Retour des farines animales dans l'alimentation pour le bétail.
Session : 2007-2008
Année : 2008
N° : 471 (2007-2008) 1
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Question écrite du 09/07/2008
de WESPHAEL Bernard
à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme
S'il y a une dizaine d'années, la crise de la dioxine a soulevé un vent de panique dans la population, ce n'était rien à côté du tsunami qu'a provoqué en 1995, au sein du monde scientifique, la découverte du nouveau variant de la Creutzfeldt-Jakob, forme humaine de l'encéphalite spongiforme bovine (maladie de la vache folle).
Aujourd'hui, à peine plus d'une décennie après, j'apprends, non sans inquiétudes, que les farines animales s'apprêteraient à faire leur grand retour dans l'alimentation pour bétail suite à une volonté européenne d'assouplissement des mesures actuelles, moyennant quelques mesures restrictives.
Que Monsieur le Ministre me permette d'oser évoquer ici ce que nos plus éminents scientifiques n'ont pu dire à l'époque que dans des cénacles très fermés.
Quelques considérations scientifiques :
- la maladie de Creutzfeldt-Jakob appartient aux encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST). Il existe différentes formes d'EST qui touchent les hommes mais aussi les animaux. Chez les ruminants la maladie est connue depuis très longtemps, tremblante du mouton et de la chèvre (1732) ; la première description des symptômes de la maladie chez la vache remonte quant à elle à 1883 avec un cas en Haute-Garonne;
- en 1995, une nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt Jakob (quatrième) a été décrite en Grande-Bretagne ; la forme variante. Sur base d'arguments cliniques, épidémiologiques et expérimentaux, l'apparition de cette forme humaine de la maladie a été attribuée à la consommation de viande bovine, bovins eux-mêmes atteints par l'encéphalopathie spongiforme bovine. L'agent infectieux (le prion) passerait donc de l'animal à l'homme.Il faut dire qu'en 1970 les règles de fabrication des farines animales avaient été modifiées en Angleterre et le temps de chauffe réduit (on ignorait alors que le prion n'était détruit qu'à condition de chauffer la matière à 133- avec une pression de 3 bars - et durant 20 minutes);
- l'une des particularités du nouveau variant de la maladie de Creutzfelt-Jakob par rapport à sa forme classique est l'âge des personnes touchées. La moyenne d'âge est inférieure à 30 ans, alors que la forme classique ne frappe presque jamais avant 60 ans. De son étude de 2001, l'équipe dirigée par Alain-Jacques Valleron (Inserm - Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - France) a déduit que la sensibilité à l'absorption de nourriture contaminée est beaucoup plus grande avant l'âge de 15 ans et qu'elle décroît ensuite très rapidement en fonction de l'âge du consommateur;
- la maladie se caractérise par une dégénérescence du système nerveux central. Le symptôme principal est la démence et le décès est inexorable.
Certitudes et suppositions
Si les chercheurs s'accordent sur le nombre de bovins en incubation de l'ESB consommés, du moins au Royaume-Uni de 1980 à 1989 (entre 500 000 et un million), cela ne permet pas de connaître le nombre d'humains que ces animaux ont réellement contaminé.
En effet, la quantité de nourriture infectée susceptible d'induire la maladie chez l'homme est inconnue et le restera probablement. Pour certains, un seul gramme de cervelle malade est capable de contaminer un homme. Il est évident qu'aucune expérience ne peut être faite à ce sujet chez l'humain et les modèles animaux ne permettent pas d'aboutir à des conclusions probantes.
La maladie a été capable de traverser la « barrière d'espèce » que pour se transmettre des bovins aux humains. Il semblerait également qu'elle soit plus difficile à franchir qu'on aurait pu le craindre il y a quelques années.
