restreint les périmètres de dérogations de clôture en prenant l’arrêté du 24 juillet 2003, en abrogeant les dérogations dans les zones de baignade et les zones amont reprises dans la liste annexée à l’arrêté susmentionné et en précisant que l’accès du bétail y est interdit tout au long de l’année.

    Sachant que l’eau du ruisseau est réputée potable pour les animaux, ceux-ci peuvent s’abreuver grâce à un abreuvoir actionné par eux-mêmes. Le responsable de la potabilité de l’eau sera soit la Région, soit la province, soit la commune selon le classement du cours d’eau.

    Qui sera responsable de la pollution des sources et des écoulements des fossés véhiculant des eaux usées lors des pluies importantes ?

    Puis-je demander à Monsieur le Ministre la liste des communes en Région wallonne qui octroient encore, à l’heure actuelle, des dérogations de clôture sur leur territoire ?

    Qui est chargé de l’application de cette législation en Région wallonne et combien de contrôles annuels ont lieu chaque année ?

    Si je trouve qu’il convient de respecter l’autonomie communale, ne serait-il pas judicieux de prendre un arrêté qui obligerait les communes qui accordent des dérogations de clôture de s’assurer au préalable et à intervalles réguliers de la qualité des eaux des cours d’eau qu’elles mettent ainsi à disposition ?

    Parallèlement à cela, ne faudrait-il pas prévoir une remise en question de la dérogation dès qu’il serait constaté une trop grande érosion des berges ?
  • Réponse du 27/06/2008
    • de LUTGEN Benoît

    Il est exact que l’arrêté royal du 5 août 1970 portant le règlement général des cours d’eau non navigables, tel que modifié par l’arrêté royal du 21 février 1972, prévoit en son article 8 qu’à partir du 1er janvier 1973, les terres situées en bordure d’un cours d’eau à ciel ouvert et servant de pâtures, doivent être clôturées de telle sorte que le bétail soit maintenu à l’intérieur de la pâture. Le même article prévoit également que, sur proposition dûment motivée faite par le Conseil communal avant le 1er août 1972 et sur avis de la députation permanente, l’ensemble du territoire d’une commune peut, par arrêté royal, être soustrait à l’application de cet article.

    Les dérogations n’ont pu être octroyées qu’aux communes qui en ont fait la demande et ce, avant le 1er août 1972. Depuis lors, aucune dérogation supplémentaire n’a pu être accordée.

    Le responsable de la pollution des sources et des écoulements des fossés véhiculant des eaux usées lors des pluies importantes se verra appliquer le principe du pollueur-payeur, pour autant qu'on puisse identifier avec certitude l'origine de la pollution.

    La liste des communes en Région Wallonne ayant reçu des dérogations de clôture sur leur territoire est jointe en annexe.

    Les différents gestionnaires des cours d’eau (communes, provinces, Région) sont responsables à leur niveau (cours d’eau de 3ème, 2ème, 1ère catégories et navigables) de l'application de cette législation en Région Wallonne.

    Actuellement, il n'y a pas de contrôle systématique des clôtures du fait des disparités au sein d'une même commune des dérogations accordées en 1972.

    Néanmoins, il convient de trouver une solution aux atteintes à l'environnement dont vous faites état. A cet effet, la DGRNE étudie depuis plusieurs années des solutions adaptées à chaque type de cours d'eau en fonction des caractéristiques de celui-ci (érosion des berges plus ou moins forte, risque d'emportement des clôtures lors de crues, circulation des pêcheurs de bord, …) et a mis en œuvre des expériences-pilotes. Outre les projets cofinancés par l'Europe, des essais sont menés actuellement, en pleine concertation avec les agriculteurs, sur le bassin de la Lesse, pour rencontrer à la fois les objectifs de qualité d'eau nécessaire à préserver les zones de baignade mais aussi les futures contraintes des plans de gestion.

    Les contrats de rivière ont également développé de nombreuses initiatives en partenariat avec les agriculteurs et les communes.

    En ce qui concerne l'abreuvage, rappelons qu'il découle du Code civil qui autorise le riverain à « se servir de l'eau à son passage pour l'irrigation de ses propriétés ». Le droit de riveraineté parle d'usage de l'eau à des fins d'irrigation, même si la pratique a étendu cet usage à l'ensemble des usages de l'eau. L'exercice du droit de riveraineté implique aussi celui d'effectuer tous les travaux utiles à l'usage qui peut en être fait. Ceci veut dire aussi qu'il appartient à l'agriculteur de vérifier régulièrement si l'eau du cours d'eau est apte à l'usage qui peut en être fait soit, dans ce cas, l'abreuvage des animaux.

    Par ailleurs, il n'y a pas de normes définies pour la qualité de l'eau destinée à l'alimentation des animaux. J’insiste toutefois sur le fait qu’au niveau sanitaire, il n’est absolument pas conseillé de faire boire de l’eau des cours d’eau au bétail. Des maladies comme la brucellose et la douve hépatique peuvent être véhiculées par l’eau. La bonne pratique voudrait que le bétail soit abreuvé avec de l’eau potable (distribution, puits, citerne). Le faire boire dans un cours d’eau, c’est uniquement une solution de facilité qui est accordée par les communes à l’agriculteur et ce, « sous sa responsabilité ».

    Dans le cadre des plans de gestion pour la mise en œuvre de la Directive-Cadre sur l'Eau (Directive 2000/60/CE), des mesures de restriction de l'accès du bétail au cours d'eau seront développées notamment sur base des essais-pilotes réalisés par exemple sur le sous-bassin de la Lesse. Ces mesures seront donc d’application à partir de 2009.