La durée d'incubation
Pendant la période d'incubation, la maladie est silencieuse et la personne infectée ne présente aucun symptôme. Les derniers travaux de l'équipe de l'Imperial College (Londres) considèrent comme probable que cette période se situerait entre 12,6 et 16,7 années, sans toutefois exclure qu'elle pourrait aller jusqu'à 35 ans.
Ce paramètre est probablement celui qui conditionne le plus fortement l'évolution future de l'épidémie. Ainsi, en envisageant une durée d'incubation moyenne supérieure à 60 ans, l'équipe de l'Imperial College était parvenue en 2000 à un nombre maximal de cas qui pouvait atteindre 136 000. Ce chiffre descendait à 3 000 si la période d'incubation ne dépassait pas 30 ans.
A l'époque, en Belgique, des consignes strictes avaient été données afin de ne pas affoler la population, faut-il pour autant en oublier aujourd'hui l'ampleur de phénomène ? Faut-il toujours tabler sur les protections naturelles (telle la barrière des espèces) ?
Pas plus aujourd'hui qu'hier, il n'est possible de garantir une sécurité maximale aux consommateurs si les farines animales font leur réapparition dans l'alimentation pour bétail. S'il est vrai que celui-ci consomme naturellement des protéines au travers des insectes, limaces, escargots, … contenus dans les pâturages, elles n'ont pas tout à fait les mêmes qualités que les déchets d'abattoirs ou des clos d'équarrissage !
Monsieur le Ministre pourrait-il me dire quelles mesures il a prises ou il compte prendre de toute urgence afin de protéger le consommateur wallon et quels contacts il ab pris auprès de ses homologues du Gouvernement fédéral.
Réponse provisoire du 06/08/2008
de LUTGEN Benoît
A l'heure actuelle, l'ensemble des renseignements nécessaires pour répondre de manière précise et circonstanciée à la question de l’honorable Membre ne m'ont pas encore été complètement communiqués.
Je ne manquerai pas de les transmettre à l’honorable Membre dès que j'en aurai pris possession.
Réponse du 30/09/2008
de LUTGEN Benoît
Il est exact que, suite au déficit de l’Union européenne en termes de production de protéines végétales et face à la hausse importante des coûts de production des produits animaux due à la hausse des prix des matières premières agricoles et au surcoût lié à l’interdiction des sources protéiques issues de plantes génétiquement modifiées, tant au niveau des autorités européennes que dans le secteur y compris en Région wallonne, d’aucuns souhaiteraient réduire ces coûts de production en autorisant à nouveau l’utilisation de farines animales, mais aussi l’usage de plantes OGM.
Il va sans dire que je suis formellement opposé à ces deux mesures.
En ce qui concerne les OGM, il n’est plus besoin de répéter ma position bien connue sur ce sujet, ni les multiples initiatives prises pour la défendre.
En ce qui concerne la réintroduction des farines animales, au-delà de l’application légitime du principe de précaution, il m’apparaît dangereux, voire irresponsable de promouvoir cette option qui ternirait l’image des produits agricoles. Il existe d’autres voies pour renforcer la production de protéines végétales non OGM au sein de l’UE et ainsi réduire notre dépendance à l’égard des importations, en particulier des produits OGM.
Dans le cadre des négociations à l’OMC, l’accord dit « de Blair House » qui limite la production européenne de tourteaux de soja et ouvre sans limites nos frontières aux importations américaines et brésiliennes devrait être revu.
Dans le cadre de la PAC également, des mesures encourageant la production de protéines animales non OGM devraient être prises.
A diverses reprises, j’ai plaidé pour de telles options au niveau du Conseil agricole européen. Force est pourtant de constater que bon nombre d’Etats membres privilégient encore, actuellement, une approche économique à court terme plutôt que l’approche qualitative et durable qui est la mienne.
Comme pour les OGM et, récemment, pour la proposition d’autoriser l’importation de volailles traitées aux produits chlorés, je continuerai à m’opposer à toutes réglementations contraires aux principes de précaution et de développement durable.